Sujet: Needles (Aleks - Coyote) Ven 19 Fév - 22:22
Le tourbillon de mes pensées vient d’entrer en collision avec celui de mes émotions, autant dire que les dégâts sont catastrophiques. Ma main tremblante fouille dans la poche de ma veste pour trouver les billets qui finaliseront cette vitale transaction.
- T’es sûr que le russe est d’accord avec ça ?
- Le russe ?
- Prestwich.
- T’as cru que c’était ma nounou ou quoi ?
Est-ce que j’ai signé un contrat d’exclusivité avec le russe ? Non. Je l’aime bien, sa came, c’est de loin la meilleure dans cette ville moisie, mais j’suis pas toujours à l’aise avec et puis, j’crois que j’lui dois encore du fric, enfin, je ne sais plus… En tout cas, c’est bizarre sa manière de m’appeler Yo’ des fois, j’ai pas l’impression que ce surnom m’est tout à fait destiné. Ah ouais si… Deux cents, c’est ce que je lui doit au p’tit Aleks…
- J’en sais rien, mais un de ses hommes vient de nous prendre en photo, j’veux pas d’emmerdes avec le russkkof même si ici c’est pas son terrain.
Caliss, c’est qui encore ce sans couilles ? Ça m’gosse les gros durs dans son genre qui font dans leur froc pour si peu.
- Qu’est-ce que j’en sais ? Il est p’t’être amoureux d’ta gueule d’amour ? Tiens prend mon argent et fais pas chier avec ta parano à deux sous, file-moi la came !
J’vais péter un câble, j’vais disjoncter s’il fait marche arrière, j’sais pas ce que je serais capable de faire à la fin ! Mais il me le faut ! J’lui tend les billets en échange de ce petit sachet de cristal meth - ou du moins ce que ce rigolo appelle ainsi car si je n’étais pas tant en manque, si je ne souffrais pas tant, je le verrais que sa merde est loin d’être un cristal pur. Escroc, mais dans l’urgence je suis capable de supplier de me faire entuber…
Si ma psy me voyait, elle me savaterait la gueule c’est sur, y’a rien de plus toxique pour moi que des psychotropes stimulants. Ça me pousse à prendre les pires décisions de ma vie, mais j’en ai assez de resté planté là, à essayer de me contrôler, d’être contrôle par les neuroleptiques que j’ai “oubliés” de prendre depuis deux semaines.
J’veux allumer mon cerveau d’un puissant rush qui me fera oublier cette journée de merde qui se marie parfaitement avec le reste de mon existence. Je m’éloigne pour m’enfoncer à travers le campus université, mon bonnet absorbe la brume de mes doutes (et la sueur dégoulinante de mon manque) tandis que mes doigts claques nerveusement les uns contre les autres à la recherche d’une planque pour dissoudre les cristaux et m’envoyer directement la came dans le système.
C’est sous le porche d’une résidence universitaire que je me suis blotti à l’ombre d’une poubelle, là où se trouvent les ordures dont je fais parti. Créature déchétique qui fait chauffer au briquet un poison efficace pour dératiser. L’aiguille vient aspirer le précieux nectar que je contrôle d’un bref coup d’œil parce que je suis loin d’être infirmier, mais en remontant la manche j’ai encore se soulagement d’avoir les veines plus qu’apparentes. C’est là qu’un connard vient m’obstruer le peu de lumière présente, je relève le regard…
- Putain c’est pas vrai… Qu'est-ce que tu m'veux...
Aleks… Alors c’était pas d’la parano son histoire de photo ? Peut-être qu’il surveille juste le revendeur, peut-être que c’est un connard, peut-être que ça n’a rien à voir avec moi. Ma main tremble, je crispe mes doigts sur le seringue, si je la fais tomber c’est le monde qui s’écroule et je ne lui pardonnerais jamais. Jamais.
"If you got that lose, you want to kick them blues, cocaine. When your day is done, and you want to ride on cocaine." ➶@coyote waterston
Aleks il n'avait eu aucun mal à remettre un trafic sur pied en arrivant à Exeter, ni même à le cacher à ses proches. Il avait peut-être réussi à se débarrasser enfin de son paternel en l'envoyant six pieds sous terre. C'est pourtant Stanislav qui avait eu gain de cause. Il était clairement à la dérive, s'enfonçant un peu plus chaque jour, dans l'incertitude de retrouver le bon chemin un jour. Mettre ses démons derrière lui, cet attrait du pouvoir, cet argent facile. Il a besoin de croire qu'il le peut. D'ailleurs le russe il essaye de se donner bonne conscience en suivant une formation afin de devenir pompier. Un moyen d'équilibrer la balance. Il a besoin de se rattacher à quelque chose. Les clients ça va, ça vient. Aujourd'hui il avait pas prévu de vendre, il avait passé la journée à la caserne. Supposé rentrer chez lui, un sms, une photo le font changer d'avis. « Donne moi l'adresse et vite. » Le cliché de Coyote lui suffit à changer ses plans. Ce type, c'est fou ce qu'il peut lui rappeler Yohann. Lutant sans relâche contre sa maladie. Persuadé que sa future fille lui serait suffisante pour l'aider à vaincre ses problèmes. Le russe, il s'était planté en beauté. Yohann avait fini par flancher. Rendant alors son dernier souffle. Cette ressemblance est sans doute la raison pour laquelle comme pour Yo il accepte de faire crédit. Pensant pouvoir lui venir en aide. Espérant ainsi que l'issue soit plus favorable. La raison pour laquelle il a besoin d'aller le trouver est simple, il se fout complètement qu'il aille se fournir ils avaient pas signé de contrat, il était libre d'aller se fournir ailleurs. Ce qui le rend fou, c'est qu'il lui doit de la tune, et qu'il voit clairement la liasse de billets sur le cliché. S'il accepte d'être sympa, il a aucune envie d'être pris pour une poire.
Sur place il n'a aucun mal à trouver Coyote. Faut dire que des camés y en a pas mal sur le campus. Peut-être un des meilleurs points de vente. Quoiqu'il soit, ils sont tous à la recherche d'un recoin pour pouvoir prendre leur dose à l'abri des regards indiscrets. « Putain c’est pas vrai… Qu'est-ce que tu m'veux... » Il a le regard posé sur celui qui s'apprêtait à se piquer, un avantage. Il aura au moins les idées les clairs. Pas eu le temps de s'injecter son poison. « J'pensais que t'étais à sec. » Le manque. Il connaît déjà la réponse. Cette sensation qui pourrait vous faire faire n'importe quoi juste pour avoir le plaisir d'assouvir ce sentiment. C'est ce qui fait son gain pain. « Tu m'expliques pourquoi t'utilises la tune que tu me dois pour acheter de la merde? » Y avait pas d'autres mots pour décrire ce qu'il avait entre les mains. Parce que le mec a qui il avait acheté sa marchandise, et ça même s'il n'était en ville que depuis six mois. Et ce qui faisait la réputation de ce type, c'était bien la piètre qualité de ses produits. L'envie de vendre toujours plus en surcoupant. Pas de service après-vente dans ce milieu. Encore moins quand les clients passent l'arme à gauche. « Libre à toi d'aller voir ailleurs, mais je préférerais que tu nettoies ton ardoise avant. Surtout vu ce que tu t'apprêtes à prendre. » Il était là le souci. Non seulement il aurait l'impression de revivre un échec après la mort de Yohann mais en plus de ça, les deux billets que le jeune homme lui devait serait perdu à jamais. Une dette jamais remboursée.
J’aurais dû deviner qu’il allait rappliquer, j’aurais dû partir plus loin, mais je ne pouvais plus attendre, c’était bien trop insoutenable. Mais me voila pris la main dans le sac, non pas d’être allé me fournir ailleurs, car ce n’est ni la première, ni la dernière fois que ça arrivera ! Je lui dois de l’argent, j’avais la somme, et j’ai quasiment tout claqué pour cette merde. Parce que si je l’avais remboursé, qui dit que j’aurai eu ce que je voulais, encore et toujours à crédit… J’le connais pas tant que ça au final, ça fait pas longtemps que je traite avec, je n’ai jamais vu un dealer faire crédit, pas même à Montréal. J’pense pas qu’il soit amoureux de moi, sinon ça serait assez triste pour lui, alors la raison de son aide, je la comprend pas forcément. J’suis cependant bien trop dans la merde pour refuser… Pour lui poser la question, de crainte qu’il me tourne le dos comme tous les autres.
Je re-capuchonne l’aiguille, manquerait plus que de perdre ma dose. J’serais capable du pire.
- J’te rembourserai…
Combien de fois j’ai dis ça dans ma vie sans le penser, sans avoir la moindre intention de le faire. Mais avec Aleks j’suis obligé de m’y tenir. J’veux pas être dans la merde avec la Bratva, c’est bien trop risqué, même pour un toqué comme moi.
- Y’avait…
Il y a toujours parce qu’à cause de lui mon geste est en suspend.
- Urgence…
Je fouille dans ma poche pour sortir ce qui m’reste, peut-être un quart de ce que je lui dois, j’en sais rien, j’suis pas en état de compter. Je me sens trop mal, trop tiraillé par cette souffrance de vivre. J’voudrais crever, j’deteste ressentir ça contrairement à ce que l’on pourrait croire, je me déteste quand je suis comme ça. Je préfère me droguer et passer à d’autres émotions, sortir de ma détresse, c’est tout ce que je veux.
- Je… J’te donnerai l’reste… La semaine prochaine.
On sait tous les deux que mes délais ne veulent rien dire, que ce ne sont que des mots choisis aux hasard pour tenter d’esquiver les possibles représailles. Le manque me fait trembler, j’ai froid et pourtant je suis moite dans mon parka usé dont j’ai retiré une manche, un bras exposé au froid qui attend la morsure du métal. Je tiens précieusement ma seringue, et s’il voulait me prendre ce que je venais d’acheter ? J’serais capable de me battre, même si je perdrais probablement dans cet état. J’en sais rien si Aleks est du genre bagarreur, je l’imagine mal se salir les mains lui-même, mais on peut toujours être surpris.
- J’te donnerai cinquante de plus.
Il va falloir que j’active Vil et ses combines pour qu’on se fasse un peu d’argent, ou peut-être que j’me trouve un contrat de travail, quelque chose qui me permettrait de me renflouer pour encore tout voir disparaitre en un claquement de doigts. Quand je pense qu’il y a des gens qui ont de l’argent a ne plus savoir qu’en faire, j’parais qu’Aleks est de ce genre là… Et pourtant, il vient me tanner pour quelques billets. L’argent rend les gens monstrueux, mais parmi tous, Aleks est probablement le plus humain dans l’fond.
- Steuplé…
Quitte à faire pitié une fois d’plus… Comment j’suis censé survivre si je m’injecte pas ça ? C’est impossible, il faudrait être un masochiste pour supporter ça plus longtemps.
"If you got that lose, you want to kick them blues, cocaine. When your day is done, and you want to ride on cocaine." ➶@coyote waterston
Lorsque ses yeux se posent sur le message, le russe il a l'impression d'halluciner complètement. Coyote se foutait complètement de lui. Il acceptait de lui faire crédit et voilà qu'il allait se fournir ailleurs avec la tune qu'il lui était dû. il n'en faut pas plus à Aleks pour qu'il change ses plans et se rende dans le quartier d'Exwick, et rejoigne ainsi l'université dans le but de confronter le jeune homme. Est-ce que ce que cette sorte d'affection qu'il éprouvait pour ce type lui rappelant Yohann allait causer sa perte? Trop bon trop con paraît-il. « J’te rembourserai… » Ces mots il les a entendus plus d'une fois, à chaque achat. Aujourd'hui il n'est pas très convaincu, pas avec cette seringue qu'il a entre ses mains. Il se contente alors d'arquer un sourcil, attendant la suite. « Y’avait… Urgence... » La suite ne l'étonne que peu. Pour tous les camés y a toujours urgence quand il s'agit de se défoncer. « Je… J’te donnerai l’reste… La semaine prochaine. » Le russe se fait pas prier pour saisir les billets tendant par le Canadien, prenant soin de les compter avant de les ranger dans la poche de sa veste. « T'es loin du compte, il manque cent vingt-cinq. Qui me dit que t'auras pas une autre urgence chez le premier connard venu avant la semaine prochaine? » Il croise les bras, le regard toujours posé sur lui. « J'me trouve plutôt cool non? C'est quoi le problème? » Une simple question, il ne passait pas son temps à le harceler, il lui laissait le temps dont il avait besoin pour réunir la somme, régler ses dettes. « J’te donnerai cinquante de plus. » Il ne peut cacher sa surprise à la suite de cette annonce supplémentaire, tentant de déceler dans sa voix, ses gestes, s'il s'agissait de là un simple moyen de se sauver le cul. Eviter de quelconque représailles de sa part. « On va déjà s'en tenir à la tune que tu me dois. Si tu clamses pas avant. » Cette dose qu'il a entre les mains, il donnerait pas beaucoup de valeurs au produit. De la merde au sens propre. Dire qu'il n'aurait pas besoin de courir après l'argent qu'on lui devait s'il avait pris soin de tenir ses promesses. De rester dans le droit chemin, de se contenter de son boulot légal. « Steuplé… » Les souvenirs de Yohann se font plus importants au fil des minutes. Il avait beau avoir participé en le fournissant, il se sentait coupable de ne pas avoir vu les choses venir, ne pas avoir été présentes pour lui alors qu'il était censé avoir décroché. L'empêcher de replonger. « Cent vingt-cinq la semaine prochaine. » Au final, dans ce milieu rempli de corrompu, c'est peut-être Coyote qui finirait par avoir sa peau. « Et fais-toi une faveur, arrête les pourris. » Qu'importe qu'il essaye de se prendre ses doses ailleurs, une simple mise en garde au sujet de ses choix. Il était bien trop facile de tomber sur des doses mortelles, surtout quand on est en quête de ristourne.
Une part de moi à beau avoir conscience que je me suis bien mis dans la merde vis-à-vis d’Aleks, l’autre part, celle qui s’exprime principalement ce soir, n’en a rien à faire. Ce soir, je me fiche de toutes les conséquences. Abandon, mais aussi un sentiment de toute puissance. Débile, vu dans l’état dans lequel je me trouve. Inutile de me demander la moindre cohérence, en tout temps, un seul mot peut me désigner : le chaos.
J’lui tends l’argent qui m’reste, pas assez. Le russe ne manque pas de me le faire remarque. Cent vingt-cinq. Y a moyen de les trouver, non ?
Je propose même d’en apporter plus, pour qu’il me lâche. Je sais qu’il est sympas avec moi, même si ça n’a aucun sens qu’il le soit ! J’en abuse forcément, c’est plus fort que moi. Jusqu’à ce qu’il décide de me butter, pas vrai ? Mais qu’est-ce qu’il compte faire ? Revendre ma seringue ? Faudra me passer sur le corps…
Finalement, il cède. Il me laisse le délais et ne veut même pas de mes cinquante en plus. J’sais pas ce qui tourne pas rond chez ce type, mais s’il deale comme ça avec tout l’monde, ça doit être compliqué les affaires, non ? - Tu les auras.
Encore une promesse, difficile de savoir où je serais dans une semaine. Peut-être mort… Enfin.
- J’suis… J’suis désolé de faire… Continuellement d’la merde.
Le pire c’est que j’le pense, que j’veux changer, mais que je ne peux pas, ensuite revient le moment où je ne veux pas changer, et ainsi de suite.
Je décapuchonne de nouveau l’aiguille et bien que mes veines soient particulièrement apparente, ce petit coup de chaud induit par la présence d’Aleks a provoqué une monté d’adrénaline qui accentue dangereusement mes tremblements. Je me pique donc royalement à côté de la veine… J’crois que c’est à force de faire ça que Jared Leto a perdu un bras dans requiem for a dream. Je me dépique donc, relevant le regard vers le dealer et j’ose…. Oui, j’ose lui demander…
- Tu veux bien m’aider…
Vu mon état, l’aide dont j’ai besoin est multiple, mais je ne le sollicite que pour m’aider à m’injecter ce produit pour lequel il y avait tant urgence. Et si ça m’tue ? Il ne sera pas responsable à mes yeux et lui… Il s’en remettra. Il a pas froid aux yeux j’en suis certain.
J’hésite malgré tout à lui tendre la seringue, et s’il me faisait un sale coup ?
Est-ce que j’peux vraiment lui faire confiance ? Après tout, j’l’ai mis en rogne, assez pour qu’il vienne me trouver ici en personne. Des fois j’ai l’fantasme bizarre qu’il m’aime bien, mais j’suis vraiment trop con pour penser un truc pareille. Il aime bien le fric que j’lui donne, c’est tout, faut pas chercher plus loin.
Et pourtant, j'lui demande une faveur comme s'il était un ami, comme si nous étions assez proches pour le laisser m'injecter quelque chose. Une confiance que je n'accorde à personne avec mon passé psychiatrique et pourtant, nous en sommes là...
"If you got that lose, you want to kick them blues, cocaine. When your day is done, and you want to ride on cocaine." ➶@coyote waterston
Le russe est bien trop clément, il en a conscience. Yohann aurait dû lui servir de leçon, au lieu de ça, il semble être enclin à répéter les mêmes erreurs. Parfois il se dit qu'il ferait bien de mettre un coup de pression à Coyote. L'attraper par le col et le secouer cinq minutes histoire de lui remettre les idées en place. Qu'importe l'affection qui commence à prendre place. Qu'importent les souvenirs qui reviennent à la surface. Il n'en oublie pas pour autant l'argent qu'il lui doit. Prendre sur lui et faire crédit était son choix, bien vouloir se faire entuber en était un autre. Il avait beau ne pas être en manque de billets verts, le russe n'en oublie pas les risques qu'il court. Celui de la cible qui se dessine doucement dans son dos et celui de ses proches. Ni même celui de passer par la case prison, après tout, son père n'était plus de la partie pour le sauver le cul. Probablement stupide de sa part de refuser de l'argent en plus, mais il part du principe qu'il pourra s'estimer heureux s'il respecte son propre délai. Que l'argent manquant sera enfin dans sa proche la semaine prochaine. Aleks il en doute. Les délais ne semblent pas être le point fort de son interlocuteur. « Tu les auras. » Le russe se contente de hocher doucement la tête. Par ailleurs il essaye de se convaincre qu'y aura pas un nouveau faux plan. Une nouvelle urgence qui ne ferait que repousser l'échéance encore une fois. « J’suis… J’suis désolé de faire… Continuellement d’la merde. » Il en avait vu des cas défiler devant ses yeux, les excuses semblaient être un symptôme récurrent chez bon nombre d'entre eux. « J'suppose que ce que tu prends doit y être pour beaucoup dans la balance. » Une intuition qu’il avait par rapport aux nombreuses personnes qu’il avait pu croiser. Seulement il n’était pas vraiment en matière de juger les effets. Aucune drogue pour le russe, et ça ne l’empêchait pas pour autant de faire de la merde aussi. La preuve. Alors qu’il s’était rangé. Il était de nouveau dans les affaires. Risquant non seulement sa vie mais celle de ses proches aussi.
« Tu veux bien m’aider… » Alors là il est complètement sur le cul. C’est le genre de phrase auquel il ne s’attendait pas. Il d’ailleurs du tourner les talons en le voyant décapuchonner sa seringue à nouveau, avant de se l’enfoncer dans le bras, signe qu’après il ne serait plus apte à avoir une quelconque conversation. Le regard déviant sur cette seringue qu’il lui tend. Serait-elle sa dernière? Celle de trop. La dose fatale. Voulait-il vraiment être celui qui lui injecterait ? Vendre le produit ne le dérangeait pas plus que ça. L’injecter c’était tout autre chose. « J’peux pas Yo. » Regard toujours hypnotisé il a besoin de quelques minutes pour réaliser ce qu’il vient de dire, le regard de Coyote y étant sans doute aussi pour beaucoup. « Tu me fais confiance à ce point ? Je pourrais te tuer. » C’était le genre de chose qu’il n’avait jamais fait. Il sait pourtant ce qu’il faut faire. Et les veines du Canadien sont plutôt visibles. Pourtant il serait facile de dévier, et de lui offrir ainsi sa dernière dose. Plus de problèmes de manque pour lui, plus de problème de crédit pour le russe. Seul ses cent vingt billets s’envoleront en fumées.
Je ne sais pas pourquoi j’arrive à l’endormir avec des promesses, ce mec, il est cool et idiot à la fois. Mais au moins, j’peux essayer de le compter parmi ceux qui ne me veulent pas particulièrement du mal. Je n’ai pas de bonne relation avec les gens en général, malgré mes phases high, les gens ne m’apprécient pas réellement. Est-ce qu’Aleks m’apprécie ? J’aimerais savoir ce qu’il se passe dans sa tête, à qui il pense… J’connais ce regard qu’il a, celui qu’on a quand on contemple un fantôme. J’veux pas être son fantôme, mais en même temps, son fantôme c’est pas plus mal que de n’être foutrement personne.
Alors j’lui demande son aide. Vu la tronche qu’il tire, il ne s’y attendait pas.
Encore ce surnom “Yo”, mais surtout son refus. J’y arriverais pas… Pourtant après ma tentative raté, une perle de sang coule le long de mon bras.
- Pourquoi pas ?
Pourquoi est-ce que je ne lui ferais pas confiance ?
- Toi… Tu m’fais bien confiance quand j’te dis que j’payerais…
C’est bien plus dingue que ce que j’lui demande. Personne ne peut me faire confiance quand il est question de fric. - Est-ce que… Tu l’aurais fait pour… Yo ?
C’est probablement bien salaud de dire ça, mais qu’est-ce que j’ai à perdre ? J’ai beau essayer de comprendre ce qui nous lie tous les deux, mais c’est de l’invisible pour moi. Y’a que lui qui peut voir clair dans tout ça, c’est pas juste.
J’esquisse un sourire triste, tendant toujours la seringue en sa direction. Il ne veut pas avoir ma mort sur la conscience, c’est un pile ou face avec ce fournisseur. Ça pourrait me tuer comme ça pourrait juste me rendre un peu malade. Je suis un coriace.
- Tu devrais tout m’raconter… Sur ce mec. Après… Tu m’rend ce service. C’est quasiment sûr que j’m’en souviendrais pas de toutes manières. C’était qui ? Ton p’tit ami ?
J’devrais pas le provoquer, mais faut bien le pousser un peu au cul, non ? Il va finir par cracher le morceau c’est certain. J’ai besoin de savoir pourquoi Aleks est aussi cool avec moi, j’ai besoin de comprendre pourquoi ce mec me fait obtenir de telles faveurs. Tant pis si ça doit foutre en l’air les avantages que je tire de nos deals… Pour une fois, c’est à moi d’aider un autre, c’est bizarre comme sensation, mais c’est comme si je devais faire quelque chose pour lui, ça sera peut-être même la dernière chose que je ferais avant de mourir à cause de cette saloperie qui m’a couté une partie de l’argent de ma dette.
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Toutes les partielles de son corps le poussent à remettre le jeune homme qui lui fait face en place. Remettre les points sur les i. Qu'il comprenne qu'il doit arrêter de se foutre de lui au sujet de l'argent. Surtout le russe devrait tout bonnement arrêter de lui faire crédit. Ça lui permettrait peut-être d'honorer ses dettes, de s'assurer d'avoir le montant exact avant de passer commande. Cette aide qu'il lui demande le ramène des mois en arrière. Ce message qu'il avait reçu lui annonçant la mort de Yohann. Il s'était juré de lui venir en aide, être présent pour lui. Ils s'étaient bien trop éloignés d'une simple relation acheteur et vendeur. L'un et l'autre s'étaient sans doute confiés un peu trop sur leurs passés respectifs. Il avait été touché par le Canadien, et cela lui revenait encore aujourd'hui en pleine poire tel un boomerang. Les yeux rivés sur cette seringue, ce qu'elle contient il se perd dans ses pensées. Ne réalisant pas la comparaison qu'il vient de faire, ramenant une nouvelle fois Yohann sur le tapis. Non il finit juste par interroger Coyote sur la confiance qu'il semble lui porter. Il serait pourtant si facile au russe de dévier, de le tuer. « Pourquoi pas ? » Son regard semble enfin quitter l'aiguille des yeux pour reporter l'attention sur son propriétaire. « Toi… Tu m’fais bien confiance quand j’te dis que j’payerais… » Il marquait un point, Aleks tentait de se convaincre à chaque fois qu'il n'y aurait plus de soucis. Qu'il finirait par régler ses dettes. « J'ai peut-être juste espoir que tu règles tes dettes. » Vérité. Peut-être qu'un jour il se reprendrait enfin en main. « Est-ce que… Tu l’aurais fait pour… Yo ? »Touché. Et la voilà la vague de souvenirs qui remonte une énième fois. Il était même pas sûr de pouvoir en vouloir à Coyote c'était pas la première fois qu'il utilisait le prénom d'un autre en s'adressant à lui. Toujours le même celui de Yohann. Cette question le tiraille. L'aurait-il fait? Probablement qu'il aurait refusé, mais il aurait sûrement trouvé les mots pour le faire changer d'avis. « Non. » Mensonge. Il se voile la face à ce sujet, tout comme il se la voile quant à son implication dans son trafic. Sur cette route qui le ramène droit vers la mafia. Et cette seringue qu'il continue de lui foutre sous le nez. Comment se regarder en face si cette injection lui était fatal? « Tu devrais tout m’raconter… Sur ce mec. Après… Tu m’rend ce service. C’est quasiment sûr que j’m’en souviendrais pas de toutes manières. C’était qui ? Ton p’tit ami ? » Celle-là il l'avait pas vue venir, son regard se plisse quelque peu. Est-ce qu'il cherchait vraiment à ce que ce soit sa dernière soirée dans cette foutue ville? « Sérieusement? Tu crois pas que c'est le genre de remarque qui peut me donner envie de louper ta veine? » Et pourtant est-ce qu'il mériterait pas d'avoir vent de cette comparaison? Aleks pose le pour et le contre. Surtout désireux de trouver de bonne raison de laisser là en plan et de retourner vaquer à ses occupations, tout en espérant qu'effectivement il n'aurait aucun souvenir de leur conversation. « Y a pas grand chose à dire. » Dans un sens ce n'était pas complètement faux. Que pouvait-il réellement dire sur sa relation avec le musicien? La seule chose dont il pouvait être sûr c'est qu'elle était loin d'être anodine. Est-ce que Yohann ne l'avait-il pas juste considéré comme ce dealer un peu sympa mais qui avait sans doute un sérieux problème pour agir de la sorte?
Je peine à croire que sa bonté n’est dû qu’à l’espoir d’un remboursement des dettes, y’a une autre raison, y’a ce mec… Ce Yohann. J’sais pas qui c’est ce type, mais c’est évident qu’il y a une raison lié à ce type. Pourquoi est-ce que je lui fais penser à ce gars-là J’en sais rien, j’le connais pas moi, ce Yohann. Qu’est-ce que ça lui coute de planter cette aiguille ? C’est quoi ce dealer avec un sens moral ? C’est quoi c’bordel…
Il ne l’aurait pas fait, pas même pour ce “Yo”. Fais chier. Mauvais pioche.
Je souris amusé alors que je suggère que ce mec fût son p’tit ami, j’pensais plus à un frère, mais provoquer, même dans cet état, c’est un art de vivre ! - Pas grand chose à dire ? J’suis sûr du contraire…
Est-ce qu’il compte me faire languir indéfiniment, moi j’avais prévu de m’effondrer ici, de crever de froid peut-être, mais au moins je ne l’aurais pas même senti, j’aurai été libre. Je n’y arriverai pas, l’injection risque d’être ratée, j’peux pas foutre en l’air le peu que j’ai pu me payer, j’peux pas tout gâcher. Alors j’tente de me relever.
J’ai mal partout, j’ai l’impression d’être un vieillard bouffé par l’arthrose.
- Il est mort c’est ça ?
J’vais bien finir par le savoir, non ? C’est qui ce gars bon sang, c’est qui ce fantôme ? J’en ai bien assez comme ça qui m’collent à la peau, j’ai pas besoin de ceux des autres.
- Overdose ? C’était pas ta faute. Il a fait son choix.
Et moi, j’vais peut-être m’en prendre une si j’continue. En tout cas, j’ai réussi à m’relever, mais j’n’ai aucune idée d’où aller. Dans cet état j’ferais pas long feu, j’en ai bien conscience, pourtant j’agis comme si je m’en foutait. Faut dire que j’ai besoin de n’en avoir que faire. J’ai besoin de me moquer de mon sort, de mes souffrances, parce que je me noie et que la surface est beaucoup trop loin à présent pour espérer respirer à nouveau.
"If you got that lose, you want to kick them blues, cocaine. When your day is done, and you want to ride on cocaine." ➶@coyote waterston
Le russe était pris dans un engrenage qui le dépassait. Condamné a répété encore et encore les mêmes erreurs. Probablement soucieux d'un jour expié ses fautes. Ses péchés. Nettoyer enfin sa conscience. Il le sait, il ne trouvera pas le pardon en continuant son trafic. Non il faisait que s'enfoncer un peu plus chaque jour. Et ce type qui lui fait face ne fait que lui rappeler un échec de plus. Pas là pour Yohann alors qu'il aurait dû. À croire qu'il aime se torturer. Il devrait tourner les talons, le laisser, ne pas se prendre une nouvelle d'affection pour quelqu'un. Parce que ça le rend souple. Trop souple. Aleks il ment. Encore. Il ne sait faire que ça en ce moment. Il a pas envie de parler de Yohann, ils n'étaient pas vraiment amis. Et aujourd'hui il était mort. « Pas grand chose à dire ? J’suis sûr du contraire… » C'était bien sa veine, malgré le manque Coyote ne semblait pas se résigner si facilement, jeter l'éponge ne semblait pas faire partie de ses projets. Il regarde tenter de se relever un instant avant de finir par lui tendre une main pour l'aider. « Il est mort c’est ça ? » Perspicace. Et le regard que le russe lui lance ne laisse pas de place au doute. « Et t'empruntes le même chemin que lui. » Au fond il en sait rien. Il sait pas comment il est mort. Il se souvient juste de ce que Chiara lui a dit. Overdose alors qu'il était rentré chez lui. Il sait pas si le manque était trop fort, qu'il s'est loupé. Ou si c'était voulu, un moyen d'échapper aux responsabilités qui l'attendaient. Un moyen de fuir les fantômes qui étaient propres au Canadien. Envie ou erreur il n'en aurait jamais la réponse. Et c'est ça qui le rongeait de l'intérieur. « Overdose ? C’était pas ta faute. Il a fait son choix. » Il se pince les lèvres alors que le jeune homme lui fait enfin face, enfin relevé, tenant pourtant à peine sur ses deux jambes. Aleks le scrute, persuadé qu'il pourrait flancher à tout moment. « Peut-être bien. Il était clean. J'aurais dû être là. » Il aurait dû être plus présent, devenir cette oreille compatissante. L'empêcher de sombrer, de renouer avec ses démons. L'aider à s'en sortir, laisser toutes ses conneries derrière lui. « Il te faut de l'aide? » Parce que clairement il doute qu'il puisse rentrer chez lui, où tout simplement aller ailleurs sans s'effondrer au bout de quelques pas. Il a beau ne pas avoir envie de lui injecter cette seringue, il a pas envie de le laisser dans sa merde. Il a pas envie qu'il s'écroule quelques rues plus loin. Qu'il finisse par tenter de s'injecter cette dose, qu'il se loupe, qu'il y passe. Lui aussi. « Faut te ramener? » Il trouve la situation assez ironique. Ils n'avaient aucun lien, il était son dealer, pas sa babysitter.
S’il y a une chose que je déteste, c’est ne pas avoir de réponse lorsque j’envoie un message à Coy’. J’en viens toujours à imaginer le pire, et c’est stressant. Je ne compte plus mes envois, je sais simplement qu’il y en a eu un paquet et cet idiot n’a pas daigné répondre. Idem en ce qui concerne mes appels. J’ai capitulé après le cinquième. Au début, j’ai laissé des messages, puis, j’ai fini par raccrocher. Comme souvent dans ce genre de situations, j’ai envie de le tuer, ce qui est débile, puisque je cherche par tous les moyens à savoir s’il ne lui est rien arrivé. Mon comportement n’est pas vraiment cohérent, mais Coy’ me rend con. C’est comme ça. Je tripote frénétiquement mon portable, comme si le fait de le toucher pouvait le faire sonner, ou qu’un message de mon acolyte pouvait arriver. Bon sang, ce que je peux détester ce mec.
Connaissant son addiction pour tout ce qui peut le détruire, je n’ose pas imaginer ce qu’il est en train de faire. Je lui ai répété des centaines de fois de venir me voir s’il était vraiment en manque, mais non, il préfère s’enfiler des saloperies.
Bordel, je ne supporterais pas de le perdre. Il m’empêche de sombrer. Il n’a pas le droit de m’abandonner. Aux grands maux, les grands moyens.
J’ai fait placer un traceur dans le portable de Coy’. Je m’en suis voulu au début. Je m’en veux encore parfois de m’infiltrer dans sa vie. De le surveiller. Mais, je me dis que c’est pour son bien. Uniquement pour son bien que je suis parfois ses mouvements. J’avoue, que des jours comme aujourd’hui, je ne regrette pas de l’avoir fait. Je fronce les sourcils en voyant où il se trouve. Il a encore dû dénicher un dealer dans les parages. Putain de camé. C’est mon jour de repos et je le passe à chercher mon coloc. À m’inquiéter pour lui. Comme la plupart du temps. Je regarde le plan. J’inspire, pivote d’un côté, puis, de l’autre.
« Bordel de merde »
Mon poing s’abat sur le plan de travail. J’ai envie de tout balayer d’un revers de la main, mais, je me retiens. Tout casser ne sert à rien. Puis, Coy’ s’en charge très bien, de tout détruire.
J’ai assez attendu, il faut que j’y aille. Je glisse dans ma besace, des médocs et une bouteille d’eau. Enfin, des trucs costauds qu’il pourra avaler le cas échéant. Mes yeux se posent sur la boite en carton qui contient l’injectable. J’hésite. Je tends la main, la replie, hésite encore une fois avant de l’attraper et de refermer la porte du réfrigérateur en la faisant claquer de rage. Il faut bien que je passe mes nerfs sur quelque chose. Je mets la boite dans une pochette isotherme, m’empare de mes clés, mon sweat-shirt noir à capuche, mes converses rouges. Dans ma chambre, je prends quelques billets, pour le cas où … Coy’ a toujours besoin de fric pour sa merde, et si je dois négocier, autant avoir de quoi payer. Je quitte l’appartement et dévale les escaliers quatre à quatre. J’ai l’impression d’avoir engagé une course contre la montre.
Dans ma tête, mes pensées tournent à mille à l’heure. Je me doute bien que Coy’ n’est pas retourné sur les bancs de la fac. Y est-il déjà allé ? Je me pose la question, mais, la chasse rapidement de mon esprit. Je veux garder les idées claires et le retrouver rapidement. D’après mes points gps, il est quelque part, dans une rue adjacente au campus. J’ai l’impression que le bus se traîne. Des scènes glauques me parasitent. J’ai les mains moites, et mon cœur bat un peu trop rapidement.
J’ai l’impression qu’il s’est écoulé une éternité depuis que je suis parti, et c’est sûrement le cas. Je crains de le retrouver agonisant sur un bout de trottoir. Je passe une main fébrile sur mon crâne rasé, tandis que je murmure « Si tu n’es pas mort, c’est moi qui te fais la peau, espèce de sale con »
Je suis les indications et j’allonge le pas autant que mes grandes jambes me le permettent. Le regard rivé sur le point que je dois rejoindre, je galope. Me rapproche. Je sens les battements de mon cœur pulser dans mes oreilles. J’ai l’horrible impression que je vais le vomir.
Je vois d’abord un type. Sûrement son dealer. Je serre les mâchoires. J’aurai préféré qu’il soit seul. Une bonne paire de claques et retour à la maison. Là, va falloir parlementer et je n’aime pas parler avec ces gens-là. Il faut avouer que certains sont assez ‘chatouilleux’ lorsqu’il s’agit de business.
Soudain, je me demande ce que je suis censé faire et dire.
Je m’approche, la mine défaite car, je ne le vois pas. Les pulsations de mon cœur s’accélèrent. Et si Coy’ est mort et que ce mec ne soit qu’un passant qui se trouve au mauvais endroit, au mauvais moment. Je tente de me redresser. De retrouver un rythme cardiaque normal et d’avoir aussi, un air dégagé. Naturel. Même si la main crispée sur la bandoulière de mon sac raconte une tout autre histoire.
Il y la peur aussi. Cette saleté qui me taraude. Qui me vrille les tripes. Mes paumes sont moites tandis que je me rapproche et je sens ma gorge se serrer. Encore et encore. Je me demande si je vais pouvoir articuler un mot. Les conteneurs à poubelles puent. Une main se plaque sur mon nez, mais l’odeur persiste. Je n’ose pas regarder. Finalement, je m’avance et je l’aperçois enfin.
Le spectacle est digne de Coyote. Je reste incrédule, oscillant entre colère et dépit. Et la seringue. Pleine de poison. De mort. Je regarde enfin le gars et dis simplement
« Je le connais. On vit ensemble »
Je fixe le gars, lâche un sourire un peu crispé avant de rajouter
« Je prends le relais, j’ai l’habitude. Merci. »
C’est une façon polie de le congédier. De lui dire qu’il peut dégager. Je gère.
Lorsque mon attention revient sur Coy’, je tends la main sans un mot. Pas besoin d’être devin pour voir qu’il est en crise. Pour l’appâter, je lance sur un ton détaché.
« J’ai ce dont tu as besoin dans ma besace »
Mon regard est froid maintenant que je peux constater qu’il va bien.
Un haussement d’épaule avec nonchalance lorsqu’il suppose que je suis le même chemin que son pote Yohann. J’ai donc vu juste. Le mec est mort, à cause de la drogue. La suite est facile à deviner. Pourtant, j’ai absolument rien à voir avec ce gars là…
Difficile d’obtenir plus d’informations de la part du russe, j’me demande pourquoi il en fait un secret d’État, j’ai bien l’droit de savoir vu qu’il me donne le nom d’un mec mort une fois sur trois. Je me relève finalement, grâce à son aide précieuse. Il est têtu le Aleks. Entre son silence et son refus de me filer un coup de main avec cette seringue… Je me sens terriblement mal, l’acidité de mon estomac me remonte dans la gorge, ma peau luit de sueur, je suis parfaitement moite… Mes pensées… On se passera de les décrire, en partie parce que c’est impossible d’y donner sens. J’ai mal. Mes os m’irradient, ma moelle épinière me brule. Mon être me réclame de la drogue, une substance assez puissante pour m’anesthésier, quitte à y laisser ma peau. Mon esprit somatise mes douleurs sur mon corps, des symptômes bien réel d’un mal de vivre qui n’est que dans ma tête ravagée par la psychose. Je descend dans les ténèbres de mon âme.
Finalement, il fini par me dire que son Yohann était clean, Aleks se sent responsable du sort de ce gars-là ça m’fait vaguement penser à Vil… Mon colocataire, mon meilleur ami, ma seule famille. Il a pris cette lourde responsabilité que de veiller sur un type comme moi. - Euh… J’en sais rien… Pour aller où ?
J’pourrais rentrer à la maison, mais je ne sais pas ce que je dois décider de faire. J’suis paumé, douloureux, en manque… Mes pensées sombres s’invitent pour noircir bien plus encore mon humeur. Se faire déposer chez soi par son dealer, c’est pas banal… En temps normal, ça m’aurait fait sourire, mais je suis planté là dans cet équilibre précaire, claquant des dents, dévoré par l’anxiété. Mon cellulaire en silencieux aurait pu m’apporter une solution réconfortante, un rappel à l’ordre… Je me sens seul face à ce monde hostile. Mon cellulaire m’aurait rappelé que je ne suis pas si seul, pas encore.
La seringue entre mes doigts me brûle. Mon pass pour la liberté.
Une voix sorti de nulle part, l’espace d’une seconde, je l’imagine être dans ma tête. La voix d’un frère, d’un sauveur. Mon regard vitreux se lève vers l’infirmier, il me fallu quelques instants pour réaliser sa présence, ses paroles… C’est impossible qu’il soit là, pourtant, c’est pas la première fois qu’il surgit de nulle part dans mes moments de détresse. Tel le messie. Pourtant, je ne suis pas capable de réaliser que la torture va enfin s’apaiser.
Cette main tendue vers moi, j’approche la mienne avant de réaliser que la seringue s’y trouve, alors je retire ma main en parfait junkie, affolé à l’idée qu’il me prive de mon poison. La lueur que j’ai dans le regard signifie aux deux hommes qu’ils vont clairement devoir me l’arracher de force, il ne laisse que peu de place au doute de la lutte dont je ferais preuve au moindre mouvement à l’encontre de mon horrible achat du jour, ce, peu importe ce que Vil a emporté avec lui. Mon esprit est focalisé sur cette drogue dure.
- Le laisses pas m’la p-p-prendre, j’en ai b-b-besoin…
Parole de détresse envers le russe, comme si je voulais m’en faire un allié envers celui que je considère pourtant comme l’ami venu me sauver de moi-même. Le problème réside dans le fait que je ne souhaite pas particulièrement à être sauvé.
- J’ai trop mal, cette fois, tu… Tu peux rien faire…
C’est ce que j’dis à tous les coups…
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Sujet: Re: Needles (Aleks - Coyote) Dim 7 Mar - 22:49
"If you got that lose, you want to kick them blues, cocaine. When your day is done, and you want to ride on cocaine." ➶@coyote waterston & @vil wicked
Le russe ne s'attendait pas à ce que la situation prenne un tel tournant. Que la conversation devienne plus personnelle. Que les démons du passé s'invitent entre eux. S'il finit par aborder la mort de Yohann et les regrets qui l'accompagnent, Aleks reste en revanche droit dans ses bottes au sujet de cette seringue toujours présente dans la main du Canadien. Hors de question qu'il lui injecte ce produit mortel. Non s'il lui tend la main c'est pour l'aider à se relever alors qu'il chancèle. « Euh… J’en sais rien… Pour aller où ? » Bonne question. Il en sait rien, il ne le connait pas vraiment, ne sait pas où il vit, où il se rend quand il est dans cet état de manque. Aleks n'a d'ailleurs pas le temps de dire quoi que ce soit qu'un type débarque de nulle part. « Je le connais. On vit ensemble. Je prends le relais, j’ai l’habitude. Merci. » Le russe le toise de haut en bas, avant de reporter son attention sur Coyote, comme pour confirmer les dires de cet inconnu. De s'assurer qu'il dit vrai, et qu'il ne risquera rien s'il s'en va. « J’ai ce dont tu as besoin dans ma besace. » Aleks le sait, ça devrait lui passer au-dessus, il devrait le laisser là sans se faire prier. D'ailleurs c'est ce qu'il s'apprête à faire. Tourner les talons, retourner vaquer à ses occupations, rentrer chez lui. « Le laisses pas m’la p-p-prendre, j’en ai b-b-besoin… » Le russe fronce un instant les sourcils, il le voit ce geste de recul qu'il a envers son ami. Cette manière qu'il a de protéger son bien le plus précieux en cet instant. Qu'importe ce que l'autre avait pu acheter cela ne semble pas suffisant pour celui qui en manque. « Ok. J'suis là. » Situation risible, le dealer qui veut protéger son client. « J’ai trop mal, cette fois, tu… Tu peux rien faire… » Aleks se pince les lèvres, il sait qu'il va sûrement regretter ses paroles, qu'il joue avec la confiance que l'individu qui lui fait face peut lui porter. Mais il compte là-dessus pour essayer de l'aider. « Donne là moi Coyote, je vais t'aider. » Il tend la main dans sa direction, espérant qu'il acceptera d'y déposer cette seringue à laquelle il s'accroche. Pas son problème. Il devrait pas faire ça. Partir sans se retourner elle était là la solution. Il ne faisait qu'enfoncer un peu plus en restant. « J'te donnerais quelque chose de mieux. » Il insiste parce qu'il veut vraiment le voir lâcher cette merde, l'appâter avec quelque chose de mieux serait peut-être plus efficace que ce que son acolyte pouvait avoir dans son sac. Quelque chose de fort. De quoi compenser avec le contenu de cette seringue. Il se fout de ce que peut penser l'individu les ayant rejoint au sujet de cette proposition. Il veut trouver le moyen de l'aider à s'en sortir, à aller mieux, à faire ce qu'il n'a pas pu faire pour Yohann.
Je sens mes mâchoires se crisper, ainsi que mes poings, mais je les desserre aussi vite. La situation m’échappe et je déteste ça. J’étais sûr que le gars se barrerait sans poser de questions et que je rentrerai avec l’autre abruti, mais, rien ne se déroule comme je l’avais imaginé.
Je réfléchis rapidement afin de reprendre la main avec Coy’.
Pas question que je le laisse avec ce type. Qui c’est ce gars qui joue mon rôle ? Il se prend pour Mère Teresa ?
Je me recompose un visage avenant, rien ne sert de le braquer. De les braquer, puisque même mon coloc’ ne veut pas me faire confiance.
J’inspire, puis j’expire en essayant de cracher hors de moi, ma fureur et ma rage. Pas question de me laisser supplanter, c’est moi, et moi seul qui sauve Coy’. Qui le comprend. Qui est à même de subvenir à ses besoins. C’est moi qui suis toujours là pour lui.
Il est à moi.
Je décide de pactiser avec l’inconnu puisque je n’ai pas le choix
« Écoutez, je vois bien que vous voulez l’aider et je vous en suis reconnaissant, mais, regardez son état. Il divague complètement et ...» je baisse le ton pour poursuivre tout en me rapprochant de l’homme et murmure « Je ne sais pas ce que contient cette seringue et je ne compte pas le savoir. Je ne sais pas qui lui a fourguer cette merde mais pas question qu’il se l’injecte. Je me bats depuis des années pour le maintenir en vie, ce n’est pas pour le voir crever sur un trottoir »
Je préfère le tuer de mes propres mains à choisir.
J’hésite à lui dire que je suis infirmier et que je travaille à l’hosto. Idem pour mon identité. Je n’aime pas déballer ma vie à des inconnus. Je suis toujours méfiant vis-à-vis des étrangers. Et des autres aussi, je suis forcé de l'admettre.
« Faut qu’on arrive à lui prendre cet objet avant qu’il fasse une connerie »
Je le savais capable du pire, et j’en ai la confirmation.
J’écoute le gars parler et je me rends compte qu’ils se connaissent. Je viens de tilter. Le gars l’a appelé par son prénom. Je passe une main sur mon crâne et le bruit de mes cheveux ras m’apaise. Comme si cela me rattachait à quelque chose que je maîtrise. Que je connais. Un geste familier. Un bruit familier. Rassurant. Je réfléchis à ce que je dois dire et faire pour ne pas effrayer l’un, tout en gagnant l’autre à ma cause -perdue en ce qui concerne Coy’ - Et puis, je déteste cette sollicitude dont l’étranger fait preuve envers mon ami. J’ai envie de lui crier à la gueule de dégager mais, cela ne ferait qu’empirer la situation, déjà bien tendue et étrange.
La ruelle semble déserte. À croire que le drame se joue à huis clos.
Je tendrais bien la main moi aussi, mais je crains la réaction de Coy’ . Il agit comme si je lui voulais du mal. Je me rapproche malgré tout un peu de lui. Pas assez pour qu’il se sente menacé. Ce n’est absolument pas le but.
« Coy’, s’il te plaît. Sois raisonnable »
Je sais que je parle dans le vide mais, je me dis que peut-être ma voix, qu’il connaît par coeur, le fera revenir à une attitude plus raisonnable, même si « Coyote » et « raisonnable » sont antinomiques… J’enchaîne malgré tout, d’une voix que je veux calme et apaisante.
« J’ai un injectable dans ma besace. Ceux que j’utilise à la maison. Quelque chose qui te soulagera sans te faire de mal...pas comme ce que tu as dans la main… »
Et puis, soudain, il y a le ras le bol. La demande de trop. Ces situations identiques qui s’enchaînent et moi, je craque. Je m’avance et d’un seul coup, ma main s’abat sur son visage. J’ai l’impression que le bruit de la claque résonne dans toute la rue. J’en ai mal à la paume tellement j’ai frappé fort. Elle est devenue brûlante et est aussi écarlate que la trace que j’ai laissé sur son visage. C’est la première fois que je le frappe et je ne regrette pas mon geste. Je me retiens même de ne pas lui en coller une seconde, et une troisième.
Je l’aime mais, j’arrive aussi à le haïr.
Je ne m’excuse pas, mais je profite de la surprise pour lui arracher la merde qu’il a dans la main, me retenant de lui en foutre une autre. Je crois qu’il peut remercier l’inconnu s’il ne s’en prend pas d’autres. Sans lui, je n’ose pas imaginer jusqu’où je serai allé.
Après la gifle, je l’empoigne et le serre contre moi. Je le serre à l’étouffer. Je marmonne des mots qui n’ont aucune signification, comme ceux que l’on dit aux enfants pour les rassurer, puis, je m’excuse. Juste un murmure au creux de son oreille. Parce que je l’aime et que je ne veux pas le faire souffrir.
« C’est fini, je suis là. Tu vas avoir ce dont tu as besoin. Tu seras mieux après et on pourra rentrer à la maison. Toi et moi. »
Je tends la seringue à l’inconnu en espérant qu’il la vide et la jette loin. Je serre toujours Coy’ dans mes bras avec cette sensation d’avoir frôler le drame, encore une fois. De ne pas pouvoir vivre sans lui. Peu importe le prix…
Sujet: Re: Needles (Aleks - Coyote) Mer 10 Mar - 22:54
Tous ces yeux rivés sur moi, cette attention portée sur ma personne, sur ma seringue. J’aime pas ça, c’est à moi, j’l’ai acheté, j’l’ai mérité, j’en ai besoin… Je me sens pris au piège, incapable de fuir, incapable de faire entendre ma volonté. Qui en a quelque chose à faire de ce que je veux ? Personne, pas même Vil. Je sais ce qu’il veut faire, je sais qu’il va jeter ma seringue, il ne comprend pas que ma vie ne tient qu’à cette aiguille. A moins qu’il ne le sache trop… Qu’importe, je reste méfiant, aussi peu alerte suis-je à cet instant.
Je les ai vu se chuchoter des trucs… Ils parlent de moi, c’est sûr. Qu’est ce qu’ils se disent ?
Aleks me parle à son tour, me promet quelque chose de meilleur. Je peine à le croire, les menteurs, je connais. Cette main tendue vers moi, ses mains. Je recule, mais je ne peux pas vraiment m’éloigner, planque de merde… J’hésite, l’espace d’un instant, parce qu’il y a ce truc meilleur auquel j’ai envie de croire, parce que même si c’est mon dealer, Vil est là. Aleks oserait pas me mentir devant Vil, c’est la logique que m’impose mon cerveau. Ce mix de confiance et de méfiance torture mon esprit. Le manque me domine, choisi mes mots, mes actes, mes pensées. Je songe l’espace d’une seconde demander ce qu’il compte me donner en échange de mon précieux sérum.
Mais il y a les mots de Vil, ce qu’il a dans son sac, je suis persuadé que ça ne suffira pas. Je fronce les sourcils, parce que je comprend qu’il n’y aura rien de meilleur.
- Arrêtez de m’prendre pour un con !
La claque est partie. Mon état ne me permet pas vraiment de réaliser que ça ne fait pas si mal, le manque me rend hypersensible. Alors je glapis comme un animal, ma main vide se plaque sur ma joue en feu. Pas le temps de réagir que mes doigts s’ouvrent et relâche la seringue dans la main de Vil. La panique me gagne, prend le dessus sur la douleur et je pousse un cri rageur. La sueur déferle le long de ma colonne vertébrale, mon corps entier réagit avec violence alors que je me retrouve plaqué contre Vil. Je me débats, je refuse cette étreinte de ce voleur ! Mes gestes opposants ne durent cependant que quelques secondes, abandonnant sous ses murmures que je ne peux déchiffrer,
- J’ai mal…
Que j’lui répond, bien qu’incapable de décrire le mal qui me ronge. Les mots ne peuvent correspondre à cette sensation insoutenable. Ma main désespérément vide, privée de son Graal empoigne son vêtement en retour. Ma joue plaquée sur l’épaule de Vil, mon regard perdu dans le vide de mes angoisses avant de le planter dans celui d’Aleks.
Je sais qu’il ne va rien me donner.
Peut-être fut-ce par vengeance ou par besoin de lui dire à lui, d’admettre qu’il a raison avec son histoire lugubre, qu’il a raison de dire que j’emprunte moi aussi cette voie.
- J’veux mourir...
Cette douleur qui m’asphyxie je ne peux plus la supporter, autant crever maintenant. Mais moi, j’suis pas son pote, j’suis pas clean, j’suis pas en train de m’en sortir. Je m’enfonce toujours plus dans mes ténèbres personnels. Pourtant, quand ses idées noires quitteront ma tête, j’aimerais la vie, je sourirais, j’aurais des projets, un but tout simplement. Ce soir, je ne peux pas être rationnel, me rappeler que ce n’est que passager, que les choses rebasculeront tôt ou tard. Tout comme je suis incapable de concevoir que je pourrais à nouveau être malheureux et torturer une fois que je serais en état d’euphorie.
- Rends le moi.
Le ton s’est durci à l’instant où je repère la seringue dans la main du dealer. Si Vil ne me tenait pas, j’lui aurais sauté dessus, comme un enragé. Ouais, j’lui aurait refait le portrait, ou j’aurais essayé avant d’me faire démolir. Pourtant, la folie décuple ma force, seulement Vil a un peu trop l’habitude, il sait me maintenir, il sait me contentionner qu’avec ses bras. Assurément, il n’a pas besoin de faire des pompes avec moi.
- Bâtard, j’te rendrais jamais ton fric !
Que j’peste, révélant involontairement la nature de mon lien avec Aleks, parce qu’une fois la rage passée, garder secret mon fournisseur, c'est quand même bien plus simple pour duper mon colocataire sur mon “suivi” médicamenteux.