I wanted the whole world or nothing. -- Cáel

Il se perd dans ces grands yeux qu'elle lui offre comme s'il était la première merveille de ce monde. Velcoro se fiche des apparences et de l'attitude décadente qu'il affiche sans une once de honte. S'il y a bien une chose qu'il est certain de ne plus avoir à prouver, c'est son pouvoir. Et s'il se force à exceller sur tous les plans de sa vie, l'Italien prend un plaisir malsain de mettre à découvert l'étendu de ses vices. Ce soir car il n'était pas d'humeur, le roi n'a pas pris la peine de faire bonne figure et saluer quelques têtes influentes de la ville. L'homme s'est contenté de rester attaché aux lèvres pulpeuses d'une poupée persuadée d'être une succube alors qu'il finira elle aussi par l'épuiser et s'en lasser. Le public semble avoir oublié celles qu'il tenait à son bras avant elle et observe le schéma vulgaire qu'il recommence à chaque fois. Ses mains perdues contre les courbes de sa cible, Dolores ne se démonte pas et vient mettre un terme à l'échange outrageux. Son regard de glace le fait sourire alors qu'il dépose une de ses mains contre sa joue afin d'y déposer un baiser, obnubilé par l'autorité sans faille qu'elle dégage. Lui est bien plus impulsif, persuadé que toutes les erreurs sont rattrapables par l'argent, Gali ne se s'impose plus la moindre limite. Alimenté d'un feu ardent, Velcoro est un incendie que même l'Amazonie ne peut défier et au moins aussi destructeur. Dolly, quant à elle, semble plus proche du cercle polaire ; de cette opposition était alors née leur excellence.

La vue d'un ancien employé lui décroche un sentiment de curiosité. Le cerveau de Gali embrumé de champagne et de désirs inassouvis peine à remettre les choses dans leur contexte. Son prénom, il l'a sur le bout de la langue mais lui échappe malgré tout.
Velcoro se souvient seulement de cette soirée interminable mais aussi de cette journée où il n'avait pas hésité à faire emprunter au chauffeur les chemins les plus improbables afin de lui faire perdre son temps et arriver en retard à des réunions où il avait pu l'accuser avec exaspération. Le soir, il lui avait demandé de rouler à une allure précise afin de ne pas renverser le champagne qu'il buvait sur son costume neuf et était finalement revenu de sa soirée s'il saoul qu'il s'était comporté comme le dernier des salauds. Il avait alors ressenti une certaine frustration de voir l'homme impassible face à son manège vicieux.
Il avait abusé de sa patience comme on abuse de toutes les bonnes choses. Le soir, Cáel n'avait pas manqué de déposer sur son bureau les clés de la voiture qu'il avait passé la journée à conduire avant de partir, accompagné d'un simple je démissionne qui avait sonné une sentence sur laquelle on ne revient pas. Gali avait compris et c'est aussi pour cela qu'il n'avait pas essayé de le rattraper. Grâce à Sweeney, il avait eu la chance de pouvoir profiter de la vue d'un bel homme qu'il aurait probablement conduit jusque dans ses draps s'il n'avait pas promis le soir même de retrouver une de ces gamines qu'il consomme comme des cigarettes. Celles qu'il consume avant de jeter quand il n'en reste plus rien à tirer. Si les suivantes savent le diable que Velcoro renferme en lui, elles s'y essaient tout de même, persuadées de pouvoir modifier sa nature profonde sans pour autant y arriver.
La musique langoureuse d'un Pandemonium plongé dans l'obscurité rythme les battements de son cœur et éveille ses sens.
Son regard caresse avec froideur les visages confondus dans les lumières chaudes des néons. Calme d'apparence, les corps gardent en eux des fauves excités par la chaleur des danses dénudées. Comme à chaque début de séance, lorsque les premières notes de musique retentissent pour laisser placer aux créatures, le silence sombre brutalement sur la pièce afin de se soumettre au magnétisme des silhouettes.

Parce qu'il est en ces murs le maître des lieux, sa large main se pose sur ce qu'il pourrait appeler une proie mais Cáel n'en a pas la moindre allure. Ses doigts exercent une légère pression contre son épaule tandis que ses lèvres approchent son oreille. Sa voix grave masque quelques instants la musique trop forte. Ici, il n'est question d'aucune distance de sécurité.
Attention, vous pourriez ne plus vous en passer.
Cáel n'avait rien eu besoin de lui dire, il l'avait simplement lu en lui. Il n'est pas de ces hommes que la superficialité attire et inspire. Le voir là, non pas en tant qu'employé mais que client lui donne la vague sensation que Sweeney a bien plus à noyer qu'il n'y paraît.
Seules les âmes malades se rendent en ces lieux, dans l'unique but de panser des plaies que le Pandemonium s'amuse d'infecter tout en endormant la douleur afin de leur donner envie de revenir.