tes pensées sont des ellipses. - adone

Une pluie sévère tombe brutalement sur la ville. Une de plus, parmi ces nuits où il s'endort à moitié saoul dans sa chambre de motel au son des gouttes qui percutent la seule fenêtre de la pièce. Le moteur de sa bécane s'arrête sur le parking du Shelby semblant sur le point de somnoler.
Quelques lumières restent encore allumées, de ces âmes perdues cherchant tant bien que mal un refuge entre ces vieux murs abîmés au plancher qui craque tout au long de la journée. La nuit, on pourrait croire que des fantômes passent à travers les pièces tant le bois parle dans le silence. Malgré la pluie épaisse, le Sisters prend le temps de se griller une clope dehors. Son chapeau l'aide à ne pas noyer sa cigarette et l'homme s'y prend à plusieurs fois pour que son briquet daigne cracher une flamme.
Ses sourcils se froncent à la vue d'une silhouette assise dans l'entrée du motel. Le cowboy range son paquet dans ses poches et s'en approche d'un pas lent. Au bout de quelques pas, il reconnaît d'avance Adone, l'un de ces êtres perdus dans l'immensité mélancolique des lieux. Alto prend le temps de l'analyser, remarque ses affaires trempées, son regard noyé dans le vide. Un spectacle qu'il a déjà vu trop de fois dans le coin, que ce soit avec lui ou d'autres. Il ne compte plus le nombre de nanas qu'il a croisées, de passage, tellement défoncées qu'elles étaient incapables de trouver le chemin de leur chambre. Le Shelby porte en lui le malheur de toute l'humanité. C'est une atmosphère irréelle, à laquelle on se raccroche, que l'on pourrait comparer à une vieille amie à qui l'on donne nos soucis et qui ne demande rien en retour.
Une merveilleuse amie, qui nous enlace et nous aide à nous sentir moins seuls.
En sortant de taule, si le motel n'avait pas été là pour accueillir ses questionnements et ses mélancolies, Alto ne serait pas là, droit dans ses bottes, cassé de quelques coups que la vie lui a foutu mais toujours suffisamment fort pour résister à la fatalité.
Nonchalant, le Sisters tourne légèrement le visage, crache avant de prendre la parole.

He gamin, ça va pas ? Qu'est-ce que t'fous là, t'vas être trempé. Alto reste planté devant lui, la bâtisse du Shelby, fatiguée, les attend derrière eux. Ses pupilles témoignent de son sale état. Il a déjà vu Adone, son besoin de se foutre en l'air. Si lui boit plus que de raison, le brun dégage une énergie plus fébrile que la sienne. Le genre à côté de laquelle le Sisters ne peut pas passer sans lui tendre au moins la main. S'il se voit pas le porter sur son épaule comme un sac à patates, le cowboy restera là avec lui, dehors, il a déjà vu pire. Il ne saurait pas dire pourquoi, encore moins le définir mais Kostas éveille son attention.
Le blond balance sa clope au loin.
T'es défoncé ? Le genre de questions bien connes auxquelles aucun camé ne voudrait répondre mais qu'Alto pose quand même.
Le Sisters remet en place son chapeau sans le lâcher du regard.
Si Adone espérait se défoncer la tête tranquille en pensant que la terre entière le laisserait faire, le gamin est à côté de la plaque.
Et peu importe qu'il n'en soit plus un, de gamin. Alto retrouve en lui une part d'un de ses plus jeunes frères, Gabriel, qui tirait la même tronche quand le Sisters était venu le récupérer au beau milieu de la nuit alors qu'il venait de faire la pire connerie de sa vie.