☾ eye contact.
tics, caractère. ☾
L ' A N G E • D É C H U
cabanel. keywords ・la
g l o i r e de mon père・les poings serrés, phalanges blanchies・
la couronne lui tombe devant les y e u x・un sceptre qui gît sur le sol・du
sang sur les mains, des
larmes dans les yeux・ces insultes (que l’on ne pense pas) (que l’on dit malgré tout) (que l’on regrette)・le
c h â t e a u de ma mère・des messages que l’on n’envoie pas (((
vous me manquez)))・une porte qui claque・l’écho d’une porte qui claque・13h33
(ange) reviens à la maison・une photo de famille déchirée・les
s e c r e t s de mon frère・
le fils de personne・(désolé papa)・un palais abandonné・(
pourquoi tu as fait ça ?) (papa ?)・les
squelettes dans le placard・17h43
(!!ange!!) tu n’es toujours pas à la maison・la réalisation soudaine que tu es s e u l・les excuses murmurées lorsqu’il s’éloigne de ceux qu’il a abandonnés・nuit sans lune・fuir était la chose
la plus courageuse à faire・23h9999999
(a n g e) pourquoi tu nous as fait ça ? L E • B A S S I N • A U X • N Y M P H É A S
monet. keywords・statues grecques,
l’agonie figée dans le marbre・un tableau sur un mur blanc・
pythies et o r a c l e s・les mains tâchées de peinture, d’argile・
les mamelles de tirésias・qui nolet fieri desidiosus,
amet !・enfant d’
apollon, amant de
dionysos・orphée endeuillé, orphée
d é m e m b r é・un buste en marbre explosé sur le sol・((la frustration de ne pas pouvoir saisir
sa beauté dans le marbre)) ((la
rage de ne pas parvenir à saisir sa beauté dans le marbre))・sculpter pendant des heures
(des jours), les paumes usées jusqu’au sang・des palettes souillées de peinture・totebags et jeans mom・détails d’un tableau baroque・perfectionnisme pathologique・
voyageur contemplant une mer de nuages・light academia・noirceurs vomies sur une toile・
classiciste et
romantique parmi les
modernes, à la recherche de ses
semblables qui ne sont plus L E • C A U C H E M A R
füssli. keywords・réveils en sursaut, le front trempé de sueur・
ce n’est pas la lune・
cette ombre sur le mur (
est-ce qu’elle a bougé ?)・les yeux qui se révulsent・des cris pour déchirer la nuit・((l’aube se lève))
i n s o m n i e s ((sur ses yeux injectés de sang))・l’angoisse qui apparaît en même temps que les étoiles・le bruit du vent qui hurle contre la fenêtre・
maman, j’ai fait un cauchemar・
quelqu’un dans la pénombre・l’angoisse d’être seul//la terreur de
ne pas être seul・
dis ? tu dors ? pourquoi tu ne dors pas ?
tu devrais DORMIR・il est juste derrière toi.・
trouvé・peur du noir・les longs couloirs dont on ne sort jamais・
je ne pouvais plus bouger ((et elle s’approchait de moi))
keywords・confiteor
deo (omnipotenti), et
beatæ mariæ (semper Virgini), et
omnibus sanctis・le silence des cathédrales・l’eau bénite contre des fronts livides・
dieu est mort. (et je ne me sens pas très bien non plus)・rosaces et vitraux・[ exit GOD ]・le
saint des
s a i n t s・†・mon père, pardonnez moi, car je vais pécher. —
vous avez péché, vous voulez dire. — non.・ des prières crachées・états de grâce・
ORPHISME (adj.) ; doctrine théologique et philosophique attribuée à
orphée, exaltant
un détachement à l'égard de la vie et une volonté de se
purifier des souillures du corps・jésus vous aime. (ce serait dommage de lui briser le coeur)・signes de croix et souffle coupé・(
ça remplit mes poumons) i n f â m e.
je suis infâme・le plafond de la chapelle sixtine・(
sept anges t’observent au pied de ton lit)・enfants de choeurs, genoux écorchés・((
est-ce qu’ils te veulent seulement du bien ?))・l’oeil omniscient qui le regarde au dessus de l’autel (
il te juge)・blanc, blanc, blanc, blanc, rouge・ecchymoses à force de tomber à genoux・
seigneur, qu’attendez vous de moi ?・(((seigneur, on ne se comprend plus, toi et moi)))
L ' A M O U R • V I C T O R I E U X
le caravage. keywords・les quelques secondes de silence avant un “
je t’aime, moi aussi”・small talks・
lui plutôt qu’eux,
l u i plutôt que le monde・les flèches
ensanglantées de cupidon・il se recule d’un pas・((
je suis vraiment désolé))・oui, peut-être bien !
c’est là ce que nous avons eu de meilleur・amours d’adolescence・le coeur
engourdi・
a u r è l e・(((qui d’autre)))・archange de
destruction・la culpabilité d’écorcher un coeur・“j’ai repoussé tous les autres parce qu’ils n’étaient pas
t o i”・est-ce que je l’aime ?・
est-ce que j’aime l’idée d’avoir tourné la page ?・moonstruck・et pourtant, tu l’aimes・
i m p é r i e u x・orphée et icare・tous les autres ?
(ils n’étaient rien)・l’honneur de mourir de sa main
C A D A V R E • E X Q U I S • il a une chouette blanche, aziraphale, qui lui a été offerte par un fauconnier ami de la famille. son père espérait secrètement intéresser son fils aux arts de la chasse d’une manière ou d’une autre ; si ange ne s’est jamais amouraché de la pratique, il a gardé l’oiseau depuis. ✾ ange est un enfant de la mer ; il est skipper, et a son permis bateau depuis ses seize ans. ✾ il est poissons, ascendant balance et lune en verseau. ✾ il fait divers boulots étudiants pour vivre sans toucher à l’argent que lui envoient ses parents ; son état de constante rêvasserie lui a cependant plus d’une fois coûté son job. ✾ il est catholique, mais pratique de moins en moins depuis qu’il est parti de chez ses parents. ✾ il est hématophobe, et il a des crises de terreur nocturne depuis ses quatorze ans
histoire. ☾
Ouvrez moi cette porte où je frappe en pleurant
Je m'en souviens je m'en souviens encore
Deux matelots qui ne s’étaient jamais quittés
Deux matelots qui ne s’étaient jamais parlé
Le plus jeune en mourant tomba sur le côtéIl a quatre ans lorsqu’on lui apprend à écrire son nom.
D e s l u n e s Facétie poétique qui lui plaît bien, parce qu’elle lui rappelle la grosse chose ronde qui éclaire ses pénombres nocturnes, qui chasse les monstres du placard. La maîtresse lui dit que c’est très certainement lié ; papa lui dit que non.
Des Lunes-Lyautey de Colombe, c’est le nom que martèle papa en permanence — il affirme qu’il n’a rien à voir avec
cette idiotie de gros caillou dans le ciel, qu’il y a une histoire derrière, et qu’il faut en être fier. Ange veut l’entendre, alors il la lui raconte (presque tous les soirs). Finalement, c’est une histoire plutôt triste, avec des gens très pauvres qui tuent des gens très riches pour le plaisir de dire qu’ils ont tué ces gens très riches, avant de mettre d’autres gens très riches, moins méritants, à la place de ceux qu’ils avaient tués.
Ça n’a aucun sens. —
Elle est nulle ton histoire, qu’il lâche un jour à son père, ayant pourtant tâché de comprendre les tenants et les aboutissants de l’intrigue. Mais rien à faire ; ces vulgarisations effrénées ne l’atteignent pas.
Swann, son petit frère, fait les gros yeux ; sa mère rit un peu, derrière son mouchoir. Elle n’aime pas qu’Apollinaire leur raconte toutes ces fables de gens pauvres qui tuent pour le plaisir. Elle répète que c’est bien n’importe quoi, que “Des Lunes-Lyautey de Colombe”, ça aurait été trop long à écrire sur les formulaires des impôts, et que de toute façon, récupérer la particule ne fera rien rentrer sur leur compte en banque. Ange se dit que c’est bien vrai, parce que ce serait quand même drôle si on pouvait gagner des sous en ayant un nom très long — et puis, ils étaient tout de même drôlement bêtes, ces gens très pauvres, s’ils n’ont pas tué Monsieur Aristide juste parce qu’il s’appelait Deslunes, finalement, parce qu’il devait être toujours aussi riche, mais avec un nom un peu plus court.
Papa ne rit pas, pourtant ; il s’énerve, secoue la tête et fait de grands gestes avec les mains ;
de toute façon, y’a pas de bête ou pas bête ; c’est l’Histoire, c’est comme ça que ça s’est passé, et pas autrement. Il a l’air de tenir à tout cela, parce qu’il s’emporte toujours dès qu’on remet en question son propos ; soit. Ange se dit que ça doit pas être bien compliqué de retrouver un nom de famille, et que si ça peut faire plaisir à papa, après tout.
Alors
il cherche.
Partout, dans les moindres recoins de l’appartement familial ; il envoie des lettres, à sa grand-mère, au Père Noël, et même au Président. Il leur demande de bien chercher dans leurs fonds de tiroirs, parce que son papa a perdu un bout de son nom et qu’il doit bien être quelque part, parce que tout de même, c’est fou d’égarer quelque chose comme ça, et il faudra bien le retrouver, un jour ou l’autre. Personne ne lui répond, bien entendu (sauf sa grand-mère, qui lui dit qu’elle n’a pas très bien compris ce qu’il lui demandait, mais qu’elle espère malgré tout qu’il viendra la voir pour les vacances). Alors il retourne voir son père, il lui dit que c’est bizarre que leur nom soit introuvable, qu’à son avis, Monsieur Aristide l’a fait tomber sur un parking, comme Swann avec son doudou le week-end dernier, et que dans ce cas là, ce sera drôlement dur de le retrouver.
—
C’est bête, quand même, de pas faire attention à ses affaires comme ça. S’il l’avait bien caché dans un endroit sûr, aussi, notre nom...Mais son père ne dit rien, se contente de soupirer et de lui ébouriffer les cheveux. Ange fronce les sourcils, le regarde un moment et décide de retourner jouer, parce que décidément, il a du mal à le comprendre.
Et même si les mois, les années passent,
Même si Ange comprend de mieux en mieux pourquoi les très pauvres ont tué les très riches,
Et pourquoi Aristide a mutilé son identité avant de jeter le membre arraché aussi loin que possible,
Deux choses ne changent pas :
Il vit dans la certitude un peu vague, un peu oppressante, que c’est à lui de retrouver le nom égaré par un ancêtre maladroit.
Et il ne comprend pas très bien son père.
Il a treize ans lorsqu’il rencontre Aurèle.
Enfin, non. Aurèle, il le connaît depuis longtemps. Tellement longtemps, qu’il ne réalise pas tout à fait qu’il n’est pas un élément qui va de soi dans le paysage de sa vie. Y’a quelques indices qui ne trompent pas, pourtant ; la grimace de son père lorsqu’il est venu le chercher, après l’école, et qu’il a aperçu Aurèle pour la première fois.
C’est lui ce garçon dont tu nous parles tout le temps ? Il est très fier de répondre
oui, Ange, et très déçu de voir le regard qu’il lance à son meilleur ami. Il ne comprend pas vraiment ce qu’on peut lui reprocher, à Aurèle, parce que c’est évident qu’il est beaucoup plus beau que les autres.
Beaucoup plus fort que les autres.
Beaucoup plus courageux que les autres.
Beaucoup plus intelligent que les autres.
Et Ange, il pense que c’est un honneur que de l’appeler son meilleur ami. Mais personne d’autre autour de lui n’est d’accord avec lui, apparemment. On va jusqu’à lui dire qu’après tout, il ne devrait pas traîner avec des
va-nu-pieds, avec des garnements qui passent leur temps à se battre.
Paradoxe.
Au catéchisme, on lui dit d’être miséricordieux s’il veut que le Seigneur le soit avec lui. De tendre l’autre joue, et d’aimer tous les enfants de Dieu comme s’ils étaient ses frères et sœurs.
Pourquoi n’estiment-ils pas Aurèle comme un enfant de Dieu ?
De qui est-il le fils, alors ? Il ne sait pas. Personne. Toujours la même réponse lorsqu’il lui pose la question ; et toujours le même voile de tristesse qui obombre les pupilles céruléennes d’Ange. Il voudrait l’aider, mais il se retrouve tout aussi démuni que lorsqu’il cherchait le patronyme perdu de la famille. De sa tour d’ivoire, il voit bien que les plaies d’Aurèle ne se satisferont d’aucune bonne intention, d’aucune prière fervente. Il ne peut
qu’être là, en acceptant l’insuffisance de la chose, en consentant à ce qu’Aurèle parte un jour au combat contre ses propres fantômes.
Il espère juste pouvoir être là.
Il espère juste pouvoir l’aider,
Quitte à ce que ses mains se teintent de carmin,
Quitte à ce qu’il se fasse trancher la gorge au nom d’un prince trop arrogant,
Quitte à ce qu’il ne voit jamais l’avènement de ce jeune dieu qu’il vénère si ardemment — peu importe, tant que ses Pégases furieux le portent jusqu’au Mont Olympe qu’il scrute avec tant de rage. Ange à tendance à s’oublier lorsqu’il s’agit d’Aurèle ; cet enfant de rien, devenu pour lui l’empereur de tout.
Il ne se pose pas de question sur cet engouement passionné qu’il ressent pour son meilleur ami.
L’amitié est ainsi faite, qu’il se dit naïvement ; et il se félicite même, parfois, de tant estimer les liens platoniques qu’il ne pense jamais à regarder les filles, à leur retourner ces regards plein d’espérance qu’elles lui jettent à la sortie des cours ou sur le parvis de l’église.
C’est à treize ans que ça le frappe.
Avec la force d’une claque.
Un “
Delambre, t’es encore avec ta meuf ?” lancé au détour d’un couloir, alors que les deux se dirigent vers leur salle de classe.
Aurèle réagit comme il réagit toujours (avec véhémence,
avec fierté), mais il n’y fera plus référence. Ange se dit qu’il a sûrement tout bonnement oublié.
Lui, il n’oublie pas.
Il y pense, toute la journée, toute la nuit, toute la semaine.
Des questions qui lui tailladent l’esprit et se métamorphosent d’elles-mêmes, peu à peu ; comme si elles suivaient le chemin nécessaire et programmé d’une machine qui n’attendait que d’être mise en marche, depuis tout ce temps. La conclusion, elle, est au bout de cette déduction logique et acrimonieuse.
Elle lui apparaît comme un démon infâme, une succube de vice et de feu, qui se tourne vers lui pour lui révéler son visage ;
le sien.
Il est le péché.
L’a laissé se faire son chemin de nécrose au fond de son âme.
Et maintenant ?Il a quatorze ans, et les choses ne vont pas mieux.
Il se sent coupable, infâme.
Fond en larmes dès qu’il se surprend à dire une prière ; ses parents s’inquiètent de le voir ainsi se jeter sur le prie-dieu, tous les soirs. Il leur assure que ce n’est que le ferveur de ses litanies qui le transportent, qu’il peut enfin sentir l’amour de Dieu lorsqu’il se laisse aller.
Il ne le sent pas.
Ne s’en est jamais aussi loin, qu’importe si ses genoux sont bleus d’être traînés sur le marbre de l’église. Qu’importe s’il connaît l’Ave Maria et le Notre Père par cœur, s’il les récite cent fois avant de s’endormir.
Dieu l’a abandonné.
Il ne sait pas ce qu’il a fait pour mériter ça.
Il y met toute sa bonne foi, pourtant ; se force même à regarder des pornos, à draguer des filles sur MSN avant d’ostensiblement les ignorer une fois au collège. Mais rien n’y fait ;
il a besoin d’aide.
Il la trouve dans un confessionnal.
Le Père Guillotin officie à la paroisse familiale depuis qu’il est gosse. Puis il le connaît très bien, Ange, l’enfant de chœur, l’élève le plus assidu de ses cours de catéchisme ; alors il se dit qu’il sera de bon conseil, qu’il saura quoi lui dire, qu’il comprendra sa peine et qu’il gardera le secret, le temps qu’Ange parvienne à reprendre contact avec Dieu. La pénombre de l’isoloir rend faciles les épanchements coupables ; ses aveux éclatent presque aussi facilement que ses larmes. Il dit tout,
tout, en dépit des sanglots douloureux qui le font hoqueter, qui lui déchirent le torse et le cœur. L’amour impie qu’il voue à son meilleur ami, ses tentatives vaines d’admettre l’amour des femmes, les nuits blanches qu’il a passées à étudier les nuances carmines du péché. Il ne retient aucune information, et le récit de ses vices a les échos d’un appel à l’aide, de la supplique désespérée d’un enfant égaré.
Le Père Guillotin reste silencieux, grave, et ne lui dit finalement pas grand chose.
Mais le dimanche suivant, Ange le voit, qui emmène son père un peu à l’écart. Il lui prend les mains, lui parle d’un air peiné, et lui glisse une petite carte dans la poche. Apollinaire ne semble pas décrocher un mot, mais lorsqu’il se retourne vers son fils, son regard est profondément affligé.
L’été suivant, Ange disparaît pendant deux mois. Il dit à Aurèle qu’il part en camping avec sa famille et qu’il n’aura certainement pas de réseau. Il a l’air un peu triste mais déterminé. Il se dit que quand il reviendra, à la fin de l’été, il sera normal.
Digne d’appeler Aurèle
son meilleur ami.
Courage.
C’est comme ça que s’appelle le ministère religieux auquel il est envoyé.
Ça sonne comme un impératif, comme une injonction.
Comme si c’était ce qu’il manquait à Ange, depuis tout ce temps.
Du courage.
De la volonté.
Mais les locaux sont tristes et gris, comme les visages que l’on y trouve. Les évangélistes qui y travaillent sont sévères et intransigeants, et la discipline est impitoyable. Les enfants les plus réfractaires ont des plaies sur les épaules, des marques de brûlures sur les poignets, les chevilles et les tempes. Des thérapeutes aux yeux sombres et aux mains usées leur font voir tout l’éclat de leur infâmie, toute la réalité de leur monstruosité.
Ils prient le matin
Jeûnent le jour,
Prient le soir,
Pleurent la nuit.
Et Ange se demande encore ce qu’il a fait pour mériter ça. Il pense à Aurèle, parfois (souvent) (tout le temps), aimerait qu’il soit là ; il le protégerait sans doute, lui. Il lui prendrait la main et le ferait sortir de cette prison sanctifiée. Ou est-ce qu’il le trouverait monstrueux, lui aussi ?
Ange ne sait plus vraiment ce qu’il est, ce qu’il vaut.
Ange ne sait plus vraiment ce qu’il veut être, ce qu’il veut valoir.
Est-ce vraiment dans ces conditions que l’on trouve Dieu ?
Lorsqu’il revient à Paris, il a perdu dix kilos. Sa mère s’inquiète ; son père, tendu, prétend que c’est sûrement le poids du péché qui a disparu.
Ange répond que ouais, peut-être bien.
Il n’est pas trop sûr de ce qui a changé, chez lui.
Il aime toujours les hommes, il en est presque certain.
Ce doit être autre chose. Sa famille.
Il la regarde avec les yeux d’un étranger, d’un métèque.
Se rend compte que cette chaise dans laquelle il s’est assis toute sa vie n’est pas la sienne, mais celle d’une ombre, d’une icône, d’une
idée de ce qu’il devrait être.
Aux repas, il voit son père, sa mère, son frère se passer le pain, le sel, le vin. Il les entend se parler de leur journée, comme si de rien n’était ; comme s’ils n’avaient pas envoyé leur fils aîné en Enfer pour l’échanger contre l’ange qu’ils espéraient.
Quelle est sa place ici ?—
Et toi ? T’as revu ton ami, là, Aurèle, aujourd’hui ?Il serre les poings sous la table.
Il a seize ans lorsqu’il sort avec son premier copain.
Lucien est un des garçons qu’il a rencontrés durant sa thérapie de conversion. Un de ceux qui avaient constamment les épaules ensanglantées et les tempes cramées. Deux ans après, il garde les stigmates des supplices sur ses poignets, sur ses chevilles. Un Christ moderne. Lorsqu’il lui dit ça, Lucien se tourne vers lui, et arque un sourcil —
mais toi aussi.
C’est vrai.
Mais les siennes sont bien plus indisctinctes. Ange était un bon élève, il n’a presque pas subi le supplice des électrochocs. La légèreté de ses cicatrices ne sont qu’un signe de sa soumission passée
Il n’est est pas fier.
Au contraire.
Mais les stigmates de Lucien sont presque christiques ;
il est presque christique. Évangéliste du péché, c’est lui qui fait comprendre à Ange la complexité des relations humaines, des structures du désir. Ange tremble encore de se penser homosexuel ; mais au bout de deux ans, il parvient à l’avouer, à voix haute. Même si ce n’est qu’à son miroir.
Même si sa voix tremble.
Même s’il a les larmes aux yeux, la première fois qu’il l’articule.
Je suis homosexuel.
Je suis homosexuel.
Je suis homosexuel.
Je
Suis
H o m o s e x u e l.Il a seize ans.
Et il s’est défait d’une vie d’endoctrinement.
Lui et Lucien, c’est quelque chose de presque naturel. Comme la continuité nécessaire de leur relation ; le jour où ils se mettent officiellement en couple, Ange est heureux de se dire qu’il n’y aura plus cet amour préludé pour parasiter son amitié avec Aurèle ; c’est la première chose à laquelle il pense.
Un premier signe. Y’a quelque chose qui change, cependant.
Ou quelque chose qui ne change pas. L’affection tendre qu’il lui porte ne se mue jamais en une dévotion éperdue.
Les éclats de rire qu’il échange avec lui ne sont jamais troublés par quelque préoccupation amoureuse.
Lucien demeure sur le parvis du panthéon dans lequel Aurèle a été intronisé. Une ombre au pied d’une statue de marbre, un allegro au milieu de la symphonie du Nouveau Monde. Tout ce qu’Ange fait, tout ce qu’Ange crée est orienté par le règne de son Empereur chimérique ; et Lucien le sent, il le sait.
Il mérite mieux.
Il mérite mieux qu’un apôtre incapable de se détourner de son oracle.
Il mérite mieux qu’un séraphin prêt à se couper les ailes pour les coller au dos d’un Icare dément, à s’ouvrir le torse au nom d’un Oreste halluciné.
Pourtant, Ange ne le libère pas immédiatement. Il a besoin de Lucien, il a besoin de cette vénération offerte pour se rassurer ; pour maintenir l’illusion comique qu’il s’efforce d’entretenir depuis des années.
Aurèle et lui, lui et Aurèle, comme un jumelage éternel, une camaraderie que même Éros ne saurait mettre à mal. Au coeur de toute cette mascarade, Lucien n’est qu’un faire-valoir, un écran de fumée derrière lequel Ange dissimule tant bien que moi ses amours assassines.
Jusqu’au jour où ça va trop loin.
Jusqu’au jour où le
Je t’aime que lui murmure Lucien n’a pas les mêmes tonalités.
Ange lui retourne toujours la confession, d’habitude. Avec un peu de retard, et sa voix a toujours les échos tremblants de l’incertitude et du mensonge. Mais ils s’en contentent tous les deux, ferment les yeux sur les coutures évidentes de cette amitié travestie en passion ; parce que Lucien a de toute évidence, comme Ange, besoin d’y croire, pour une raison ou une autre.
Mais pas cette fois.
Ce
je t’aime est une question, une imploration, une prière — presque semblable à celles qu’Ange, terrifié, murmurait à Dieu tous les soirs il y a quelques années de cela. Plus que tout, c’est un appel à l’aide.
Libère moi ou j’en mourrai. Alors Ange se tourne vers lui et, de son air toujours mystique, toujours éthéré, plante son regard dans le sien.
L’épée de feu tombe sur la nuque d’Adam, le premier homme.
—
Pas moi.Des Lucien, il y en a d’autres.
Certains n’endossent le rôle qu’une nuit, d’autres en sont vacataires pendant quelques mois ; juste le temps que le masque leur colle au visage, et ne puisse être retiré qu’en écorchant leurs lèvres, leurs yeux, leur coeur et leur âme. Et c’est ce séraphin, qui pleurerait de devoir refuser quoique ce soit à quiconque, qui le leur arrache, d’un geste froid, solennel, cruel. Cent fois, Ange a quitté ces chambres froides et austères, ne laissant derrière lui qu’un carnage apocalyptique, ses ailes de cendre et d’éther traînant derrière lui.
Peu lui importent les carcasses qu’il laisse derrière lui.
Peu lui importent les suppliques désespérées des amours qu’il s’apprête à éventrer.
Peu lui importe tout cela, tant qu’au bout du ciel il retrouve Aurèle.
Toujours Aurèle.
Comme un leitmotiv ineffable dans la polyphonie de sa vie.
Mais un jour, la musique cesse. Brutalement.
Il a vingt-trois ans lorsqu’Aurèle disparaît.
Le silence qui entoure son départ est assourdissant ; Ange n’y croit pas vraiment, d’abord. Parce qu’il y a ces promesses, il y a ces serments qui ont été dits, qui ont été scellés et Ange
ne peut pas s’imaginer qu’Aurèle ait osé les briser. Alors il attend. Des heures et des jours.
Il attend un signe qui ne vient pas.
Il lui faut quelques semaines pour se rendre compte qu’il n’y a plus rien en face de lui ; une ombre, un ectoplasme, la carcasse écorchée d’une promesse non-tenue.
Du vide.
C’est la mère d’Aurèle qui le lui confirme, avec ce ton presque désabusé qu’on emploie pour annoncer les grandes tragédies et les pires cataclysmes.
Aurèle est parti. Aurèle est parti.
A u r è l e e s t… Dans le fond de la salle il s’envolait un Christ
Quelqu’un avait un furet
Un autre un hérisson
L’on jouait aux cartes
Et toi tu m’avais oublié
Je m’en souviens je m’en souviens encore
Ouvrez moi cette porte où je frappe en pleurant - deslauriax a écrit:
- A tes méchantes blessures. bon, alors, c'est de nouveau moi. à peine quelques jours après la validation de mon dernier personnage, je suis un ignoble individu mais je blâme la grosse CONNASSAX qui est venue m'attraper la manchax là (elle se reconnaîtrax la pétassax) (non jrigolax jtmax to the moon and back bgeax ). voilà, que dire ? rien, j'suis toujours la même dumbass, mais avec un personnage moins chaotique que les trois autres stupidax.
kezako, ton perso. jsp?? un scénario non-écrit que @aurèle delambre forced down my throat.
- Code:
-
[u]troye sivan[/u]. ∴ @"ange deslunes"
[u]étudiant en art et en études classiques[/u] ∴ @"ange deslunes"
[u]serveur[/u] ∴ @"ange deslunes"
[b]Quartier d'habitation :[/b] heavitree.
[size=10][u]006[/u] [b][I]ange deslunes[/i][/b] ∴ appartement.[/size]
crédit icons vocivus.