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les contours de la mélancolie. -- icare


all monsters are human. :: 'til her daddy takes the t-bird away. :: archive des rp.
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MessageSujet: les contours de la mélancolie. -- icare les contours de la mélancolie. -- icare EmptyMer 17 Fév - 9:29


-- I sit here all alone. I am always alone. I don’t know who I am. I want to be something I can never be. I try so hard every day. But in the end, I hate myself for what I’ve become.

D'où puisent-ils leur force, les autres ? Ceux qui font de leurs plaies du courage. Ceux qui se soignent, avancent, se sentent capables de souffrir mais de se relever. Sont-ils surhumains ? Ont-ils vendu leur âme au diable ? Même s'il le voulait, la sienne est faite de vide. Trevor le sentait tout autour de lui, le vide, puis un jour, il était en lui. La veille il s'était endormi saoul et le lendemain, il grouillait dans son ventre et continuait sa course jusqu'à son cœur.
Un vide immense que même l'alcool ne parvient pas à faire fuir. Un vide aussi ivre que lui, quémandant son whisky pour trouver un peu plus de hargne et prendre du terrain.
En reposant son verre sur le bar, Morton n'entend même plus les sons tout autour de lui. Sa vie est une répétition infernale. Chaque journée se ressemble et tente de le rendre fou. Il  le sait, il a vu comme son cœur bat parfois trop fort et comme ses yeux cherchent sans cesse ce qu'ils ne trouveront jamais.
Ils sont là, fouillent, naviguent comme de vieux bateau à la recherche d'un soleil coincé sous terre entre quatre planches aussi tristes que lui.
Un soleil mort, devenu trou noir.

La démarche chancelante, son corps montre à la vue de tous son état avancé d'ébriété. Les silhouettes se poussent face à la sienne, repoussante, puante de nervosité et d'ivresse. Ses yeux continuent instinctivement leurs courses sur les visages qu'il croise. Vautour à la recherche de sa charogne. Lorsque le froid caresse ses joues et picote ses mains, ses sens s'éveillent et ses pupilles s'échouent sur les formes squelettiques d'un inconnu. Les joues creusées, le regard d'une clarté alarmante. On pourrait croire qu'il revient d'entre les morts, de sa peau pâle et ses épaules frêles. Si Morton a étanché sa soif d'alcool, la faim résonne encore en lui. Il entend l'echo, la chaleur d'un esprit affamé s'accrocher à son cœur et faire sonner les cloches.
Sous sa peau vibre son désir d'oubli.
Son âme tremble mais sa conscience l'empêche de prendre la fuite.

Trevor exerce quelques enjambées en sa direction, couvert d'un charisme aussi chancelant que sa démarche. Son regard est une colère sourde incrusté sur un visage en friche. S'il y avait de la vie avant, celle-ci est à présent en congés. Elle n'a laissé derrière elle que deux valises sous ses yeux couleur d'hiver. Quelques flocons de neige s'effondrent dans les iris de l'inconnu lorsque Morton l'attrape par le pull pour le ramener contre lui. Il ne le connaît pas et le culot vient de là. Il est toujours un peu plus impatient avec les créatures de la nuit. Il ne négocie pas, s'impose, joue de son ébriété. Ses doigts osseux serrent un peu plus le tissu chaud. -- Dis-moi ton tarif. Des ordres car les questions sont trop douces. Et lui ne veut pas l'être, doux ou même indulgent. Il a envie d'être colérique comme la vie l'a été avec lui, comme les malades l'ont parfois été quand ils ne guérissaient pas mieux. Il a du poison sur le bout de la langue, Trevor Morton, plus proche de la vipère que l'humain. A moins que les deux soient identiques.
Qui est plus dangereux qu'un homme blessé ?
Celui qui s'est fait à l'idée d'avoir tout perdu.
Son souffle se coupe et son regard se plante dans le sien. Il est trop proche et les murs de cette rue sordide les empêche de reprendre une inspiration.
Il n'y a que dans les bras de quelques prostitués que Trevor trouve la force de s'oublier. Il ne paie pas seulement pour coucher plus facilement. Morton s'endette pour vendre à ceux qui s'en fichent des petits morceaux de son chagrin.
Aide-moi à disparaître, hurle les traits livides de son visage.
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MessageSujet: Re: les contours de la mélancolie. -- icare les contours de la mélancolie. -- icare EmptyVen 19 Fév - 10:45


les contours de la mélancolie
trevor & icare

Tes doigts caressent lentement la surface de ton verre de bière. Tu ne t’en rends pas compte mais le contact de la surface humide et douce te rassure le cœur. Assis à la table, avec tous ces gens que tu ne connais pas encore, tu parles peu mais tu ris beaucoup, éclat de joie après éclat de joie tu partages ces histoires qui leur sortent du gosier comme à la mitraillette, une histoire une gorgée de bière large comme la barque de ta grosse tante imaginaire et une histoire, une histoire un biscuit apéritif mouillé dans le jus des olives et une histoire, ils font des lasagnes de récits merveilleux, et tes yeux brillent dans la faible lumière de ton coin de banquette. Quelques fois, on t’alpague car on est déjà bien ivre, on te demande d’où tu viens et tu réponds, les yeux baissés et les joues rouges, que tu n’as jamais vécu ici auparavant, que tu n’es que de passage… Un silence dans l’auditoire fait durer le mystère, puis tu bois, et subitement on t’acclame. Ta réponse leur plait et ils te baptisent Seigneur des Univers, tu viens définitivement d’une autre planète et le secret devra resté entier, ils seront tes gardiens et ne révèleront à personne ta condition de non-humain. Ta reconnaissance pour leur dévotion est si sincère qu’elle t’en ouvre la poitrine. Tu as longtemps l’impression d’avoir un triangle équilatéral qui te calcine la peau autour du cœur. Tu porteras la marque ad vitam aeternam – c’est ton destin –, pour leur rendre honneur.

C’est pour cela aussi que tu dois passer cet appel indispensable à ta lointaine galaxie. Tes amis t’excusent et manquent de te porter jusqu’à la porte, mais tu parviens à t’éclipser avant en te dissimulant sous ton manteau. L’air froid du dehors coule dans tes poumons et te remplit d’or frais. Tu manques de souffle à force de rire, et il fait si chaud là-bas que tu crains à tout instant que la lave de la Terre ne déborde par les caniveaux des trottoirs. Tu feins un appel, t’éloignes de la vitrine immense à travers laquelle tu vois tes amis fêter la vie, et te reposes contre un mur en sortant une cigarette. Tout autour, la rue est vide. Le silence te donne soudainement froid. Tu as toujours l’impression qu’Exeter est humide, comme s’il coulait en elle quelque fleuve à l’existence inavouable, à mille lieues sous les pavés artificiellement polis. Tu t’abreuves à la bouche de ton amante brûlante et gardes les yeux baissés sur la route. Une voiture passe mais tu ne sursautes pas. Tu n’es plus vraiment là.

C’est à sa main contre ton torse que tu te redresses subitement, sans à-coups, mais surpris, l’instinct de survie pétrifié dans tes veines. Tes yeux ne font aucun détour et tombent, sans espoir d’en sortir, dans ceux de l’inconnu dont les phalanges cristallisent leur toucher sur ton pull. Ton corps est amorphe et réagit souplement à l’étreinte, sans résistance, mais ton regard vit pour vous deux. La nuit aurait aspiré l’azur de ces iris si les rayons du lampadaire ne les avaient pas ramenées à leurs prunelles. Pétrifié, tu immisces entre vous ta cigarette, incandescente et dangereuse, comme si une étincelle pouvait te protéger d’un buveur d’âme.

Tu es foutu.

Tu ne le repousses pas mais tu te débats avec ses paroles – le sens de ses paroles qui s’accroche à l’entrée de tes tympans sans vouloir y résonner complètement. Lorsque l’embout de coton quitte tes lèvres, tu retiens un instant la fumée, la recraches poliment sur le côté de son aura et tu répètes, inconscient : « Mon tarif ? » Il te faut quelques longues secondes pour comprendre, des secondes qui étendent leurs foulées et qui attirent ton attention sur la chaleur de cet homme. Tu le sens ravagé et enragé. Cette chaleur n’est pas celle de sa peau, mais de sa vie.

Et tu percutes.
Tu percutes enfin, et tu éclates d’un rire qui se morcelle en une trainée d’étoiles. D’un geste de la main, tu plaques tes doigts sur tes lèvres pour le cacher, ce rire, et tu continues de glousser en-dessous sans parvenir à l’éteindre, les yeux toujours a c c r o c h é s aux siens. « Oh non je, non je, je ne suis pas… » Ta gêne se mélange si bien à l’amusement qu’elle donne naissance à un charme touchant, presqu’aussi ivre que l’est l’inconnu, mais heureux et aérien. « Je ne suis pas, je ne fais pas… non, non… » Un peu de cendre tombe sur ton ongle ; tu la remarques et la piétines du bout de ta semelle, seule échappatoire à ces yeux qui te mordent la cornée.

Mais inéluctablement, ils te happent à nouveau et tu retombes dedans.

« Je fume juste une cigarette, dis-tu avec un sourire ravissant, mais j’ai… je peux appeler un ami, si vous voulez. » Tu n’as aucune idée de ce que tu racontes, ta pensée file entre tes lèvres et danse sur les larmes contenues de ton tortionnaire. Tu sais bien que Jacob fait la putain, parfois. Tu veux lorgner à l'intérieur du bar mais tu n’y arrives pas. Ton cœur bat fort. Tu n’as plus froid. « Je peux vous payer un verre d’eau avant ? » Tu entends à peine ces mots que tu ne contrôles pas. Les battements de ton palpitant furieux couvrent tes pensées ; tu es dans une bulle de savon qui s’envole haut dans le ciel, et tu peux voir ton corps que tu abandonnes à son ravisseur. Tu t'en vas vers ta planète, sans conscience.

On ne peut vraiment pas compter sur toi.
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MessageSujet: Re: les contours de la mélancolie. -- icare les contours de la mélancolie. -- icare EmptySam 20 Fév - 18:13


-- I sit here all alone. I am always alone. I don’t know who I am. I want to be something I can never be. I try so hard every day. But in the end, I hate myself for what I’ve become.

Morton est si laid.
Quand il respire la tristesse ivre comme ce soir, on lui donnerait une pièce juste pour le faire disparaître. Il ne donne pas envie qu'on le regarde afin d'attraper sa peine et la partager un peu. Rien de tout cela ne se passe quand on trébuche dans ses grands yeux tout aussi mornes et pathétiques que le reste.
Sa tristesse n'est pas celle de tous les hommes. La sienne lui appartient, elle est rare et solide, trop souvent colérique. Ceux qui essaient de la toucher, de l'apprivoiser un peu se rendent vite compte qu'elle mord et ne se laisse pas avoir par de tendres paroles.
C'est une tristesse vicieuse et pleine de vengeance qui désire des autres la même déchéance. Alors forcément, quand l'inconnu au regard transparent se met à rire, sa légèreté rend Trevor encore plus lourd.
Il se sent soudainement tout petit, réduit à un pauvre ivrogne même pas capable de faire la différence entre un gigolo et un fumeur. Tous se ressemblent. Quand il marche hors de son appartement, c'est comme s'il traversait une forêt de nuit. Ce ne sont que des formes, les autres, les humains, hommes et femmes, heureux ou triste.
Malheureux, comme Morton. Le mot ne peut pas être plus juste et approprié. Trevor possède un mal heureux, de ces souvenirs ternis par la mort de Solal. Le bonheur était là, il l'est toujours, couvert par l'ombre d'une mélancolie qui tient au corps.
Rien n'est de passage.
Pas même le deuil. Surtout pas le deuil.
Mais ce rire là, ce rire faisant trembler des lèvres couvertes de brume sont aussi éphémères que le sont les souvenirs. Le son que fait l'inconnu résonne en Morton. Son corps vibre un peu et son âme se demande ce qu'il se passe, se réveille enfin et remonte jusqu'à son cœur pour lui faire rater un  battement. Son pouls s'emballe, mélange de colère vive et de stupéfaction.
Comment peut-il rire ? Pourquoi ne pas s'énerver ? La colère est une prostituée, elle ouvre ses bras à qui le veut, ne pose pas de question, nous emporte loin dans la nuit.
Mais lui, cet être cosmique reste là et ne disparaît pas dans l'obscurité.
Il rit. Et la poigne de Trevor se calme un peu.
Tu ne vas tout de même pas lui en vouloir de savoir rire ?
Il pourrait presque voir passer par là une lumière semblable à celle de Solal et cette impression le vide de toute son énergie. Trevor a la sensation qu'on vient de lui enfoncer une énorme seringue dans le ventre et qui aspire tout de lui, même l'ébriété.

Il a pas le temps de se sentir con, même si ça n'a duré qu'un instant, une fraction de seconde, dans ce sourire, dans cette énergie, la trace de Solal lui redonne un semblant de vie. De force de vivre. Trevor se recule, conscient qu'il l'étouffe, que son corps gangréné par la solitude ne se remplira pas d'un simple contact volé. -- Tu préfèrerais pas plutôt marcher ? Si je rentre là-dedans, je vais tellement me saouler que je ne me souviendrais plus de toi. Ni de lui-même en réalité mais ça, il ne le dit pas, honteux de boire jusqu'à s'effacer. Nonchalant, Morton attrape la cigarette qu'il tient entre ses doigts, qu'elle soit presque terminée lui importe peu. C'est le contact différé de leurs lèvres qui l'intéresse. La lumière de l'inconnu reste accroché sur le mégot et quand il la pose contre ses lèvres, c'est comme s'il la savourait à son tour. A ce stade, le goût est dégueulasse mais l'alcool endort les saveurs.

Morton entame le pas, sa démarche est si lourde à côté de lui, si aérien. Son regard bleuté s'accroche au fantôme de cette nuit et même les ruelles d'Exeter ne semblent pas prendre conscience qu'ils sont là, tous les deux, ensemble.
Quand Trevor attaque un peu trop le filtre, ses poumons se crispent et lui décrochent une toux sèche qui manque de le faire vomir. Le brun le balance alors d'un geste brutal, teinté de cette déchéance gluante qui lui colle à la peau depuis de longs mois de souffrance. Il a à peine fait trois pas qu'il se retourne déjà. Il commence à comprendre : qui voudrait suivre un pauvre type comme lui ?
-- J'ai plus assez de réflexes pour t'enlever.
Et pourtant, quelque part, c'est ce qu'il essaie de faire : l'enlever à ce bar, à ses amis qui doivent l'attendre et se faire du soucis pour lui, gelé dehors dans son long manteau.
Ce pourrait être magique si ses yeux n'étaient pas gorgés de mille blessures.
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MessageSujet: Re: les contours de la mélancolie. -- icare les contours de la mélancolie. -- icare EmptyLun 8 Mar - 10:58

Ton corps vidé de ton âme et de ta raison continue à rire, par à-coups, en de brèves tentatives de retour à la vie, mais tu n’es plus vraiment là. Tu as pris congé de ton esprit. Il y a quelque chose dans ces yeux-là qui justifie son exil à ton cœur, et la décision a été prise si spontanément, si violemment, si inéluctablement, que le pauvre gardien n’a vraiment rien pu faire pour se retenir. Ton regard dévie ci et là. Tu regardes l’inconnu comme si tu observais son aura dans des buts formels d’acquisition. Il te fait un peu peur. D’ailleurs, tu as les mains moites. Tes doigts laissent filer la cigarette qu’il s’approprie, que tu lui donnes aussitôt et avec un tel naturel que vous semblez, lors de ce bref échange, être deux âmes sœurs depuis toujours réunies, en escapade, si fusionnelles que la communication, entre vous, n’est plus que télépathique, empathique, cosmique. Tu regardes l’inconnu boire l’âme que tu as laissée au bord de ton filtre. Tu souris. Quelques gouttes de toi et une lumière passe dans ses yeux, le maléfice s’ébranle un court instant, il flanche, il soupire, les flots s’ouvrent sur le passage de ce souffle qu’il t’a ôté, ton énergie traverse la mer de ses pensées qui tanguent, de ces débris de navires rejetés contre la côte et des cœurs noyés dans la bouche des abysses, tes lèvres dessinent un peu de joie.
Elle est ton bouclier contre lui.

Tu le suis instinctivement, comme un bon chien. Il entame votre course qui se passe au ralenti et dans un silence bleuté. Vous quittez la lumière du premier lampadaire, rentrez dans celle du suivant ; une tâche d’obscurité ; un peu de lumière, vous allez vers la suivante, et soudain tu t’arrêtes, sans bruit.

Il s’en va déjà. Immobile, frêle et transparent, quasiment inexistant, tu restes là à le regarder s’éloigner. Tu es si fragile parmi les murs qui t’entourent, si perméable au froid et à l’humidité, si maigre dans l’espace immensissime du vide que tu doutes à cet instant de ta propre existence. Tu n’es peut-être plus qu’un fantôme. Ce passant t’a confondu car son esprit est déjà mort, comme toi. Tu le fixes, il fait deux pas, trois pas, quatre pas. Un peu de tristesse vient alourdir ta poitrine. Cinq pas.

Il fait lentement volte-face. Tu as les mains dans tes poches et tu trembles à cause de l’air glacial qui te secoue, qui te passe par les os. Tu as l’air d’une biche inquiétée par les frémissements des feuilles séchées. Est-ce le dieu des gouffres qui se tapit dans l’ombre ? Toi, tu restes dans la lumière, elle te tombe sur le haut de la tête comme le font les douches des grandes scènes. Un jour un ange passera par-là et t’emportera enfin. Ce sera sa piste d’atterrissage.

Qu’il vienne…

« Mes amis. » dis-tu soudain, d’une voix faible. Tu claques des dents et souffles dans le vide comme s’il pouvait te réchauffer. Tu gardes les yeux rivés sur l’inconnu dont la couleur nébuleuse des iris a disparu dans la pénombre de l’endroit. Maintenant que tu ne les vois plus ta raison te revient, et tu doutes. « Je vais leur dire que je reviens. Attendez-moi ici, d’accord ? » Tu te retournes aussitôt, pressé par le froid, fais deux pas, quatre, te stoppes net, tords ton corps de pantin vers lui. « Je vais revenir. » Tu repasses par la curieuse zone d’ombre du dessous du pont, frissonnes en repensant à la présence qui te reste dans le dos, et trottines jusqu’au bar. Ton corps ne réagit pas à la chaleur qui se blottit contre toi. Tu ne veux pas d’elle de peur qu’elle te corrompe, te séduise assez pour ne plus aller te mêler aux affres de décembre. Tes amis t’acclament, grognent, te grondent. Tu les apaises de quelques gestes de la main. Une connaissance à toi t’as croisée dehors, elle va bien mal, elle est malade, tu vas aller faire un tour avec elle. Tu les aimes, ils t’aiment, tu es un si bon copain, le cœur sur la main. Mais ils te demandent de revenir, et tu leurs réponds que tu ne tarderas pas. « Cette connaissance, ne t’a-t-elle pas volé un bout de cœur ? » Nina te taquine, tu rougis, ils crient. Va donc, va donc ! Tu saisis le sac qu’ils te tendent et t’en vas en courant.

L’affolement te prend au moment de pousser la porte, ton cœur claque.

Qu’il ne soit pas parti.
Qu’il ne soit pas parti.

Ton cœur se noie sous des larmes avortées, tu cours vers le tout petit pont, les mains dans la poche ; dans ton sac, ta grande bouteille d’eau fait flac flac, flac flac. Clac clac dans ta poitrine. Il est là. Tu souffles. Le rejoins.

Souris.

Il est là, il est là.

« Regardez, j’ai même ce qu’il faut. » Tu es béat, légèrement essoufflé, lorsque tu fais glisser ton sac devant ton ventre. Zip, la fermeture éclair, zip, zip. Plask, plask, tu sors la grande bouteille en plastique à moitié entamée, et tu lui tends, ravi. « Un peu d’eau pour votre mal de tête de demain. » Il ne voit pas que ta main tremble.
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MessageSujet: Re: les contours de la mélancolie. -- icare les contours de la mélancolie. -- icare EmptyLun 8 Mar - 11:06


-- I sit here all alone. I am always alone. I don’t know who I am. I want to be something I can never be. I try so hard every day. But in the end, I hate myself for what I’ve become.

Il sort d'où ce sourire léger ? Comment fait-il pour le créer, le mettre en place … et juste trouver le courage de l'assumer. Ses sourires à lui sentent toujours le mépris et la colère.
Hors de ses gonds, Morton l'est depuis un an.
Un an, c'est long lorsqu'on le passe bourré de rancœurs.
Même son regard bleuté a changé, avant si doux et empathique, aujourd'hui figé dans le vide et sauvage. Quand Trevor te regarde, c'est comme s'il te désignait coupable de tous les maux du monde. Impossible de se dire qu'un jour ce visage était aussi lumineux que le sourire de cette étoile filante.
Cette étoile qui lui file entre les doigts comme si elle se rappelait tout à coup que la réalité existe et qu'on ne peut pas la laisser comme ça, sans réfléchir.
Trevor acquiesce. Il l'attendra, pas de soucis de ce côté là. Ce qu'il peut pas promettre, ce sont les ombres. Elles sont partout autour de lui. Vous savez, quand vous êtes tristes, nagent autour de vous des ombres et ces ombres là … quand on les laisse prendre le dessus, quand on en devient une à son tour, elles peuvent vous happer à tout moment. Alors Trevor reste planté là, le dos plaqué contre le mur humide de cette ruelle froide. Ses lèvres sont si rouges, attachées à un visage pâle et livide, comme ses rêves.
Il inspire, les battements de son cœur sont lents mais entêtant. Il déteste se savoir si vivant et mort à la mort. L'intérieur de son être n'est plus qu'un tas de cendres mais l'enveloppe subsiste. Elle se laisse faire, accepte les rayons de soleil, les coups du sort, les mauvaises nouvelles, toutes ces choses qui font que les autres comptent encore parfois sur lui. C'est son âme qui fait de la résistance et troque un peu pour ne pas prendre la moindre responsabilité. Attendre quelqu'un c'est déjà trop, elle se comporte comme un dealer qui négocie avec son client -allez on se casse, qu'elle murmure, tout bas. Le cœur de Trevor, cet allié de choix, accepte sans réfléchir mais quand il essaie de marcher, les jambes de Morton font du sur place.
C'est pas l'ivresse.
Non l'ivresse, elle porte des échasses et le fait grimper sur un fil tendu dans le vide. Elle le transforme en un funambule.
Ce qui le retient, c'est le sourire. Ce sourire dont il garde l'image incrusté dans sa mémoire même quand il n'est pas là.

Il se laisse dix minutes. Après ça il partira. Il a déjà connu des types de ce genre et tous trouvaient toujours une bonne excuse de s'éclipser en lui faisant croire qu'il reviendront. Quand il est saoul comme ça, personne n'ose lui dire que c'est pas possible, qu'il fait pitié alors on le fuit comme la peste. Et encore, la peste doit avoir plus la côte que lui.
Son regard s'échoue par terre alors qu'il regarde ses pieds comme s'ils étaient le centre de l'univers. Il se dit que c'est foutu … pourquoi t'attends Morton ? Son horloge interne et détraquée lui souffle 'encore cinq minutes'.
Et cinq minutes, il n'a pas besoin de les attendre puisqu'il revient. Trevor peine à y croire, pense à un mirage mais même en clignant des yeux, l'ange est toujours là.

Il attrape la bouteille en silence et l'ouvre pour en boire quelques gorgées. L'attention le fait se sentir bizarre. Morton a plus l'habitude qu'on prenne soin de lui. Si la solitude est confortable, elle n'est pas la plus tendre des petites amies. Un filet d'eau coule sur son menton et il l'essuie de la manche de son manteau. La nuit n'est pas belle, elle est hideuse. Il n'y a que ce sourire pour donner l'illusion qu'elle l'est.
Qui sait, peut-être ne fait-il que rêver et alors, tout se passera bien jusqu'à ce qu'il se réveille. Il ne risque rien. Rien du tout.
J'ai l'impression qu'on s'est déjà rencontré tous les deux dans une autre vie. Si ça se trouve, ils ont connu la guerre ensemble, la famine mais aussi quelques victoires et des échappées belles.
Quand j'ai croisé ton regard, c'est comme si un … un. Sa voix se coupe, les mains de Trevor font des signes, miment une énergie qui remonterait le long de son torse mais les mots peinent à trouver leur chemin jusqu'à sa bouche. Ouais c'est ça. L'homme se cause à lui-même avant de reprendre la parole. C'est étrange, dans son ivresse, de se sentir soudainement si vivant. Une seconde mort, et celle d'après retrouver son souffle. C'est comme si tu étais un vieux sentiment enfermé en moi, que je l'avais oublié et que tu revenais soudainement me hanter, c'est ça que je veux dire.
Puis il se met à rire, hystérie élégante de l'homme déchu.
Je crois que je suis en train de tomber fou.
Tout est si difficile à admettre dans ce monde, surtout les belles choses.
Quand il regarde l'inconnu sans lui demander son nom par peur d'effondrer le mythe, Morton se dit que même sans Solal, d'autres soleils existent. Tous ne se sont pas éteints en même temps que le sien.
Il se sent comme un astronaute perdu dans un nouveau système solaire.
Ici, tout tourne autour de cette silhouette maigrichonne et ensevelie dans un immense manteau.

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MessageSujet: Re: les contours de la mélancolie. -- icare les contours de la mélancolie. -- icare EmptyMer 10 Mar - 18:01

Tu le regardes boire au goulot de ton immense bouteille et ton sourire s’agrandit avec chaque gorgée avalée. L’inquiétude qui est arrivée avec toi – cette peur de voir l’objet de ta fascination disparaître – se dissipe avec les traces que laisse ton souffle dans l’air froid. Voilà, tu es rassuré. Rassuré de l’avoir vu boire, fait boire, l’élixir que tu confectionnais dans tes rêves depuis quelques très petits siècles, pour lui, depuis tout ce temps, Icare, chaque nuit aux fourneaux – et ce moment-là, ce soir, devant ce bar, sous l’œil absent d’une lune que tu devines, pour lui, pour l u i, ton sans-nom, qui ne veut pas y croire, à toi.

Tes yeux ne le quittent pas et ton sourire joue avec les limites critiques de la bienséance. Si cet être humain est normal, il se sentira gêné ou malade d’ici quelques secondes. Tu es une absurdité – nous l’entendons. Tu as compris au fil des années et des regards et des crachats et des coups que l’illusion ne tient pas, qu’elle s’évapore aussitôt que la situation demande un peu de raison, de sérieux, ou de réalisme. Cet homme est dans ton monde car il est bien ivre, il le veut. Tu lui apportes le remède pour le guérir de son mal et de toi comme tu le fais toujours, tu veux laver délicatement ses yeux ankylosés par les malheurs et panser son cœur un peu, et alors il pourra te rejeter d’un seul coup, sous la surprise, et s’enfuir ou te tuer, en te traitant de mascarade.

Il comprendra tôt ou tard que tu es une supercherie mais pour l’heure, vous êtes deux.

Tu souris.

Quand il parle tu sens sa voix te prendre par l’être et par le corps. Il t’empoigne comme on s’étreint pour la toute première fois, après des mois d’amour-silence, avec la peur et la crainte. Sa confession t’entoure par la poitrine, te ligote dans le dos et te réchauffe, tu ne peux pas y croire, tu sais qu’il est ivre et qu’il ment, il ment, mais tu souris, et ton cœur tout timide se redresse du fauteuil sale et rapiécé où il s’est enchaîné vieux et à la barbe grise, tout couvert de mousse de champignons et d’araignées, il se redresse et il tend l’oreille qu’il lui reste et il se sent frémir.

Frémir, invoqué, rappelé à la vie.

L’émotion tourbillonne en toi. Tes yeux, dans lesquels brille une adoration quasi-sacrée, s’échappent vers le sol pour trouver un soulagement à l’incrédulité, à la puissance du sentiment, à l’aberration de tes sens. Tu ne connais pas cet homme et pourtant, tu attendais ses mots depuis un tas d’années, Icare ! il est enfin venu celui qui t’a abandonné sans le savoir, dès la naissance, sans te connaître, sans même souhaiter ton existence, il est venu et il célèbre devant toi, par ses mots idylliques, l’harmonie retrouvée qui te manquait et te jetait au bord des routes. Tu es ridicule et tu le sais. Voilà pourquoi ton regard fuit, que ton souffle se saccade entre tes lèvres relevées encore, tu es un fou, un aliéné, un dément, et tu dois descendre sur terre.

Ton regard revient vers lui, lourd de ta peur, avec au fond de lui une émotion inquiète. Il se plonge dans le sien et il dit : moi aussi, moi aussi, mais tes lèvres ne remuent pas. Ton sourire s’agrandit dans le silence. Et tu recommences à rire, légèrement, un peu intimidé, et avec ton souffle s’échappe des éclats d’histoires que l’inconnu sème en toi, des bourgeons d’aventures, des mensonges, des poèmes, qui parlent pour toi. « Je n’ai jamais hanté personne. » dis-tu finalement – et ta voix fragile, aigue, abstraite, te revient en écho comme dans un rêve. « À bien des égards croyez que je n’en ai pas les moyens. » La bouteille d’eau en plastique disparaît dans ton sac, que tu largues sur ton épaule. Il est pratiquement vide, très léger, il ne te sert à rien. « Pour hanter quelque chose ou quelqu’un il faut avoir certaines qualités, je ne sais pas bien lesquelles, une force qu’ont les fées par exemple même si elles elles n’hantent pas parce que la plupart du temps elles jettent des sorts, ce qui si on y pense bien peut être aussi un moyen de hanter, mais enfin je ne suis pas une fée non plus. » Tu secoues la tête pour fermer cette parenthèse dans laquelle tu t’es avidement engouffré pour te perdre. « On est tous fous. Certains sont juste fous tous ensemble, c’est pour ça qu’on le remarque moins, mais on est tous fous. » Tu souris. « Je serai fou avec vous. » Tu es un diable, à le rabaisser ainsi à toi.

Tu ouvres une nouvelle marche et vous avancez d’un pas de balade, sans vous presser. Tu crois que c’est pour vous réchauffer mais c’est vraiment pour éloigner ton inconnu de ce bar et de la moindre distraction qui pourrait te l’enlever. Icare, tu as tes parures d’ange mais tu ne peux leurrer l’insecte terrible que tu es. « Alors, je suis quel genre de sentiment ? » C’est que ses paroles à lui continuent de tourner dans ton esprit. Si tu détournes assez son attention du vrai toi vers le toi qu’il s’imagine, tu auras peut-être une chance d’arriver au bout de cette rue.
Avec lui.

Au moins au bout de cette rue.
Avec lui.
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les contours de la mélancolie. -- icare
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