grace is just weakness. -- delilah.

Et qu'est-ce que tu vas f aire maintenant ?
Une petite voix intérieure le lui demande avec le ton qu'ont les mères sur le point de faire la morale à leur môme. Maintenant que Rex a les poings serrés et que sa bécane s'est arrêtée à quelques maisons de celle des Ziegfeld, il ne s'est jamais senti aussi vivant.
Il a tellement de courage, ou plutôt de haine qu'il pourrait brûler cette barraque, tuer sa gosse, s'en prendre à son épouse. Tout y passerait et rien ne lui donnerait envie d'arrêter sauf peut-être le regret, une fois l'adrénaline tombée mais encore faudrait-il qu'elle lui lâche la  grappe.
Il faut que Marlowe paie. Qu'il sache, la douleur de perdre, que ce soit ceux que l'on aime ou juste une partie de sa vie.
Rex ne connaît pas le deuil et pourtant, depuis petit, c'est comme s'il le subissait. Ce qu'il a jamais perdu, c'est sa liberté. Il savait tout juste marcher que son père la lui dérobait et maintenant qu'il est assez grand, un diable au mille richesses prend la relève.
Il est tard mais le coupable ne sait même pas l'heure, aliéné par la douleur qui lui tiraille le cœur.
L'âme infestée du sang des autres, Eden termine sa marche tranquille à l'entrée de son exutoire. Passer au dessus de la clôture dans la nuit était un jeu d'enfants. Et maintenant qu'il se trouve devant sa porte, l'âme fendue au bord d'un précipice, Rex ne se sent plus maître de lui-même.

Son souffle se coupe lorsqu'il sonne, décidé de ne pas laisser une seconde à la personne qui lui ouvrira. La bête prendra soin de ne pas humaniser qui lui fait face pour que l'horreur se passe plus vite. Il veut que sa colère soit intacte et qu'elle se défoule sans une once de réflexion. Il veut être la pire version de lui-même. Qu'importe l'innocence, ce soir, sa propre douleur prend le pas sur le reste. Une veine enflée de rage traverse son front alors que sa gueule cassée se laisse éclairer par une lumière. Bouche close, mâchoire serrée, Rex laisse tomber son regard sur le visage qui termine par lui ouvrir.
Silence.
Son cœur pulse brutalement contre sa cage thoracique et l'implore de le faire afin de le libérer de sa peine mais ses poings restent serrés dans le vide.
Sous l'impulsion, la bête s'avance d'un pas, brutal, posant sa main contre la porte pour l'empêcher de la lui refermer sur le nez. Il lui suffirait d'un geste pour entamer la pire erreur de sa vie.

Le bandage de Moira, usé, sale de l'avoir délaissé le fait souffrir lorsqu'il se crispe. Quand son regard animal sombre dans celui d'une créature blonde, toute sa hargne se prend un sale coup dans la tronche. L'espace d'une seconde, il aurait presque la sensation de faire face à sa mère ou sa petite sœur. Se dégage d'elle une tristesse qu'il a trop souvent croisé. Une tristesse discrète, incrustée si profondément qu'on ne peut l'a voir à l'œil nu. S'il est apte à y faire face en cet instant, ce doit être à cause de sa propre douleur, laissée à vif, écorchée et plus sensible qu'elle ne le devrait.
-- Marlowe est là ? Non, il n'y est pas là, le sait, l'avait calculé. Prédateur prêt à tout pour atteindre sa proie. Rex est là pour elle.
Sa voix est toujours aussi agressive et son corps fait de même, peine à ne pas exercer une pression contre la porte. Ses yeux sont des gouffres et s'il maintient sa colère encore un peu, on pourrait croire qu'il tient un dragon avec une ficelle dans l'espoir d'empêcher quelques dégâts.
Rex ne fait pas le poids face à sa propre personne.
Il n'aurait jamais dû mettre un pied ici.
Que vas-tu faire ?
Eden ne sent pas bien dans sa peau, à l'étroit, d'un effleurement pourrait surgir ce qu'il tente en vain de dissimuler.