Sujet: Dont look back in anger (Vil) Mer 17 Mar - 21:18
Trois jours. Il aurait pu se passer une éternité ou une fraction de seconde. La durée de mes états d’âme ne sont pas prédictibles. Soixante-douze heures passées dans ce lit, fixant le plafond, dénué de toute volonté, pas même celle de mourir. J’attend rien.
Au bout de vingt-quatre heures, il y a des va et viens dans ma chambre, des râleries, des mots qui s’envolent dans le néant. Une piqure dans le pli du coude, ce flacon au-dessus de ma tête. Une occupation pour les prochaines heures : regarder les gouttes tomber.
Il y a des pas forcés, un soupçon de toilette à quatre mains, le regard vide. Déconnecté. Séjour aux urgences, pagaille, Vil en repos… Le résultat n’est jamais bon quand il n’est pas là. Ils saisissent la moindre opportunité pour me transformer en légume, déjà étiqueté cadavre à leurs yeux. Pas même animal, juste… Un déchet de l’humanité. Vil vient toujours à mon secours, me sortant de la déchèterie avant le broyage. J’ai perdu le compte du nombre de fois où il a été mon héros. L’injection reçu il y a quatre jours n’aide en rien à y voir plus clair, le choc à suffire pour me plonger dans cet état psychologique du laissé allé le plus total. L’abandon… Faire le mort tout simplement…
Cloué au lit, perfusion glucosée, troisième jour. Puis soudain en un battement de cil… Je reviens.
C’est un souffle douloureux que j’exhale avant de m’asseoir su bord du lit. Des images, des flashes me reviennent, j’ai envie d’hurler, de pleurer, mais je refuse… Je plante mes dents dans la chair de mon avant-bras, je mord à presque en sentir le gout du sang. Hémoglobine qui perle le long de mon bras après avoir arraché la perfusion, j’ai pris soin de remonter la molette afin d’éviter d’inonder le sol. Mes mouvements sont encore lents alors que mon esprit est déjà vif. J’explore ma chambre, comme pour en découvrir les dégâts, trouver des réponses à mon état, à la maigreur qui me marque. Trois jours… Mais avant ça ?
L’exploration se poursuit dans le salon, l’appartement si bien rangé, ça arrive quand je ne suis pas là, simplement hors service. Cet endroit pourrait être tellement paisible. Je m’éveille doucement, avale douloureusement une boisson chaude avant de me laver, chasser les odeurs, la sueur de ma perdition. Vil est absent, sans quoi il serait déjà venu prendre ma tension, alors je retourne dans ma chambre, je remue plusieurs toiles avant de ressortir le Graal. J’attrape mes ustensiles de peinture et m’installe dans le salon, la pièce la mieux éclairée naturellement. J’achève cette œuvre commencée il y a plus d’un mois, comme si je l’avait débuté il y a seulement quelques heures, mon idée ne s’est jamais volatilisée.
L’œuvre posée contre la télévision sur le meuble télé, après avoir tout rangé, rien ne laisse voir mon passage si ce n’est l’odeur des peintures. La fatigue a fini par me rattraper, j’ai somnolé, jusqu’à entendre le bruit caractéristique des clés de Vil dans la serrure. Je peine à émerger alors qu’il est déjà entré, j’ai tant de choses à lui dire…
Aucun mot ne me vient pourtant, je me suis levé. Si les premières mois de notre “vie commune” je me cachais dans un trou de souris lorsque je revenais enfin à un état “normal”, j’ai appris à ne pas avoir honte, du moins… Pas avec Vil. C’est tellement libérateur, ce droit d’exister tel que je suis, tout simplement. Ni pardon, ni merci et donc plus de crise d’angoisse après ces crises déjà oppressantes.
- J’ai besoin de ma weed.
Alors pourquoi je le prend dans mes bras pour le serrer contre moi comme si ma vie en dépendait ? Je ne crois pas que je pourrais davantage supporter cette vie s’il n’en faisait pas partie. À présent qu’il est là, je peux enfin cesser de focaliser mes pensées sur moi et ça me fait un bien fou. Je fini par le relâcher, me raclant la gorge un peu gêné.
- Je suis là…
Parce que je ne peux pas dire que je vais bien, en général quand j’affirme aller bien, c'est que j’ai déjà basculé dans la manie… Mon état normal est rongé de culpabilité, il a envie de faire des trucs normaux ou que j’aime et que la maladie m’empêche de faire. Je lui désigne le tableau d’un geste de la tête, des couleurs ensoleillées et vivifiantes, un demi-tour face aux portes des enfers représenté par un point noir central.
- J’attend que ça sèche… J’vais le porter à la voisine du dessus, je sais qu’elle t’a apporté à manger. J’ai reconnu l’odeur…
Il faut dire que la cuisine orientale n’est pas une chose que l’on fait habituellement ici. Cette femme ne me porte pas dans son cœur, mais elle a de l’affection pour Vil, ou de la pitié qu’en sais-je… Elle peut penser ce qu’elle veut de moi, je ne peux l’en blâmer, mais je lui suis reconnaissant que quelqu’un prenne aussi un peu soin de lui.
- Comme ça elle pourra peut-être se défouler dessus, quand j’casserais encore les couilles à tout l’monde…
J’ai tenté de lancer ça sur le ton de l’humour, mais ma voix s’est étranglée sur la fin, bloquant mon rire, me forçant à tourner le dos à mon colocataire et à me dirriger trop brusquement vers ma chambre. J’essaie de masquer à quel point je suis anéanti d’être ce que je suis, à quel point ça me détruit d’avoir conscience de ma pathologie. J’me cache, parce que j’aimerai simplement fuir ce que je ressens… J’assume pas d’être ce monstre.
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Sujet: Re: Dont look back in anger (Vil) Mer 24 Mar - 11:08
-Don’t look back in anger-
À chaque fois que je glisse la clé dans la serrure, je me demande ce qui m’attend derrière la porte. Ce que Coy’ a encore fait. Ou pas. J’ai toujours le cœur qui bat un peu plus vite, attendant de voir le voisin débouler comme une furie et m’inonder de menaces. Il excelle à ce petit jeu. Il faut dire qu’il a des atouts en main et les autres locataires/propriétaires sont avec lui. Je ne compte plus les lettres que je dissimule afin de ne pas rendre notre vie détestable. Celle de Coy’ en particulier, car c’est lui l’objet des rancœurs. L’objet du délit. Celui qui gêne et qu’ils veulent dégager. Je les ignore et tente d’arrondir les angles, mais je vois bien que leur patience s’amenuise et fond comme neige au soleil… la mienne aussi, envers eux.
J’inspire un grand coup. Rien à l’horizon, pourvu que ça dure.
Le déclic familier se fait entendre et j’accède enfin à ce monde de bonheur et de cris. De drames et de calme. De tout ce qui fait ma vie avec lui.
Comme à chaque fois que j’entre, je lâche un « C’est moi », comme s’il pouvait s’agir d’une autre personne… je crois que j’ai besoin de ce rituel, de cette phrase pour marquer mon territoire ou me sentir enfin chez moi. Moi.
Une odeur de peinture me chatouille immédiatement les narines et mon cerveau se remet en branle en imaginant toute une série de scénarios catastrophes, mais je ne vois rien sur les murs qui puisse laisser présager ça. Mon cœur, affolé, tente de reprendre un rythme normal mais, mes yeux ne peuvent s’empêcher de scruter le moindre recoin. Je me déteste de le soupçonner du pire mais, il faut avouer qu’avec ce que je vis, j’en ai le droit, même si cela ne m’excuse pas.
Il y a son étreinte. Chaleureuse. Rassurante. Je n’ose pas le serrer à mon tour de peur de ne plus jamais vouloir le relâcher. D’en demander encore plus. Je baisse simplement le visage pour sentir son odeur et celle de la peinture qui semble s’être collée à ses cheveux. Je souris. Heureux de le voir entier. Son esprit aussi clair qu’il peut l’être. Jamais je ne lui parle des soucis de voisinage. Jamais je ne lui parle des factures et autres contingences matérielles. Je fais en sorte que l’appartement soit un havre. Une bulle. Un sanctuaire.
En ce qui concerne sa demande, je hoche simplement la tête en signe d’assentiment, le tout accompagné d’un petit sourire. Je suis toujours épaté de voir la façon dont Coy’ agit ou réagit à la maison alors que, lorsqu’il est lâché dans la nature, il devient le pire camé de la ville. Cherchant à se détruire. À s’envoyer n’importe quoi dans les veines.
« Elle est dans ma chambre »
Je regarde le tableau qu’il me désigne et je l’observe un moment, ne sachant quoi en penser. L’art-thérapie selon Coyote. Pourquoi pas après tout, si cela lui fait du bien. Je ne sais pas ce que cela représente, cependant je ne peux m’empêcher de sourire à l’évocation de la voisine. J’imagine sa tête lorsqu’elle verra l’œuvre. Je ne doute pas une seconde qu’elle s’en servira de cible. Moi, c’est ce que je ferai. Cette femme est un ange. Elle m’apporte de quoi manger et je vois bien à sa tête, qu’elle me plaint. Elle, comme tant d’autres sûrement. D’un ton amusé, je ne peux m’empêcher de rajouter
« Tu devrais en faire pour tout l’immeuble »
Si seulement cela pouvait les calmer… mais je n’ai pas le temps d’approfondir mes pensées, Coy’ réagit soudain et je le vois se diriger vers sa chambre. Je pense forcément que je l’ai blessé en tournant sa peinture en dérision et m’en veux de ne pas avoir eu de tact. En deux enjambées je suis sur lui et mes bras se referment sur son torse frêle.
« Hé, je ne voulais pas te blesser pour ta peinture »
Mon visage se perd dans sa chevelure et mon cœur a repris son rythme effréné.
« Ils savent tous que parfois tu dérapes. C’est humain et je pense qu’ils te pardonnent tes accès de… suractivité dues à ta maladie »
Je ferme les paupières une fraction de seconde avec ce besoin de ne plus voir le monde qui m'entoure et le fait pivoter. Je n’ai pas évoqué son séjour à l’hôpital. Le taire ne le fera pas disparaître de nos mémoires. Certes, ce n’était ni le premier et ce ne sera sûrement pas le dernier.
« Je suis désolé de ne pas t’avoir fait sortir immédiatement »
Tout en parlant je secoue la tête de droite à gauche, accablé par toutes ces situations que je tente de gérer au mieux. Je crains qu’un jour, je ne puisse plus intervenir. Me porter garant du bon état de marche de sa cervelle grillée par les drogues. Ils savent bien qu’il est incontrôlable et font semblant de me croire capable de contenir sa folie. Je les remercie pour ça. Jusqu’à maintenant, ils me font confiance même si je sens parfois leur pitié s’accrocher à mon dos, me recouvrir tel un manteau, mais je m’en fous, tant que je peux intervenir auprès de Coy’. Sur sa fiche de renseignement, mon nom figure dans « personne à prévenir » sauf que parfois, dans l’urgence, ça merde et il se retrouve enfermé.
« Je fais de mon mieux, mais parfois, je ne me sens pas à la hauteur. Je sais que jamais ne je remplacerai ta famille, et c’est normal. J’aimerai, si c’est possible, que tu arrêtes de te détruire en te disant que je suis là, que je tiens à toi… que je suis ton ami... Je serai toujours là pour toi. Tu es ma famille. »
Mes mains ont glissé sur les siennes. J’aimerais lui cracher qu’il se détruit à cause d’elle, mais qu’elle est morte depuis longtemps et qu’elle ne reviendra pas alors que moi, je suis là. Toujours là, à ses côtés pour affronter les problèmes et le soutenir dans cette épreuve qui me semble bien trop longue. Infinie. Je préfère revenir à notre quotidien en disant
« En attendant que ton œuvre d’art sèche, est-ce que cela te ferait plaisir que je te prépare ton joint ? »