we're living proof that the worst can be beat ((duane & ruby))

Carton plein ce soir au Devil’s Den. Le bar est plein à craquer, les affaires officieuses vont bon train, ça sent la fin d’semaine et l’temps pourri qui pousse à rester à l’intérieur. Ca pleut des trombes dehors, ça s’voit au sol de la salle principale qu’est trempé, qui s’fait traître une fois qu’on a un coup dans l’pif, qui emmerde royalement ceux qui tiennent le bar parce qu’ils savent qu’ils devront nettoyer ça quand la nuit sera terminée.
Mais derrière, c’est impeccable, les clients savent qu’il faut présenter un minimum pour avoir l’droit d’approcher les filles. Ici, pas question de traîner des godasses trempées, on les frotte bien en entrant et on s’débarrasse des manteaux dans c’qui fait office de vestiaire. Faut qu’ça fasse propre, faut inspirer les filles quand elles viennent s’frotter à vous, quand elles cherchent à attirer votre attention pour qu’vous fassiez votre choix et qu’vous dégainiez l’porte-monnaie.

Y’en a qu’ont déjà commencé à bosser, ça s’entend dans des cris étouffés qui proviennent de l’étage, quand on tend assez l’oreille et, si on est un habitué, on peut deviner qui s’trouve là haut. Trixxie, avec ses mots crus et sa voix d’fumeuse, Cherry, avec sa voix aiguë et douce, Ruby qui lésine pas sur les décibels comme à son habitude mais qui s’voit obligée d’simuler pour écourter c’qui pourrait prendre des heures ou toute la nuit. C’est qu’elle le connaît, le gaillard entre ses cuisses, il est bien gentil, il s’donne bien du mal, mais il a une ardoise longue comme le bras qu’il vient d’finir de rembourser et il serait pas question d’lui faire crédit des heures supplémentaires. Ca plairait définitivement pas à Cin.

Le client est satisfait d’sa performance, Ruby l’est tout autant d’la sienne, s’est trouvée plutôt convaincante quand il a fallu mimer l’septième ciel. Lui s’en va, la laisse sur le lit sur lequel elle se trouve assise à fouiller dans une sacoche récupérée dans le tiroir d’un guéridon voisin. À l’intérieur, une pochette transparente pleine de sucreries magiques, de ses armes contre les ténèbres, de son moyen d’jamais se mettre à réfléchir au sens de la vie. Elle en sort un, le pose sur sa langue, ferme les yeux et sourit en savourant le petit bout de sucre fondre dans sa bouche. Avec ça, elle ne risque aucune rechute durant la soirée.

Ruby se lève enfin, Ruby s’dirige vers une petite salle de bain. Elle se douche, elle s’rend présentable, comme si personne lui était encore passé dessus ce soir, comme si elle savait même pas c’qu’un homme a entre les jambes. C’est l’impression qu’donnent son visage, son regard, son sourire candide, mais certainement pas celle de la robe moulante et sacrément courte qu’elle revêt enfin, mettant en évidence l’absence totale de sous-vêtements. C’est qu’il faut inspirer les ogres d’en dessous…

Elle a pris un peu d’moment pour elle, a réarrangé la piaule, laissé les draps sales dans un coin d’la pièce où ils seront récupérés après qu’elle soit redescendue. C’est qu’c’est bien organisé ici, on sait comment rentabiliser l’temps des filles.
Quand, enfin, la galloise se décide à sortir de la chambre pour rejoindre le salon à l’étage du dessous, elle s’arrête dans les escaliers pour mieux laisser courir son regard sur les visages nouveaux, les visages familiers, qui se retrouvent autour d’un intérêt commun pour les corps à acheter, ou au moins à mater. Parce-qu’il y en a un qu’elle reconnaît bien et qu’a pas touché une seule fille depuis des lustres : Duane.
Il est posé seul sur un divan à picoler depuis un bon moment, à en juger par son regard et sa manière de relever la tête pour regarder passer les filles qui défilent devant lui. Celles-ci ont fini par s’désintéresser de lui depuis qu’il paie plus pour monter, le laissent au barman qui l’ressert encore et encore. Il lui paraît seul, à Ruby. Il lui paraît triste. Et son petit coeur qui se serre l’entraîne au bas des marches, direction Duane.

Elle arrive derrière lui, elle s’penche et l’enlace par dessus le dossier du canapé, pose un baiser plein de douceur contre la joue rugueuse du flic avant d’y poser la sienne. Elle l’aime bien, Duane, beaucoup même. Elle a jamais eu à faire semblant avec lui, il l’a toujours traitée avec respect, est parvenu à devenir l’un d’ses clients favoris avant d’disparaître subitement pour revenir et ne plus rien lui demander. Alors elle est triste, Ruby, de le voir comme ça. Alors elle compte bien tenter d’y faire quelque chose ce soir.

- Duaaaaaane mon amour, tu viens t’amuser avec moi ce soir ?