Lafcadio • do you hear the people sing?

Un élan en avant, peu importe la destination.
Peu importe les courants.
Un élan projeté vers Demain, les yeux rivés sur le soleil, les phalanges vers le ciel, les autres cramponnées à la terre, au concret, au monde tangible sous ses pieds.
Le visage buriné de traits passés qui s'effritent à mesure des années. La même verve pourtant que celle d'une jeunesse imbriquée, charisme toujours là, toujours à tâter la gloire du bout des doigts.

Il regarde, et empoigne.
Il est de ces honneurs qui portent et ne délaissent jamais.
Il est de ces promesses d'idéal qui montent, montent si haut, si fort, que la chute ne peut être que fatale.

Il est de ces animaux qui, s'il s'arrêtent de courir, meurent d'un arrêt du cœur.

Il regarde, et témoigne.
Témoigne qu'Hier est une ombre qui finira pour l'oublier. Lui et la lumière qu'il efforce de cultiver. Lui et ses allures d'homme du monde quand la crasse s'accumule sous les ongles, mange-charbon, bâtard-sang coupé. Lui et ses mensonges de jeune Adam, ses coups enfoncés dans son palpitant, sa réputation aux longues dents venant mordre ses mains trop tendues.

Les siennes, avant tout.
Celles des autres, surtout.

Lui, ne fait que s'en esclaffer.

« Car il faut bien rire... ! »

Rire encore, rire face au bonheur de la simplicité, de la sincérité candide qui l'habitera à jamais, rire pour combler, rire pour se cacher, pour s'afficher si fort qu'il en demeure dissimulé.
Charme aiguisé.
Culture imbriquée dans la meilleure des éducations.
Démolition des idées, remplacement des privilèges par les profondeurs de sa propre révélation.

Sa propre révolution.

Il est là. L'homme-phare faisant voler en éclats ses idées noires.
Il est là, tenu en exergue comme héros de la guerre froide qui habite la lutte des classes.

Il est là.

Lafcadio Bell.

Conteur de ses propres histoires, pour ne pas sombrer.

« Car il faut bien avancer... »

Pourtant, souvent. On laisse là et ça des indices, des morceaux de vie passée, mise sous scellés, des bleus rendus au blues de blessures baveuses. Elles suintent, encore, poreuses d'un passé mauvais.
Criblées de doutes.
De peur d'une faiblesse à venir, déjà là, déjà dans la peine d'un enfant.

Tu l'as laissée mourir.
Tu ne sauras jamais t'en défaire.
L'image est là.
Sous tes paupières.
Tu n'y échapperas jamais, Jasper.

Il les balaie, quand la force le tient. Volonté inébranlable, trop ardente, au point de se brûler lui-même, au point de s'aveugler. De frayer avec le manichéisme, les méthodes de chevaliers d'un temps perdu, sans doute jamais existé. Cœur en platine encore bouillant, à peine forgé de ses attentes sans cesse renouvelées, de ses enthousiasmes de jeune premier.
Il est là.
Et ne pliera plus jamais.
Protégera la moindre âme pouvant être sauvée.

Et tout ça, tout ça, se passera bien.

Car il faut bien rire.
Se définir.
Et le répéter.
Le mot souverain qui forme le moindre de ses gestes depuis toujours, depuis le premier cri, depuis la première pierre jetée du fond des pavés.

Espoir.

« Maman, comment tu fais pour y arriver ?
- Je pense à vous deux.
- Pourquoi ?
- Car il faut bien sourire, mon fils. »

Il regarde le monde depuis les sommets.
Contemple ces fourmis, dont il fait intrinsèquement parti.
Il a le cœur parmi eux, parmi les pertes et les fracas,
Et dans ses yeux s'agitent les volontés d'un autre
Celles d'un petit garçon coincé dans un corps de héros.



1976 — Jasper & Eliott Marshall.
Londres. Sur l'image, deux points. Deux nœuds entrelacés ; entre les entrailles maternelles. Une surprise. Un coup de poker. Deux enfants au-lieu d'un, deux garçons sur le point d'arriver, de venir couronner leurs parents d'une naissance imprévue. On ne laisse pas le temps de s'en débarrasser. On ne souhaite pas mettre un terme à ces vies en train de pousser.
Leur mère refuse, sous le regard plein d'opprobre du père, si peu prêt à les aimer.
Ils naîtront pourtant, les enfants Marshall, les jumeaux maudits, déjà.
Car Jasper est l'aîné, d'une minute certes, mais déjà auréolé de l'atour du grand frère.
Puisqu'Eliott est l'erreur, la mixité d'un prénom gardé, à l'époque où le gynécologue s'est trompé. Erreur de lecture. Erreur de genre. Eliott n'a pas l'atour d'un garçonnet. Une petite fille, défaut de reflet.
Un lien, pourtant, qui les unira à jamais.


1984 — Mary Keller.
Une mère aimante, pour ses petits protégés. Courage au creux des yeux secs, sirène des trottoirs qu'il la force à arpenter pour combler les fuites du foyer. Ses doigts frôlent les cous d'autres hommes quand le sien le serre, bien trop souvent. Étouffement silencieux, vider le sens de ses mots. Respirer n'est pas permis. Elle reste là. A veiller sur les nuits noires pour ne plus voir ses bleus. Mais quand la couleur vient mordre son sang, une tâche sur le dos de Jasper, une autre sur la joue d'Eliott, Mary, elle, voit rouge. Rien ne pardonne. Pas même le reste des grains d'amour qui germait en elle. Pas même l'excuse d'une jeunesse troquée au profit de la lassitude.
Elle fuit.
Elle réussit à s'extirper, ses enfants à chaque main, à courir à trois entre les crocs des réverbères, traîtres de lumières qui divulguent leurs positions.
Les trains pris sans billets.
Les toits et les ponts pour savoir où se cacher.
Exeter, finalement. Un endroit comme un autre, le bout du tunnel troqué contre un dernier centime.

Leurs poches sont vides, mais la liberté est payée.

Le ciel ne teint plus leurs peaux.
Six yeux rêvent, toujours plus hauts.


TW : meurtre + agression de mineur
1986 — Peter Marshall.
L'Ombre n'a mis que deux ans. Elle a arpenté les recoins crasseux des villes, dévoré nombres de villages, rompu bien des promesses et des avenirs incertains.
L'Ombre s'est gangrenée. Elle s'est renfloué d'une haine à en arracher les tripes. Elle n'a plus rien d'humain.
Si tant est que ce fût le cas un jour.
L'Ombre est arrivée, un soir de Février. Quelques jours après l'anniversaire des gamins, à peine assoupis. Elle a gravi les marches du vieil immeuble, pour casser la serrure du minuscule sanctuaire. Profaner le sol, détacher la terre.
Mordre au cou la Mère.
L'Ombre a fait du bruit, sans peur et sans hésitation. Elle savait que personne ne viendrait. Elle savait que personne ne pleurerait la disparition de trois pauvres âmes du quartier populaire.
Elle savait qu'elle n'aurait rien à perdre.
Alors l'Ombre a tué.
Sous les regards hagards de ses enfants éveillés.
Témoins immobiles, incapables de bouger, liés.

Maman a ce rouge au corps,
Une robe fluide qui épouse ses contours.
Elle rêvait d'en avoir une, une belle.
Une parure de reine, pour ce qu'elle était.
Jasper voulait travailler, aussi durement qu'elle,
Pour la lui offrir un jour.

Mais celle-ci ne lui va pas.

La seule et unique pensée de Jasper à ce moment-là.
Pas de force pour plus.
L'Ombre l'aspire, petit à petit.
A coups de couteau dans l'abdomen.

Du bleu se mêle au rouge,
Flashs crépitants dans le noir.
Pas le temps pour l'Ombre de s'enfuir.
Elle s'est crue trop agile, prête à gagner en perdant tout.

Jasper ne se souvient pas.
Pas une seconde de plus.
Elle n'a que la sensation, piquante entre ses doigts, d'un fil de vie auquel il essaie de se tenir.

La douleur est extirpée de ses souvenirs, comme on laisse une vieille histoire jaunir.

Puis faner.


1987 — Grimoire Bell.
Mary, brave Mary, si gentille Mary. Elle œuvrait chez la prestigieuse famille Bell, à l'époque du drame. Femme des couloirs, jeune demoiselle des poussières, dont on ne connaissait que bien peu de choses au final. Mais dont les circonstances de la disparition de son nom dans la liste des domestiques a suffisamment ébranlé le patriarche pour réagir.
L'écho a secoué les tribunes.
Une mère célibataire assassinée par son ancien compagnon, le prognostique vital engagé pour leur fils agressé par ce dernier.
De quoi affaiblir le cœur tendre d'une dynastie endeuillée par la perte récente d'un enfant mort-né.

C'est un signe, témoigne son épouse, au mental brouillé, au regard brumeux.

A peine soigné, le garçon sera pris sous l'aile de la madone, douce et aussi brisée qu'il l'a été. Ils se comprennent tout deux, dans une souffrance bien différente.
C'est bien pour elle qu'il accepte les bras tendus de cette famille étrange.
Qui le pousse à changer d'identité. Sous prétexte d'oublier le passé.
De recommencer.

Tu n'es plus Jasper Marshall.
Tu seras Lafcadio Bell.
Celui qui n'aurait jamais dû disparaître.

Une question subsiste pourtant, du bout de ses lèvres d'enfant.

Elle est où, ma sœur ?

En sécurité, ne t'en fais pas.
De l'autre côté de la barrière.
Dans un monde dont tu n'auras plus à te soucier.

1990 — Leofstan Sterling.
Il y a de ces rencontres qui changent les perspectives. Qui renouent avec une forme d'élévation. De gamin renfermé sur lui-même, presque mutique, fantôme des couloirs du manoir, Lafcadio s'est ouvert aux autres en plongeant la tête la première et les pieds dans les flaques. Un collège privé à Londres, peuplé d'une ribambelle « d'héritiers » tels que lui, à la cuillère d'argent si honteusement en bouche que le goût des aliments doit leur paraître ferreux. Il les regarde de loin, drapé de son uniforme trop serré, presque pointé du doigt par sa marginalité. On attend pourtant de grandes choses du fils Bell, malgré les rumeurs sur son sujet. Elles le criblent de toutes les directions. Cherchent un bouc émissaire pour les jeunes têtes blondes.
Mais Leofstan, lui, ne les écoute pas.
Il est plus jeune, mais déjà plus sage.
Il tend sa main pour une amitié qui se bonifiera avec les années, prendra corps et cimentera ce lien inflexible. Une accalmie au cœur de leurs tempêtes personnelles.
Une paix, nouée de guerres autour d'eux, dont ils se sauront victorieux.


1995 — Lorelei MacTavish.
Elle était jolie, bien née, de cette composition telle que l'on attend d'une fille de la noblesse, jeune et bonne à mariée.
Du même âge que le plus âgé des Bell, à la tête des enfants, nés bien après lui. Des bambins dans ses pattes qui clament combien Lorie, elle est gentille. Elle est sa femme. Cette fiancée attribuée sur ordre des parents liés, comme une évidence malvenue, comme un privilège de plus depuis son adoption.
Lafcadio n'a pas son mot à dire. Il doit tout à ce clan. Même l'insigne honneur d'avoir pu retrouver sa véritable sœur, sa chère Eliott, auréolée du sceau du secret.
Épouser Lorelei était sa contre-partie, sa reconnaissance envers tout ceci.

Au-delà de la cérémonie, la lune de miel s'est soldée sur un astre doux-amer.
Première femme. Première danse. Faux pas pour elle. Pleure sur la couette en plumes d'oie.
Je ne peux pas...
Voix de cristal brisée contre les oreillers. Pudeur mise à mal. Face à elle, Lafcadio recule.
La laisse se rhabiller. Mariage jamais consommé. Jamais il ne forcera. Jamais rien.
Elle lui rappelle les larmes de sa mère.
De Mary.
Je ne t'aime pas...
Et il le comprend bien. Il sait qu'il y a quelqu'un. A peine majeur mais le regard franc, moins hypocrite que les codes dans lesquels il gravite.
Ce n'est de la faute de personne. Ni au Bien, ni au Mal. C'est juste là. Et ça ne changera pas.
Il lui rendra sa liberté en la trompant, en connaissant d'autres joies ailleurs, en apportant la lumière sur sa réputation de don juan en devenir pour la protéger elle. Elle et son histoire. Elle et celle qu'elle aime, aimera loin, dans un autre pays, sous le prétexte de se reconstruire.
Elle ne le remerciera jamais assez pour ce qu'il a fait.
Première action de grâce pour le chevalier blanc des infortunés.

Lafcadio Bell est naturellement doué pour se sacrifier.


TW : mention de relation toxique – avortement
2011 — Alice Ringford.

Clinquant des mondanités.
Gala de charité.
Échange de regards.
Cette fois-ci, c'est la bonne.

Claque d'une rencontre, d'une évidence à s'en tailler le cœur. Elle s'appelle Alice. Elle le prénom d'une héroïne en mal de repères mais sait parfaitement où elle va, ses talons claquent si fort que l'on entend plus le bruit de ses pas. Elle a ces yeux comme les siens, vifs d'énergie, d'hypnose franche à se laisser porter. Les sentiments se mêlent et s'échangent, au même titre que les passions et les fantasmes d'une vie partagée.
Parce qu'il y a tant à faire, à la force de leurs bras enchevêtrés.
Idéal pourvu de bonté, pour redresser un monde qui n'aurait jamais dû tomber.

Alice est amoureuse. Elle ne peut pas s'en empêcher. Elle sourit à chaque parole bue de son petit-ami, elle s'abreuve de chacune de ses convictions, et le pousse à monter, toujours plus haut, plus loin. Plus fort encore que les obstacles.
Elle sera là, toujours là, pour l'empêcher de s'en détourner.
Même quand lui, veut s'arrêter.
Elle l'aime en l'épousant. Alice Bell. Belle Alice. Femme éprise, partenaire à la vie, aux affaires, qui tempère et anime les intentions de son époux.
Lafcadio ne vit que pour elle.
Au détriment du reste.
Elle anime son paysage, cette chère Alice. Seconde tête de leur fondation, de Ring & Bell, comme une forme d'alliance à leur cœur comme à leur doigt.

Du moins, sur leurs premières années.

Car les faits s'effritent.

Alice, cruelle Alice, trouble Alice, mène une danse à contre-temps. Couple arythmique. Elle tord le cou aux idées reçues, empêchent l’épanouissement de points sur lesquels les disputes éclatent. Elle, autoritaire et abusive. Lui, fuyard et désabusé.

D'autres lits pour oublier.

D'autres coups de couteaux plantés.

Le contrat saigne, des deux côtés.

L'ultimatum vient les enserrer.
Dernière chance de s'en tirer.

Un bébé.

Lafcadio veut fonder une famille.
Alice ne veut pas d'enfants.
Alice veut garder le monopole sur son cher et tendre, sur ses actions, sur son combat.
Alors Alice ment.
Alors Alice détourne.

Elle use de stratagèmes avisés. Fait croire à sa stérilité. Prend toujours dans son dos la pilule concentrée d'hormones pour ne pas devenir mère.
Elle va jusqu'à avorter, une première fois.
Une seconde fois.
Jusqu'à ce que la fatigue la trahisse et que la vérité surgisse.

Dix ans de mariage, cloutés à bâtons rompus, frappés dans les nuques des intéressés. Un divorce d'une violence sans nom sous les soleils d'un été 2020, bien trop brûlant. Fracas cognant et batailles de papiers, de coups en douce, de déchirements roublards qui ternissent la beauté des souvenirs partagés.

Il y a du regret dans leurs yeux rouges, quand ils viennent à se recroiser pour les besoins de la fondation, que ni l'un, ni l'autre ne veut laisser.
Guerre froide et colère sourde.
Poings serrés, orgueil mis en laisse.
Dignité retenue.

Oh Alice...
Que sommes-nous devenus ?

2021 — Lafcadio Bell.

Conflit moderne pour une seule âme.
Haut dignitaire des voix ensevelies.
Homme de la masse, choisi, élu par ses pairs et même d'un mont inatteignable.
Garçon chanceux dans son malheur.
Violence intrinsèque de son passé de roturier.
Air charmeur, toujours à tout éviter, toujours à tout alléger.
Toujours à gérer, quand personne ne le peut.
Quand lui-même s'étiole.
Grains de sable sous la coque.

Lafcadio.
Un jour, Jasper resurgira.
Et te plantera.
Te laissera te vider sur les pavés trop dorés.

Mais en attendant, tu n'as qu'à continuer, aller jusqu'au bout de ton insondable volonté.
Pauvre garçon, continue donc de sourire.

Car il faut bien rire.

Syato a écrit:

A tes méchantes blessures. Après mon renard cramé du bulbe et ma fée éthérée, voici mon paladin de la lumière    
kezako, ton perso. le pré-lien du drama king @Leofstan Sterling de mon kokoro

Code:

[u]Robert Downey Junior[/u]. ∴ Lafcadio Bell
[b]Lafcadio Bell [/b] : Politicien (Libéraux-démocrates)
[b]Quartier d'habitation :[/b] St Thomas
[size=10][u]numéro[/u] [b][i] Lafcadio Bell[/i][/b] Loft.[/size]

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