| Sujet: Les calculs ne sont pas bons + Ruby Jeu 25 Mar - 18:56 | |
| Ses prunelles s’abîmaient sur toutes les feuilles tachées d’encre éparpillées sur son bureau, éclats d’inspiration dans le crâne du Corbeau. Ses pensées étaient semblables à un magma en constante ébullition. Il ne s’interrompait jamais, ne connaissait guère le repos. Il gesticulait dans un chaos infernal, et pourtant, à l’image de l’univers infiniment grand, il vibrait dans un ordre parfait. Son esprit pouvait être calme, sans bruit, et tout à coup, la collision inattendue de quelques cellules donnait lieu à une explosion improbable. Dans ces moments-là, Raven se jetait sur le premier crayon et la première feuille de papier qui lui tombait sous la main, avide de coucher sur le papier ce que son esprit fertile tentait de créer. Parfois, elle reprenait ses fulgurances et constatait avec dépit qu’ils ne brillaient pas tous d’un merveilleux éclair de génie.
Au cœur de toutes ces idées éparses palpitaient parfois des songes prometteurs. Aussi s’échinait-elle à ce que la créature vaporeuse prenne ses formes, qu’elle dessine ses contours pour les rendre tangibles. Bien qu’imparfaits, ses projets avaient des fois la qualité d’exister. Il fallait seulement les peaufiner, les améliorer, les réécrire. Les ouvrages de sa collection n’en finissaient plus d’être malmenés par ses doigts rapides, désireux de retrouver les informations essentielles, de voir poindre la solution à ses problèmes épineux. Car la science n’était qu’une succession immuable de problèmes qui se bousculaient les uns les autres et qu’il fallait résoudre. Des casse-têtes sublimes pour la chimiste qui vivait là les élans d’une passion grandiose.
Néanmoins, il n’était guère de théories sans pratique. Dans le refuge de son laboratoire, Raven aurait pu mener à bien ses projets. Ses patrons étaient exigeants, mais tant que le travail était accompli, ils n’avaient pas tendance à mettre leur nez dans ses affaires. Au contraire, ils lui offraient même cette liberté de pouvoir mener son travail en solitaire. Hélas, depuis que la quiétude de son refuge avait été troublée par la présence d’un individu peu amène, le Corbeau hésitait à s’envoler plus régulièrement vers son laboratoire. Il ne lui paraissait plus aussi sécurisé à l’époque, où elle savait que seuls Cináed ou Manus pouvaient en franchir les murs en toute impunité. A Exeter, les règles du jeu avaient hélas changés, exacerbant ses inquiétudes les plus vives. Elle se rabattait donc dans ce petit appartement du Shelby’s Inn où elle avait élu domicile depuis son arrivé dans les îles britanniques, ayant chapardé du matériel en trop du laboratoire.
Les éprouvettes, tubes à essai et verre s’entrechoquaient tandis qu’elle manipulait toutes ses substances avec prudence. Toutefois, la prudence n’était que peu de choses quand les calculs n’étaient pas bons. Aussi Raven ne s’attendit pas à ce qu’une telle fumée s’échappe de la mixture qu’elle était en train de préparer. Précipitamment, elle partit ouvrir la fenêtre pour ne pas terminer complètement enfumée. Une odeur étrange se dégageait de la solution à la couleur plus qu’étrange. Tout en agitant les bras pour éloigner les vapeurs fumeuses, elle agrippa ses fiches, l’œil hostile à la moindre erreur. Quelle formule n’avait pas été bien posée ? Se pouvait-elle qu’elle ait commis un impair ? Difficile qu’il en soit autrement en constatant l’état de son appartement… La fumée finit par la faire tousser complètement.
« Flûte… » Elle faillit ne pas en entendre le poing qui frappait à sa porte. Le sang se figea dans ses veines, peu désireuse d’aller voir de quoi il en retournait. Le Corbeau était un oiseau sauvage, solitaire et apeuré. La faune d’Exeter réveillait toutes ses angoisses et elle privilégiait généralement la solitude à la moindre interaction. D’autant plus dans la situation actuelle. Mais comme le poing insistait, elle dut se résoudre à entrouvrir la porte et faire passer un bout de son nez. Elle eut l’occasion de découvrir là une jeune femme à la chevelure flamboyante. « Oui ? » demanda Raven avec précaution, osant à peine ouvrir cette porte dont la fumée sortait pour les interstices. Une étude plus approfondie, au détail de son regard, lui apprit que l’inconnue n’était probablement pas en détention de toutes ses capacités. Une droguée… Elle n’avait pas vraiment besoin de ça et s’exprima avant même que la belle se mette à parler. « Euh… Je ne suis pas intéressée. » |
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