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upon the edge of no escape feat. Lucrecia


all monsters are human. :: 'til her daddy takes the t-bird away. :: archive des rp.
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MessageSujet: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyLun 1 Mar - 18:03












upon the edge of no escape


Le bar est du genre miteux, le type d'établissement qu'on n'avait pas trouvé utile de rénover depuis les années quatre-vingt-dix, et qui abritait toutes les carcasses des habitués du coin, les piliers de comptoir et les esprits désœuvrés. Des meubles en bois, des tables dispersées et nettoyées à la va-vite, le temps y semble comme figé et morose, seulement agité par le bruit en arrière plan d'un match de football quelconque, diffusé sur un écran au fond de la salle.
Il avait poussé la porte sans grande conviction, plus par nécessité de passer le temps que par réelle envie de boire la bière tout juste commandée – et encore moins pour faire la conversation. Mais le taulier n'avait pas mis longtemps à s'en charger, certainement bien trop heureux de voir la tranquillité de son bar troublée par la présence de ce client solitaire. C'était un type à la gueule marquée par l'âge, le cheveu gris et épais, les yeux curieusement enfoncés dans leurs orbites. Mais sa barbe lui donnait un air presque sympathique, ou alors peut-être le ton bourru de sa voix, propre aux propriétaires qui avaient vu passer trop de présences étranges au cours des années pour encore s'en formaliser.

J'vous ai jamais vu par ici, Il remarque, en glissant machinalement un vieux torchon contre un verre tout juste rincé.
J'suis pas du coin, Réplique Max en prenant une gorgée du liquide ambré.
Qu'est c'qui vous amène à Southampton ?

Il y avait bien une époque où les conversations de comptoir l'amusaient. Lorsque vous fréquentiez les bars autant qu'il le faisait il y a quelques années, les small-talks étaient presque d'usage, ils faisaient partie d'une vaste mise en scène entre clients et proprios, certainement pour vous faire sentir comme à la maison, et faire de ces établissements des cachettes, des endroits sûrs où se réfugier après les journées merdiques. Désormais, il se désintéressait vite de répondre, ou finissait au mieux par tolérer ces échanges vains avec une lassitude à peine masquée. Max Gunn n'avait certainement jamais été un homme à la compagnie facile, mais si une chose était certaine, c'était que le caractère vaguement acariâtre de sa personnalité ne s'était pas arrangé avec l'âge. Sans paraitre irrité pour autant, il paraissait le plus souvent endurer les bavardages inutiles avec un ennui paisible, une sorte de distance taciturne peu avenante pour ceux qui l'entouraient. À vrai dire, il se fichait pas mal de froisser les autres par son manque d'intérêt, et c'était bien la chose qu'on avait pu voir changer chez lui, qu'il aurait certainement fallu attribuer au poids des années. Il appelait ça l'apathie de la quarantaine.
Machinalement, le bleu de son regard se fixe une seconde sur le visage du barman, avant de se déporter sur l'écran de télévision, un peu plus loin.

Je suis chauffeur, Finit-il par répondre. J'ai quelqu'un à récupérer à l'église St-Mary.
Ah, St-Mary, Ricane l'autre, Le berceau des grenouilles de bénitier...

Max ne relève pas, faussement absorbé par les images du match qui dansent sur l'écran lumineux. Le taulier aimerait certainement l'entendre dire que son client est religieux jusqu'à la moelle, une façon d'amener sur le tapis quelques convictions athéistes mâchées et rabâchées pendant des années. Les barmans adoraient donner leur avis sur tout et n'importe quoi, même lorsque vous ne paraissiez pas intéressés. Mais encore une fois, ça faisait partie du jeu, du contrat tacite lorsque vous entriez dans un bar : vous acceptiez d'être le réceptacle d'opinions embrouillées sur tous les sujets, sur le réchauffement climatique, Boris Johnson, les seins de Mariah Carey, sur la religion et la fortune de Bill Gates, et tant pis si vous n'étiez là que pour boire une mousse en toute tranquillité. Vous n'aviez qu'à picoler à la maison, après tout.

Et vous, vous êtes croyant ? Renchérit-il, visiblement décidé à ne pas laisser le silence entre eux s'étirer.

La fin du verre glisse contre son palet, et Max extirpe un billet de la poche de son blouson pour le déposer sur le comptoir. Et alors que son regard croise finalement celui de l'homme, les épaules se haussent.

De temps en temps.

C'était sa façon de mettre fin aux conversations ; les réponses courtes et vaguement ambigües, les monosyllabes appuyés avec aplomb pour démontrer qu'il était inutile de poursuivre. De toute manière, il n'avait plus le temps ; il devait être à St-Mary dans une dizaine de minutes, afin d'être certain de ne pas manquer celle qui justifiait un si long trajet depuis Exeter.
Lucrecia Sterling était la gamine du patriarche du même nom, un ami de Bertolt Ziegfield, lequel l'engageait déjà depuis quelques temps pour des livraisons et commissions diverses. Et ce qu'il y avait de confortable, avec les grandes familles comme ces deux-là, c'était que leurs représentants ne rechignaient jamais à mettre le prix pour vous engager. Le fric, c'était un truc abstrait pour eux, une suite de zéros plus ou moins longue sur un bout de papelard, ou à la rigueur le poids d'une mallette de billets ; le fric n'était pas une quantité, mais une possibilité. La possibilité d'obtenir ce qu'ils voulaient, la possibilité d'inscrire six chiffres sur un chèque juste parce qu'ils l'avaient décidé, c'était ça et seulement ça : le luxe vulgaire de la désinvolture.
L'avantage de Max, c'était que les puissants, il les avait côtoyé de près pendant ces dix dernières années. Il savait comment ils pensaient, comment ils agissaient, et il savait exactement quoi leur dire pour rentrer dans leurs petits papiers. Ces mecs-là cherchaient des hommes discrets, prêts à fermer leur gueule et à oublier leur morale pour quelques billets. Ce qu'il était, précisément.

Le patriarche avait été du genre concis, en lui indiquant ce qu'il attendait de lui : dans les grandes lignes, il cherchait une nourrice pour sa gamine. Une nourrice qui sache se servir d'un flingue, comprenez. Mais sur la môme en question, il n'avait obtenu que son nom, ainsi qu'une vague description – yeux bleus, cheveux blonds. Il devait se contenter d'aller la chercher à son récital de violon. Alors forcément, Max s'imaginait avoir affaire à une fillette, le genre de princesse à peine sortie du berceau qui lui casserait certainement les oreilles à propos d'histoires futiles à souhait. De toute façon, tant qu'il était payé, il s'en foutait.
Il n'a pas compris tout de suite qu'il s'agissait d'elle.
Le dos appuyé contre la portière de son pick-up, le regard bleu guettait la porte massive de l'église pour en voir s'échapper une gamine seule, type un mètre trente, robe à fleurs ou bien qu'importe. Sauf que c'est une silhouette de quarante centimètres de plus qui se plante devant lui, et qui le dévisage avec insistance, jusqu'à ce qu'il se décide à piger. La môme Sterling doit en réalité avoir une petite vingtaine d'années, et s'il ne s'était pas trompé pour les airs de Lady ou de princesse-à-papa, la comparaison s'arrête là. Pour le reste, c'est un fantasme de peintre. Le genre de visage blanc qu'on imagine aisément dans les royautés, des traits presqu'anachroniques, le genre de beauté poudrée, doucement acidulée, tout juste sortie de l'adolescence.
Devant le rose de ces joues, impossible de ne pas ressentir avec aigreur sa propre obsolescence.

Lucrecia, c'est ça, hein ?

Sa cigarette grésille entre ses lèvres, et machinalement, son regard s'arrache à sa rapide observation de la mioche pour jeter un coup d'oeil à sa montre. La curiosité n'était que passagère, jumelée à l'étonnement fugace de ne pas se retrouver face à l'enfant qu'on lui avait décrit – pour ce que ça pouvait bien lui faire. Il semble d'ailleurs que son attention se soit déjà dissipée, et qu'il n'en reste plus que le désintérêt à peine masqué qu'il accordait, de coutume, à la plupart des gens.

Ton père m'a engagé pour être ton chauffeur, ton garde du corps, ta nourrice, appelle ça comme tu veux, Fait-il avec un vague haussement d'épaules.

D'un geste, il balance le mégot dans le caniveau, et ouvre la portière du pick-up en désignant le côté passager d'un vague mouvement de menton à l'intention de la jeune femme.

Monte, fillette. On a au moins deux heures de route, et j'aimerais bien être rentré avant la nuit.



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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyMar 2 Mar - 0:46

max&lucrecia / mars 2021
confusion in her eyes that says it all, she's lost control, and she's clinging to the nearest passer-by, she's lost control. and she gave away the secrets of her past and said, i've lost control again, and a voice that told her when and where to act, she said, i've lost control again.(@joy division)

Elle joue Bach aussi aisément qu’elle exhale. Ses doigts minuscules viennent caresser les cordes qu’elle taquine, la pulpe du pouce légèrement rougie par la besogne d’une heure ou deux, ravissante et pourtant si harassante. C’est pourtant avec une facilité déconcertante qu’elle s’anime, les yeux chastement baissés, les paupières inexplicablement tranquilles, à peine mouvantes, mi-closes, dont n’est perceptible qu’une longue frange de cils à peine maquillés. Bientôt, c’est l’épaule qui la fait souffrir mais pourtant jamais vaciller. Aux yeux du monde, elle est parfaite, et rien ne semble jamais pouvoir la troubler. C’est un ange tout juste échappé d’un ciel trop bleu où elle finira par de nouveau disparaître, sans doute juste après avoir joué. Et les murmures se font pourtant dans l’assemblée. Qu’elle est jolie, la tendre petite dernière, la petite nymphe ravissante des Sterling adorés. Ils ignorent, les bougres, la passion qui s’anime sous les yeux placides du poupon virtuose. À dix-neuf ans, elle vit comme à quatorze. Elle réfute le moindre désir de liberté au prix d’une affabilité perpétuelle. Elle s’endort dans des draps trop blancs et s’éveille à l’aube pour aller observer l’aube orangée. Elle se laisse brosser les cheveux au réveil et au coucher, se fait humblement déguiser comme une poupée qu’on voudrait habiller à sa guise. Elle est sage, si sage. Douce et sage, calme et sage, presque trop sage. Dans les effluves désuètes d’une adolescence qu’on refuse de lui abandonner tout à fait, elle poignarde soigneusement l’âge adulte et crée ses propres plaies. Tout réside dans les apparences, et peu importe les faits. Car lorsque les maux sont cachés, rien ne transparait. Et si seule la caresse point, sous l’aisance manifeste du concerto qu’elle joue, sans la moindre fausseté, alors peu importe bien sûr, toutes les coupures laissées par l’archer.
Elle se plie brutalement alors que la dernière note se suspend encore dans l’atmosphère, bientôt chassée par un tonnerre d’applaudissements de toute part, soigneusement maîtrisés eux aussi, peut-être plus encore que le concerto tout juste joué, ils sont toujours plutôt calmement amorcés. Les deux mains ne s’écrasent pas simplement l’une contre l’autre, ce genre de public échappe soigneusement au trivial d’une claque trop brusquement composée. Ce sont plutôt les deux paumes qui se frôlent, harmonieusement encouragées. Les louanges mêmes sont dans une retenue presque agaçante, toujours frustrante. C’est à ce monde acidulé qu’elle appartient, qu’elle comparaît. Après une autre courbette pour remercier cette foule endiablée, elle se redresse enfin, accepte bien la bénédiction du prêtre qui s’approche pour la couvrir de mots tendres et de consécration à son don céleste. Elle écoute bien quelques remerciements des autres invités et quelques commentaires admiratifs, mais soupire intérieurement en ne rêvant que de rentrer. Tous les ans depuis qu’elle est en âge de tenir un violon, elle vient participer à cet hommage à Bach dans une église paumée. Il lui arrive parfois, même à son échelle, de comprendre les revendications d’un Hyacinthe enragé. « Merci beaucoup, vraiment. Je dois rentrer, j’ai malheureusement quelques heures de route pour rejoindre Exeter. Mais je transmettrai vos hommages à Père, il sera ravi. » Comme toujours, écouter les mêmes odes aux parents adorés. Évidement que son père est extraordinaire, évidement que la dynastie l’est. A-t-elle seulement la moindre existence en dehors d’un nom écrit en lettres dorées ? Elle sourit, tendrement pourtant, leur adresse un de ces regards dont elle a le secret avant de s’éclipser. C’est ainsi qu’ils se souviendront tous d’elle, de la ravissante petite violoniste au sourire de fée.

C’est toujours aussi sagement qu’elle rejoint le perron de l’église, mains jointes, parcourant la rue déserte des yeux. Tout naturellement, c’est un regard plus brun qu’elle croise, des yeux fascinants de froideur et de dureté. Presque naturellement, elle s’approche, descend quelques marches, s'avance timidement vers l’inconnu, vers le titan d’acier. Son père l’avait prévenu d’un nouveau garde du corps, d’un nouveau molosse. Cela ne l’a pas vraiment surprise, depuis toute petite, elle n’est jamais vraiment seule. Le père Sterling redouble toujours de prudence dès qu’il s’agit de la petite dernière. Avec tous les protecteurs qu’il a pu engager pour pallier à sa propre absence, Lucrecia ne risquera jamais qu’on ne serait-ce que frôle une mèche de ses cheveux blonds. « Vous pouvez tenter Lucya, c'est moins formel. » Qu’elle lance tout doucement dans le petit sourire tendre qu’elle lui affiche, même à cet inconnu à peine rencontré. Elle suit le regard de l’ainé et monte docilement à la place qu’il lui désigne, lisse soigneusement sa robe avant de s’installer. De toute sa vie, elle n’a sans doute jamais ouvert une portière de son propre fait. Elle le suit toujours du regard alors qu’il fait le tour pour rejoindre la place conducteur, curieuse, spectatrice très absorbée par cette nouvelle figure du quotidien qui s’impose dans ses habitudes trop carrées. « Vous ne m’avez pas dit votre nom… » Qu’elle fait après un petit silence, alors que la voiture s’est mise en route, sans un regard un seul du chauffeur taciturne. Ces personnalités si renfermées, c’est peut-être au fond ce qui la fascine le plus. « Je veux bien essayer de deviner, si vous le permettez. » Qu’elle lance en haussant un peu les épaules, serrant contre elle l’étui de son violon qu’elle a volontairement gardé sur ses genoux, comme pour le protéger, presque par réflexe. « Vous avez un accent bien britannique. Mais vous n’êtes pas très loquace, alors difficile de vérifier. » Ajoute-t-elle dans un petit pincement de lèvre, ses doigts caressant un peu l'étui, comme pour se rassurer. « Je mise tout sur un James ou un William, pour ne pas trop m’y risquer. » Et puis elle baisse les yeux, toujours chaste, toujours indécise. Elle songe à l’instant que son bavardage l’ennuie peut-être. Elle lui lance un regard bleuté, détourne les yeux avant qu’il ait le temps de laisser leurs pupilles se croiser. « Enfin. Le but n’est pas de vous embêter. Je peux écouter de la musique, si vous préférez. » Poupée tendre, poupée trop bien élevée. C’est spécifiquement une femme qu’elle avait demandé à son père pour s’occuper d’elle, pourtant.
(c) mars+kawaiinekoj
@Max Gunn upon the edge of no escape feat. Lucrecia 2453064100
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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyMar 2 Mar - 12:16








upon the edge of no escape


Silhouette de popeline rosée, parfaite dans son rôle d'angelot au maintien princier, elle n'est rien qu'une démarche volubile lorsqu'elle grimpe dans le pick-up, comme si elle avait tout simplement oublié de se laisser concerner par les lois de la gravité. D'un coup d'œil machinal vers sa gauche, il vérifie que la gamine n'oublie pas d'enclencher sa ceinture de sécurité, et c'est sans plus de palabres qu'il allume le moteur de la voiture pour démarrer. Au dessus d'eux, le bleu du ciel s'est affadi, et sur l'horizon semblent déjà apparaitre quelques lueurs plus chaudes, indiquant le déclin d'une journée prête à se terminer. Cette vision le satisfait : il a toujours préféré conduire à cette heure-ci de la journée, lorsque le temps du trajet prenait une valeur tangible, et se lisait dans les couleurs qui le surplombait.
Max ne pose pas de questions à la môme assise à ses côtés. Il n'est pas payé pour ça, et d'éventuels efforts de conversation ne font pas partie de son contrat. De toute façon, il est à peu près certain qu'elle s'en chargerait bien assez tôt ; les filles de son âge éprouvaient toujours une sorte d'effarement nerveux face au silence, comme s'il avait été le signe funeste de leur incapacité à saisir tout à fait ceux qui s'y abîmaient à leurs côtés. Il ne s'en formalisait pas vraiment, mais admettons : plus le moment en question serait retardé, mieux il s'en porterait. Et sans doute ne s'était-il pas trompé, car à peine avaient-ils quitté la ville et rejoint l'autoroute que sa voix fluette résonnait dans l'habitacle du véhicule. Une question de convenance, rien qu'une douce curiosité bordée de politesse à peine cachée – elle lui demande son nom. Juste ça, sans vraiment le regarder, les doigts tapotant sur l'étui de son instrument chéri. Et peut-être lui aurait-il répondu si elle lui avait laissé le temps d'en placer une ; mais la fillette veut jouer, elle veut tâcher de deviner par on-ne-sait quelle déduction farfelue quel patronyme sa mère pouvait bien lui avoir un jour donné, comme si celui-ci avait été miraculeusement inscrit dans chacun des traits de son visage émacié, dans sa posture, ou sa manière de parler. Ce qu'elle veut, ce n'est pas vraiment jouer les Madame Irma du dimanche, mais plutôt passer le temps confortablement. Montrer patte blanche. Alors il la laisse babiller, l'appeler James, William, qu'importe. En vérité, son esprit s'est décroché de sa voix papillonnante pour se mettre à vagabonder en d'autres lieux, d'autres temps ; car le temps d'une seconde, il s'est dit qu'elle lui faisait penser à Dana, la soeur cadette de Vivian. Les deux jeunes filles ne se ressemblaient en rien physiquement, mais il se rappelle de la première comme de l'archétype terrible de tout ce qu'une petite nana de bonne famille se devait d'être ; brillante et bien élevée, parfois un peu terreur avec sa sœur, mais certainement incapable de la moindre erreur. Une poupée élevée pour être exactement tout ce qu'elle devait être, au cœur d'un cadre construit et inculqué pour toujours demeurer celui de la perfection, de la réussite, sans place pour les débordements. Le trop et le pas assez n'avaient pas leur place dans l'image qu'elles érigeaient d'elles-même, et c'était quelque chose de fragrant, chez elles. Chez Vivian aussi, quand on y pensait.
Mais alors que ses pensées vagabondaient, il a senti que le regard de la môme s'était posé sur lui, vaguement gêné, ou incertain, comme en attente d'une réponse à sa dernière question. Qu'avait-elle dit, déjà ? Ah oui, la musique. Il s'est rendu compte qu'il n'avait pas décroché un seul mot depuis qu'ils avaient démarré, et que la chose commençait peut-être à devenir vaguement impolie. Après tout, le but n'était pas que la gamine se plaigne à son père de son manque de loquacité, et réclame une autre nounou pour la balader. Il avait besoin de ce job, plus qu'il ne chérissait sa propre tranquillité pendant qu'il conduisait.
Alors, le voilà qui se racle vaguement la gorge, et que sa main libre farfouille dans un amas de vieux CDs laissés en désordre dans le vide-poches au milieu de l'espace entre eux. Puis il abandonne, et les désigne d'un geste vague à l'attention de la jeune fille.

T'as qu'à trouver quelque chose là-dedans, Fait-il alors en reportant les yeux sur la route grisâtre. Même si j'doute qu'il y ait quoi que ce soit qui puisse te plaire.

Et alors qu'elle s'exécute, il s'autorise un nouveau coup d'oeil sur la tête blonde qui se penche, qui examine les jaquettes avec soin. Elle ne trouverait certainement aucun titre de musique classique là-dedans ; la plupart des CDs en question dataient d'il y a plus de quinze ans, des virées bruyantes en bagnole avec Nox, à beugler les paroles inintelligibles de leurs groupes préférés alors qu'ils fonçaient, ivres dans la nuit.

Max.

Il a cessé de la regarder, mais la voix a résonné de nouveau entre eux, sur le ton de la banalité. Et elle a relevé le menton vers lui, presque curieuse, étrangement silencieuse.

Je m'appelle Max, Il reprend, comme s'il avait eu besoin d'expliciter ce prénom lâché hors contexte, bien trop en retard vis-à-vis de la question posée.

Et il lui semble apercevoir du coin de l'oeil un semblant de sourire fleurir sur le visage à ses côtés. Gloire de pureté. Il repense à Dana, et il se dit qu'après tout, il pouvait bien faire l'effort d'être agréable avec elle ; s'ils devaient être amenés à partager l'habitacle de cette voiture à plusieurs reprises, autant tâcher de ne pas faire subir à la môme son caractère de merde. Il paraissait qu'il pouvait parfois être de bonne compagnie : mais pour être honnête, ça faisait des années qu'il n'avait pas essayé, et sans doute était-il vaguement rouillé.

Tu faisais un concert de violon là-bas, c'est ça ? Fait-il alors sans quitter la route des yeux, tâchant de débroussailler sa voix des ronces d'amertume qui l'envahissaient trop souvent.



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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyMar 2 Mar - 22:59

max&lucrecia / mars 2021
confusion in her eyes that says it all, she's lost control, and she's clinging to the nearest passer-by, she's lost control. and she gave away the secrets of her past and said, i've lost control again, and a voice that told her when and where to act, she said, i've lost control again.(@joy division)

Il semble que l’instrument à cordes se change en instrument à vent, à mesure qu’elle crispe ses mains sur l’étui du compagnon d’une vie et qu’elle souffle un peu, sans quitter son nouvel agent des yeux. Après tout, la fonction va bien plus loin encore que le simple rôle de conducteur. Le chauffeur, c’est une invitation à un protectorat bien musclé, le genre de garde du corps implicitement engagé, le style de type qui n’hésite pas à tirer. Depuis l’enfance, la douce Lucrecia en a bien vu défiler. Du russe muet qui trafiquait on ne sait quoi dans le fond de son coffre, au petit britannique trop bien élevé qui n’osait accélérer pour ne pas l’effrayer. Entres les diverses compétitions et son besoin absolu de prendre le large, elle les a peut-être plus fréquenté que ses parents eux-mêmes, les éternels absents, les bons payeurs mal vivants, jamais vraiment là quand il le faudrait mais pas assez distraits pour se défaire complètement de leur carcan. L’enfant, déjà trop grande pour être couvée, navigue du moins entre une enfance immunisée de tout et une maturité désavouée ; comme une fleur embarrassée par son parfum, une rose forcée à dissimuler ses pétales, s’efforçant de revenir au bourgeon à peine effeuillé.

C’est pourtant des bourgeons entiers qu’elle sent éclore, tandis que son regard d’opale distingue le corps émacié de l’inconnu auquel elle est bien obligée de se frotter. C’est bien une femme pourtant, qu’elle avait demandé, une femme qu’elle avait longuement réclamé. Une femme pour tout éviter, une femme pour mettre le corps à la retraite. Même quitte à sacrifier encore un peu son âme de poupée, se donner en pâture à bien des admirations sur son corps de fée, forcer une nouvelle relation mère-fille tout à fait déplacée, peu importe au fond, il fallait taire, il fallait s’oublier. Et le silence s’installe, plus fort et plus robuste encore qu’à l’accoutumée. Elle n’en perçoit pas même l’intensité, parce que ses yeux semblent trop occuper à l’observer, à se balader timidement pour ne pas dire honteusement ses pupilles le long de sa bouche pincée. Difficile de ne pas être fascinée par ce mutisme complètement assumé, ces mains maigres mais immenses qui suffiraient à la broyer, cette attitude de grand ours mal léché, griffes aux poings et poings fermés. Elle qui avait grandi parmi les plus grands orateurs du pays, dans les bras fuyants mais toujours si chauds d’un père capable de mettre le peuple entier à ses pieds, il lui était bien compliqué que de ne pas s’attarder sur ces figures de l’ombre, ces seigneurs de n’importe qui, ces grands muets fanatique de l’abime. Et la dichotomie est telle qu’il se désintéresse déjà, le bougre, de la môme bien futile, à mille lieu de ce qu’il est. Qui sait bien ce qu’une enfant peut penser ? Qui est vraiment le plus candide des deux, sur cette autoroute de damnés ?

La voilà qui baisse encore chastement les yeux, maudit silencieusement le père trop inquiet pour respecter sa volonté. Mais elle n’a pas le temps de penser d’avantage que ses genoux réceptionnent une collection entière de CDs, Lentement, ses doigts fins parcourent un peu chaque boitier, admirant leurs couleurs toutes plus sombres les unes que les autres, exactement l’image qu’elle se faisait des goûts du mystérieux chauffeur. Elle reconnaît à peine les diverses lettres gravées derrière le plastique transparent, reste pourtant de longues minutes à les observer un par un, comme étrangement captivée. Comme si elle cherchait à percer le mystère de ces noms sans sens ni même la moindre prononciation qu’elle serait capable d’écorcher. « Je ne sais trop… Lequel est votre préféré ? » Et de nouveau, le ciel de ses lucarnes qui cherche un peu les siennes, dans la nuit noire de cette voiture immense, en vain.

Elle va pour ajouter quelque chose lorsque le nom résonne enfin, ce qui semble être dernier mystère à élucider, pourtant prêt à en soulever mille autres, à étendre un peu plus l’énigme sans fin du taciturne Maximilian. « Je suppose que je n’aurais pas pu deviner, alors. Sans regret. » Affirme-t-elle avec un de ces sourires en demi-lune, s’étirant d’une fossette à l’autre, reliant ses deux joues roses. Max a des répliques aussi succinctes que sa dénomination. Nul besoin de fioriture avec une telle posture. L’espace d’un instant, Lucya envierait presque les manières d’un homme qui peut s’en débarrasser, s’interroge quelques secondes sur la valeur de sa personnalité sans le sourire radieux qu’on attend si naturellement d'elle. Aurait-elle le moindre impact, de son coté ? Elle réalise, tout en observant toujours les CDs, qu’elle ne sait rien faire de plus de ses mains que ce qu’on lui a toujours assigné. Est-ce pour cela, qu’il semble si facile pour Max que de détourner les yeux ? « Oui. Je joue chaque année à St-Mary pour annoncer le début du carême. » Quelques grognement de son ventre s’éveillent alors que sa bouche se referme. Par respect pour les fidèles, elle s’était bien gardée de manger. Ce respect, toujours prédominant, la dévorant tout à fait. C’était folie de constater à quel point elle pouvait avoir du respect pour tout sauf pour elle-même. Elle ne prend pas le risque de s’excuser, comptant peut-être sur l’infime possibilité qu’il n’ait pas entendu ce témoignage supplémentaire de toute sa fragilité. Elle, si pâle, si frêle, et en plus affamée ? « Je n’ose pas vous faire l’affront de vous demander comme s’est passé l’entretien avec Père… Mais je peux peut-être vous demander ce qui vous pousse à jouer les chauffeurs pour une fillette qui serait bien en âge de passer son permis ? » Qu’elle ne peut s’empêcher de demander, alors qu’elle finit enfin par ouvrir le boitier du CD qu’il a désigné depuis un moment déjà, que ses doigts viennent naturellement saisir le disque argenté. C’est l’arc en ciel formé sur la rainure par les rayons du soleil qui semble attirer son attention quelques instants, avant qu’elle ne vienne finalement pousser le butin au fin fond du lecteur radio, dans un geste d’une lenteur immense, comme perpétuant toujours un peu sa grâce. Geste de danseuse ou mauvaises habitudes liées à l’étiquette, elle semble prisonnière d’une immense bulle de conventions ou de clichés.
(c) mars+kawaiinekoj
@Max Gunn upon the edge of no escape feat. Lucrecia 2453064100
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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyMer 3 Mar - 0:31








upon the edge of no escape


 Tendre brebis blanche, aux prunelles claires et détachées de la réalité. Elle s'étend là à ses côtés, dans toute sa splendide innocence, attrape la candeur avec ferveur pour s'en faire une parure. Pas de place pour l'imposture. Depuis combien de temps n'avait-il pas été confronté à une âme si pure ? Il a beau réfléchir, il ne sait plus ; car il a toujours fréquenté l'infréquentable, en commençant par lui-même, et il en a fait son quotidien, sa propre banalité. À force de nager dans la crasse, on finit presque par la trouver belle, vous savez ? Et par là, je ne parle pas exclusivement des bas-fonds d'Exeter, ceux qui avaient peuplé sa jeunesse ; tous les requins de la finance, les mordus de fric, les carnassiers du monde des assurances, eux aussi avaient l'âme noircie par l'abject de leur condition, par les sévices qu'ils infligeaient sans jamais sourciller à ceux qui avaient commis le péché ultime d'être sans le sou. Depuis combien de temps n'avait-il pas croisé le chemin des esprits clairs, encore épargnés par la désillusion ? Certainement trop de temps pour ne pas s'en trouver vaguement troublé, pour oublier d'en être agacé. Il repense aux paroles du barman croisé un peu plus tôt, à son allusion aux familles strictement religieuses qui foulaient le sol de St-Mary, et il se dit qu'il ne s'était peut-être pas trompé ; quelle adolescente aurait accepté de ravir les oreilles de tous les représentants du troisième âge, seulement par dévotion ? Dans son monde à lui, rien n'était gratuit, rien n'était désintéressé. Après tout, l'époque plébiscitait la brutalité.

Dans l'habitacle de la voiture, un faible grognement résonne alors, trahison corporelle d'un ventre qu'on avait oublié de nourrir. Et sans étonnement, il constate que la gamine a l'air si décidée à ne pas déranger, ne pas froisser, ne pas gêner, qu'elle n'ose même pas manifester sa propre faim. Elle pourrait, pourtant ; après tout, il était celui qui se devait d'obéir sans discuter, pas elle. Et s'il aurait presque eu l'âge d'être son paternel, la hiérarchie qui les incombait était comme renversée : il n'était pas le donneur d'ordre, ni même en position d'objecter quant à la moindre de ses demandes. Mais c'était comme si en taisant ses propres besoins, elle rejetait elle-même ce rôle qu'on lui avait assigné de force. Pas si princesse, Lucrecia refuse et transgresse. Certainement avec grâce, admettons. Il note cependant qu'il leur faudra s'arrêter à la prochaine pancarte indiquant un lieu de restauration sur la route, s'il ne voulait pas rendre la mioche en hypoglycémie à son paternel.
Ça aurait fait mauvais genre.
Et comme pour éclipser le sujet d'un revers de main, la voilà qui l'interroge de nouveau, cette fois sur ses motivations à accepter une telle commission. La question manque de lui arracher un sourire ; et finalement, les lèvres de l'homme ne résistent pas à la tentation de se courber pour former une virgule à leur propre commissure. Fugace, certainement, mais c'est déjà quelque chose. Et si l'expression n'a rien de moqueur, elle se teint cependant de cynisme ; car l'interrogation n'aurait pu être soulevée que par quelqu'un qui, à l'évidence, ignorait tout des réalités du monde. Sans doute élevée dans la soie et l'aisance, pour qui l'argent ne possède qu'une valeur de convenance. Il ne lui en voulait pas pour ça, pourtant ; fût un temps où il peinait à pardonner aux puissants de ce monde leur aveuglement, leur ignorance. Mais il avait été obligé de comprendre à quel point il était facile de ne pas voir ce que l'œil peinait lui-même à supporter. Chacun créait les illusions qui l'agréait, et réfuter cette réalité était à la fois stupide, et très peu réaliste. Elles n'étaient seulement pas les mêmes pour tout le monde.
Sur le volant, ses longs doigts tapotent vaguement, alors que résonnent les premières notes de l'album de Joy Division. Disorder. Voilà qui était de convenance.

Au risque de froisser ta vision du monde, Finit-il enfin par lâcher, ce n'est ni par passion, ni par vocation. J'ai besoin de fric, et ton père paie très bien. Il n'y a aucun mystère, là-dedans.

Durant un instant, il se demande s'il n'a pas été, malgré lui, un brin condescendant. Ne nous méprenons pas : Max Gunn n'était pas du genre à se troubler à l'idée de froisser les autres. Il ne l'avait jamais été. Mais il s'était promis d'essayer d'être vaguement agréable. Alors, il ne peut s'empêcher de jeter un coup d'oeil à la jeune femme pour en jauger l'expression ; mais cette dernière semble curieusement paisible, peut-être un brin renfrognée – mais difficile de distinguer le trouble de la timidité. La gamine fixe la route devant elle, et l'horizon zébré de lueurs balaye son visage de traces orangées. L'image est belle, du genre de celles qu'on aurait sans doute aimer capturer : celle d'une enfant à l'oeil encore grand ouvert sur les bizarreries du monde, tout autant absorbée par la vanité d'un soleil qui se couche que par les paroles amères d'un homme farouche.

« Lights are flashing, cars are crashing, getting frequent now,
I've got the spirit, lose the feeling, let it out somehow... 
»

La voix s'affadit au son de l'autoradio, se dissout dans le silence qu'ils partagent. Sur la droite, une pancarte aux couleurs fades annonce la présence d'un restaurant routier à quelques miles, et de nouveau, Max jette un regard succinct à la jeune Sterling, assise à ses côtés.

Tu as faim, je suppose ? On peut s'arrêter ici, on a le temps, Propose t-il laconiquement.

La voiture s'engage alors dans un coude, au bout duquel se distingue un bâtiment bas au milieu d'un petit parking. Dans la demi-obscurité, les larges fenêtres de ce dinner de fortune se détachent, éclairées par les néons roses et bleu qui illuminaient l'intérieur avec une exubérance presque désuète ; pourtant, cette fausse joie colorée semble presque triste lorsqu'on constate la solitude du lieu en question, déserté de toute âme qui vive. Pour qui ces lumières brillaient-elles avec tant d'enthousiasme ?
Le pick-up s'arrête, et lorsque le moteur est coupé, c'est la voix du chanteur de Joy Division qui se trouve brusquement avortée. Sans un mot, voilà que l'homme s'extirpe du véhicule, sortant presqu'immédiatement une cigarette de la poche de son blouson pour la coincer entre ses lèvres. Sale habitude. Comme un rituel, pour célébrer sa propre désuétude.

Tu n'as qu'à entrer, et choisir quelque chose qui te fait envie. Je te rejoins.


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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyMer 3 Mar - 16:00

max&lucrecia / mars 2021
confusion in her eyes that says it all, she's lost control, and she's clinging to the nearest passer-by, she's lost control. and she gave away the secrets of her past and said, i've lost control again, and a voice that told her when and where to act, she said, i've lost control again.(@joy division)

Le contraste est presque risible, entre ce petit jour et toute cette grande nuit. Le corps immense du chauffeur s’étend du toit de la voiture jusqu’aux pédales bien cachées, c’est presque s’il doit tordre son dos maigre pour tout à fait s’installer, là où elle peine un peu à toucher le sol, de ses jambes fines semblant abrégées. Le binôme a des allures d’oxymore alors qu’elle tient entre ses mains quelques vestiges du passé, curiosité immense pour ces témoignages surannés d’une époque où la demoiselle n’avait peut-être même pas encore vu le jour. Nostalgique par nature ou peut-être par affect, elle observe les CDs comme des reliques un peu désuètes dont on viendrait de lui affirmer la valeur de mille perles. Si ce sont bien les Sterling qui embauchent, sa jeunesse la force à une certaine médiocrité. D’autant plus qu’elle n’a rien vu, rien vécu, la petite blonde si joliment parée. C’est une innocente dans ce monde, sans impression ni empirisme, condamnée à errer en attendant de s’user un peu, de forger sa propre identité. Elle dépend finalement autant de lui qu’il peut dépendre d’elle, dans cette remise à l’autre tout à fait justifiée, dans cette admiration pour le plus âgé, pour ce qu’il a vécu, pour ce qu’il a pu s’enseigner. Que faisait-il, lui, à vingt ans ? Quand écoutait-il ces chansons qui semblent avoir été longuement pratiquées, jusqu'à en rayer le CD ? Vingt ans s’étendent encore entre la pâleur de ses petits doigts enserrant son écrin et ceux immenses qui maintiennent le volant. Vingt années s’étirent entre la caboche bien coiffée de l’enfant trop sage et celle de l’adulte, résigné. Et s’il y avait bien des choses qu’elle savait, des choses qu’elles ne devrait pas savoir, des choses qui méritaient d’être cachées, elle avait pourtant tout à apprendre de cette figure d’ombre et de déboire, ayant pratiqué des choses qu’elles même, ne pouvait imaginer.
Du moins, en apparence.

« Pardonnez-moi. » Toujours, s’excuser. Même formule, même défaite. Témoignage d’une incapacité à s’affirmer ou tout simplement de son incapacité à oser. Trente ans plus tard, peut-être que c’est auprès d’elle qu’on cherchera à s’excuser. L’ingénue pour l’instant, pourtant, de contente de sans cesse se dérober à la pensée terrifiante de déranger. Il faut dire que soudainement, sa question lui paraît bien stupide. Évidement que le grand dadais ne fait pas ça par goût ni par passion subite pour le violon. Il faut bien manger, survivre dans ce monde d’affamé. Cette idée la ramène honteusement à son propre privilège. Jamais, de sa vie, elle n’aura à travailler. Si sa condition de la ballerine épuisait son corps tout autant que ses sens, il fallait dire qu’elle n’avait jamais connu que le confort de pouvoir s’y vouer. Elle avait travaillé dur, certes, mais si elle avait simplement échoué, elle aurait sans doute pu simplement se vouer à autre chose, romancer une toute nouvelle passion, se dévouer confortablement aux arts ou à n’importe quelle autre bizarrerie propre aux petits derniers d’une fratrie. C’était bien quelque chose qui la différenciait de ses frères et soeurs. Elle n’avait jamais ressenti de pression à réussir, de besoin d’absolument se dépasser. Aux yeux du père, du titan si exigeant, elle avait toujours été aimée, quoiqu’il puisse arriver. Elle n’avait jamais vécu l’humiliation de la déception paternelle, de l’image si familière pour son jumeau du dos tourné. Tout cela n’était que des situations bien abstraites pour la petite préférée, toujours adorée, quoiqu’elle invente, quoiqu’elle promette. Alors le besoin de s’excuser s’impose comme une évidence. Ces problèmes de petite fille riche, après tout, quels poids avaient-il sur les épaules d’un monde bien malmené ? De toute sa vie, la petite blonde n’avait jamais eu à fréquenter la moindre misère et c’était pourtant elle qui allait volontairement la chercher. « J’aurais bien dû me douter que vous ne faisiez pas ça par plaisir. » L’honnêteté presque tranchante du brun a quelque chose qui lui plaît. Loin de la choquer, elle la rassure, l’apaise presque. Dans le paysage aseptisé qu’elle fréquente depuis dix-neuf ans, la moindre preuve de réalité, même sous forme de plaie, a quelque chose de séduisant.

I've been waiting for a guide to come and take me by the hand
Could these sensations make me feel the pleasures of a normal man ?


La musique habille l’habitacle, berceau chancelant dans lequel pourtant elle se plairait presque. Elle se concentre, sans s’en rendre compte, sur la voix sépulcrale de Ian Curtis, dont elle n’a honteusement jamais entendu les mots jusqu’ici. Mais son ventre la trahit et elle ne relève ses yeux songeurs que pour apercevoir le restaurant sur le bas coté. Loin de se formaliser du lieu proposé, elle hoche plutôt la tête et s’extraie délicatement de la voiture pour rejoindre le lieu, serrant son violon contre elle en oubliant de le laisser sur le siège passager. Son père l’a trop longtemps incité à ne jamais laisser seul son Stradivarius, plus encore, il n’est pas tant un instrument qu’un être à part entière qu’on ne peut si lâchement abandonner. Elle prend les devants, entrant dans le relais routier. Une telle blondeur ingénue attire évidement tous les regards, elle y est si habituée qu’elle n’y fait même plus tant attention, se fraye un chemin parmi la majorité d’hommes se trouvant là, sans leur lancer le moindre regard. Son esprit est encore trop troublé. Elle chancelle légèrement lorsque la serveuse lui demande ce qu’elle désire, se raclant un peu la gorge en bégayant un peu. Pourtant, lorsqu’on lui annonce la somme, elle grimace, soudainement ramenée à sa propre inutilité. Lucya vit hors du monde, elle n’a pas la moindre pièce sur elle, ni même sa carte d’identité. Elle va pour ouvrir la bouche lorsque la longue main de Max se pose sur son épaule, lui arrachant un immense frisson qui la transperce des pieds jusqu’à la tête. Et avant qu’elle n’ait le soin de s’exclamer quoique ce soit, l’autre tend un billet à la caissière avant de lui donner à elle le sandwich qu’elle a commandé. « Merci… » Murmure-t-elle en l’attrapant délicatement, mordant dedans presque immédiatement dans une sorte de gloutonnerie qui lui échappe à cet instant, un écart dans sa délicatesse immense. Elle suit l’homme qui à l’âge d’être son père un peu à l’écart, toujours sous le regard ébahi des gens tout autour. Est-ce qu’ils sont eux aussi, conscient de toute l’antithèse d’un tel binôme ? « Vous ne prenez rien ? » Il empeste la cigarette, elle le sent. Il fait partie de ces mêmes personnes qui fument plus qu’il ne consomment, avalent de ces grandes bouffées de fumée grise en guise de quatre heures. Presque naturellement, sans même lui demander son avis, elle vient séparer son sandwich déjà bien trop gros pour le moineau qu’elle est, en deux et lui tendre la part à laquelle elle n’a pas touché. Avant qu’il ne refuse, elle ordonne pourtant, avec un ton étonnement dictatorial digne du père : « Mangez, ça vous fera du bien. » Mais elle agrémente le tout d’un sourire d’une telle douceur, qu’on la reconnaît bien, elle.
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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyJeu 4 Mar - 9:50








upon the edge of no escape


 La fumée de la cigarette s'évapore dans le ciel cramoisi, forme des volutes grises qui se mélangent aux nuages orangés. Il en suit le trajet d'un oeil distrait et absent, profitant des vapeurs âcres qui s'engouffrent dans ses poumons en même temps que l'air rafraichi. Plusieurs années plus tôt, il n'avait pas tant besoin de ces instants de solitude complète, il n'en faisait pas une forme d'oxygène à part entière ; mais il avait appris à les apprécier, jusqu'à en faire une pleine nécessité. Peut-être était-ce le genre d'habitude qui incombait au poids des années : ces instants de contemplation et de pause, durant lesquels on prenait soin d'observer le temps détaler, et sa propre impuissance face à cette fatalité. Ou alors peut-être la chose lui appartenait-elle seulement – il n'aurait pas su le dire.
De toute façon, il savait qu'il ne pourrait pas laisser la gamine longtemps seule, car son rôle unique était de la ramener en un seul morceau à son père ; et la chose impliquait d'éviter de la lâcher d'une semelle, de toujours veiller à garder un oeil sur elle. Quelque part, elle avait eu raison en soulevant plus tôt l'idée que personne n'aurait jamais dû trouver passionnant le fait de jouer les nourrices avec une môme de sa trempe. Mais pour les types dans son genre, la résignation n'avait le plus souvent rien à faire de la passion.
Le mégot est jeté à la va-vite dans une bouche d'égout, et sa silhouette longiligne se dirige vers la porte vitrée du drive-in, qu'il pousse d'une pression de coude. Au comptoir, une Lucrecia embêtée se tient face à la serveuse, et il devine bien vite la nature de son embarras : comment, il fallait donc payer ? Mais il n'est même pas d'humeur à s'en étonner. Il se contente d'exercer une pression sur l'épaule frêle de la môme pour manifester sa présence – laquelle manque presque de sursauter – et de glisser un billet sur le comptoir afin de régler le sandwich commandé. Puis, les voilà qui longent les rangées de tables colorées, pour finalement s'installer de part et d'autre de l'une d'entre elles, sur les banquettes matelassées illuminées par les néons. Face à lui, le visage de la gamine est balayé de rose et de bleu, teintes criardes qui contrastent violemment avec la douce candeur de ses traits, des yeux qu'elle pose sur elle lorsqu'elle s'étonne de ne le voir rien avaler. Et avec une forme d'autorité surprenante, la voilà qui partage son en-cas sans demander son avis pour lui en tendre une partie ; ah, la voilà, la princesse Sterling, la digne héritière de celui qui dirigeait les peuples à la baguette. Elle veut le voir manger, et si l'ordre est certainement motivé par la bienveillance, l'idée de l'obligation est là. Peut-être présente dans ses gènes – allez savoir. Et si un esprit séditieux comme celui de Max aurait certainement trouvé plus approprié de refuser par principes, il s'est rendu compte au moment où elle lui tendait le morceau de sandwich qu'il n'avait certainement rien avalé depuis le matin, et qu'il crevait de faim. Alors sans un mot, il se saisit de sa part, pour le contentement de la jeune fille dont le sourire s'étire lentement. Ce geste de générosité impérieuse a quelque chose d'attendrissant, venant d'elle, car il est évident qu'il est dénué de calcul ou de machination, d'une simplicité absurde.
Une nouvelle fois, le regard de Max se perd dans la semi-pénombre dispensée par l'une des fenêtres, alors que ses dents attaquent le sandwich sans réelle conviction. Et il se dit qu'il devrait certainement dire quelque chose pour avorter le silence qui s'étire de nouveau entre eux ; mais il se sent si éloigné de tout ce que représente sa jeune passagère qu'il n'est pas certain de savoir ce que l'on est sensé raconter à une gamine de son âge.

J'suppose que tu fais des études, ou un truc dans ce goût-là ? Hasarde t-il en lui jetant un vague coup d'œil.

Il est conscient du caractère ridicule de sa question. Et c'est précisément la raison pour laquelle de coutume, il préférait se taire. Chacun s'épargne de concourir à des disciplines auxquelles il est médiocre ; lui, c'était les small-talk, les discussions légères pour passer le temps. Mais de toute façon, la jeune Sterling a à peine le temps de répondre qu'un peu plus loin au dessus de son épaule, proche du comptoir de vente, les deux bandes de types présentes dans le drive-in commencent à s'agiter et à donner de la voix. Et si leurs propos restent globalement inintelligibles, il ne faut qu'un regard à Max pour comprendre de quoi il s'agit – pour la bonne raison que durant de longues années, il avait été précisément à leur place. Il avait été l'abruti ivre d'insouciance, la grande gueule au caractère de chien, capable de démarrer une baston avec tous ceux qui le regardaient de travers, juste parce qu'il n'aurait pas apprécié la couleur de leurs yeux. Ces gars-là ne cherchaient rien, si ce n'est une finalité absurde dans la turbulence ; à l'image des enfants qui se félicitaient de créer des remous dans l'eau du bain en agitant les pieds, ils se congratulaient de cette existence bruyante, la recherchaient crocs déployés et poings levés. Il n'aurait pas pu leur en vouloir, cependant. Il est du droit de chacun d'essayer, piteusement, de se rendre vivant.
Cependant, il était certainement une meilleure idée de ne pas trainer dans les parages ; il ne craignait pas la possibilité d'une altercation, mais l'idée l'ennuyait – et il n'avait pas spécialement l'envie de perdre du temps. Au dessus de l'épaule de Lucrecia, son regard croise de loin, celui d'un des types, puis s'y arrache pour trouver l'œil bleu et clément de la jeune fille. Machinalement, il avale le dernier morceau de pain qu'il restait de son sandwich, et redresse sa silhouette au dessus de la banquette.

Vaut mieux y aller.

Comprenant certainement la source de l'injonction, elle hoche la tête, l'imite. Plus loin, c'est la pauvre serveuse qui s'est mise à donner de la voix pour tenter de calmer les esprits échauffés – sans grand succès. Ils doivent être cinq ou six, des jeunes types de vingt-cinq piges, tout au plus. L'œil agité, la posture nerveuse, Max pourrait presque visualiser l'afflux de sang qui secoue leurs jointures lorsqu'ils agrippent le tissu de leurs blousons respectifs, bousculés par l'adrénaline. Et sans doute auraient-ils pu progresser sans histoire jusqu'à la porte, s'il n'avait pas fait l'erreur de croiser le regard de l'un d'entre eux. Il ne sait pas ce que l'autre a trouvé à y lire, mais ce qui est certain, c'est que ça ne lui a pas plu. Sans doute aurait-il aimé y trouver la même nervosité qui l'agitait lui-même, ou le respect qu'ils réclamaient toujours à qui voulait bien l'entendre ; et Max, il savait que le caractère apathique de son regard pouvait passer pour une forme de désintérêt tel qu'il devenait, pour eux, le pire des irrespect. Alors ça n'a pas loupé.

Eh, t'as un problème mon pote ? A lancé le gars en question — un genre de grand type au corps fébrile et à l'accent lourd de Bristol.

Et merde.
Une vague de lassitude a déferlé sur son esprit, alors que la silhouette de l'autre les contournait pour se placer entre le duo et la porte. Sur son visage, les tics nerveux qu'on apprend à exécuter lorsque l'on cherche à être menaçant, du genre, à la page numéro quarante-six du manuel des petites frappes sans cervelle. Max en savait quelque chose : si ce bouquin avait existé, il aurait pu l'écrire.

J'aime pas bien la façon dont tu m'regardes, tu vois ? Poursuit-il en s'approchant de plusieurs pas,  le regard obstinément fixé au sien, la posture tendue, comme à l'affut.

Pourtant, Max ne bouge pas d'un cil. Parfaitement stoïque. Une part de lui voudrait rire, ou tout du moins sourire, parce qu'il a envie de lui dire : been there, done that. Mais l'idée n'est pas bonne – du moins, pas avec une gamine dans les pattes.

Elle est mignonne ta copine, mais t'crois pas qu'elle est pas un peu jeune pour toi, mon gars ? Raille t-il, le ton s'élevant face à son manque de réaction. T'veux pas qu'on s'en occupe plutôt ?

Il ponctue sa réplique d'un rire acide et forcé, bientôt imité par plusieurs de ses camarades, qui avaient visiblement oublié l'idée de se chercher des poux entre eux – trouvant leur altercation à eux bien plus distrayante. Sauf que Max, lui, ne s'amusait pas tout à fait. En fait, il commençait sérieusement à perdre patience – et de nombreuses mâchoires cassées à Exeter auraient pu attester que la chose n'était jamais une très bonne idée. Le regard imperturbable, toujours fixé à celui que s'évertuait à lui présenter le type, il a exhalé lentement, et jeté un coup d'oeil las à la porte au dessus de son épaule.

J'te propose de t'écarter, et d'éviter de passer pour un con une seconde de plus, Finit-il par lâcher platement en reposant lentement les yeux sur lui.

Mais l'autre s'esclaffe, il fait même l'erreur d'exercer un pas de plus vers lui, juste comme ça, juste pour voir, et. Mauvaise idée. Parce que d'un geste brusque, Max a déjà saisi son poignet pour exercer une vive torsion, et bloquer l'autre côté du poing en question contre sa paume. De surprise, l'autre a lâché une exclamation de douleur, et chacun des autres types ont avancé vers eux d'un pas.

Une pression de plus, et je te brise les métacarpes.

Là, ils sont proches, trop proches. Peut-être qu'à cette distance, il est enfin en mesure de distinguer ce truc dans le regard de Max, ce truc qu'il n'avait pas réussi à saisir jusqu'à présent ; au creux du désintérêt et de l'apathie, cousue à l'ennui, une lueur vive et brutale. Celle-là, il ne l'avait jamais vraiment perdue. Et sans doute que lorsque vous étiez assez proches pour la remarquer, c'est vous qui l'étiez.
Perdus, je veux dire.

Tu crois que perdre une main pour montrer à tes copains que t’es celui qui pisse le plus loin est une bonne idée ? Fait-il un peu plus bas, presque sur le ton de la confidence. Je te conseille de réfléchir, « mon pote ».



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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyJeu 4 Mar - 20:57

max&lucrecia / mars 2021
confusion in her eyes that says it all, she's lost control, and she's clinging to the nearest passer-by, she's lost control. and she gave away the secrets of her past and said, i've lost control again, and a voice that told her when and where to act, she said, i've lost control again.(@joy division)

Elle se retrouve au milieu des routiers comme une brebis au milieu d’une meute de loups. Impassible pourtant, la voilà sous tous leurs regards hagards, alors qu’elle bat lentement des cils, absorbée par la vitrine typique d’encas anglais, tous plus étranges les uns que les autres, dignes de toute la fantaisie britannique, prête à mêler de la gélatine avec de la soupe. Les pans de sa robe aux couleurs pastels cachent soigneusement ses cuisses, ne dévoilant que ses jambes de biche, immaculées. C’est presque trop facile, de voiler le fessier souillé de bleus, l’intérieur des cuisses soigneusement lacérées de cicatrices anciennes, remontant à bien des années, fuselées au cutter comme on peint un tableau. Au rouge jaillissant, au noir des nuits sans lunes, au gris des larmes incomprises, se substitue le blanc, le blanc faussement intact, le blanc pur, inaltéré. À sa réflexion, sa solitude, les affres de la vie du plus commun, la main étonnement chaude de Max met fin. Elle sursaute, presque naturellement, se retourne pour lui faire face, avec cet air perdu de la brebis sanctifiée. De l’animal appelant à l’aide, de l’enfant retournant dans les bras du père. Mais Max s’est déjà détourné. La main a déjà filé, et son épaule, vide de tout contact, semble la démanger. Voilà pourquoi il fallait une femme, pourquoi elle l’avait si vivement demandé. Tout en observant le brun payer, elle demeure figée, muette, le coeur battant jusqu’au fin fond de sa minuscule carcasse : qui est vraiment le loup, dans cette ronde de carnassiers ?

Il finit par céder lorsqu’elle ordonne insidieusement. Au fond, c’est bien elle qui a le pouvoir, même si elle répugne à l’utiliser. D’abord parce que ce n’est pas dans sa nature, que ce n’est pa ce qu’elle est. Le tyran ne colle pas avec sa mine de poupée de cire tout juste déballée. On imaginerait pas une telle crevette avec le menton fièrement redressé. Ce serait jurer avec son image de douceur que d’oser sommer : il ne faudrait pas risquer de tordre la délicate petite bouche rose. « Je devrais oui. Mais je suis ballerine à l’opéra d’Exeter. Je danse. » Elle se sent obligée de préciser, comme s’il ne pouvait comprendre, comme s’il fallait se justifier. Elle danse pour vivre, comme un petit ballotin de fils. Elle tourne, c’est pour ça qu’elle est payée. C’est pour la grâce de ses petits chaussons qu’elle est saluée. Les gens s’arrachent les places les plus près de la scène, admirent les petits pas croisés de pieds traumatisés. Ils se mettent à rêver face aux gestes semblant si aisés, sans imaginer une seule seconde tous les sacrifices que demande le moindre pas chassé. Sportive, elle l’a toujours été, affairée à de multiples activités qu’elle partageait avec ses frères, le plus souvent occupée à les regarder se charrier, c’était l’arbitre par défaut. Oui, elle danse, la petite brebis égarée. C’est un poncif de petite fille riche. Presque une provocation au monde de la réalité. Délicatement, elle termine la moitié de son sandwich sans en laisser une miette.

Mais bientôt les loups plutôt cabots se mettent à aboyer. Et leurs cris frisent les couinements insensés. Enfin, elle relève un peu les yeux, daignant jeter un regard à la meute un peu plus loin. Lorsqu’elle croise le regard de l’un d’eux, adressant aux autres on ne sait quel commentaire qu’elle n’oserait imaginer, elle baisse chastement les yeux, se contente d’acquiescer vivement à l’injonctive du plus âgé. Elle se lève aussi vite que lui, se met à le suivre, presse un peu le pas en atteignant la porte donnant sur le parking qui lui semble presque rassurant. Elle sursaute, la voix de l’étranger suffisant à lui glacer le sang. Naturellement, elle se recule un peu, se met en retrait. Puis elle regrette, un peu perdue, revient vers Max dans une tentative un peu fâcheuse de se laisser protéger. Le commentaire sur leur différence d’âge ne manque évidement pas. Elle inspire pour toute réponse. Presque sans s’en rendre compte, elle sent ses yeux bleus s’assombrir, ses dents se serrer. Mais avant qu’elle ait eu le temps de dire quoique ce soit, le belliqueux a déjà frappé. Du moins, tenté. Car Max le réceptionne, avec une facilité déconcertante. C’est presque si elle entend le poignet de l’individu craquer alors que son protecteur le maintient avec force, le domine d’un simple geste, s’impose en chef de meute, en loup dominant. Lucrecia ne bouge pas. Interdite, elle demeure, toujours polie, toujours pacifiste. Comment est-ce que la moindre passion pourrait bien traverser son corps de douceur ? C’est en respectant tout son rôle qu’elle hésite, puis vient lentement glisser sa main minuscule sur le bras en retrait de son ainé. « Max… Allons-y, je vous en prie. » Murmure-t-elle lentement, de sa voix cristalline sans le moindre défaut. Cette fois, c’est elle qui croise le regard du type juste en face, plonge ses pupilles jusqu’au fond des siennes. Et ses opales océanes viennent capturer celles sans couleur du bandit d’un jour, le mettent à terre. Qui sait vraiment ce qu’il y a vu ? Mais entre son bras mortifié et la profondeur abyssales des yeux de la poupée, l’autre lâche, se recule, grimace. Il n’en faut pas plus à Lucya pour tirer un peu plus sur le bras de son protecteur, l’attirer vers la porte en se pressant de l’ouvrir. Pour disparaître aussi vite qu’ils sont arrivés.

Assez rapidement, ils retrouvent la voiture et son habitacle presque trop intimiste. Lentement, elle inspire, passant sagement la ceinture tout autour de lui, évitant soigneusement le regard du conducteur qui finit lui aussi par venir la rejoindre. Pas un mot, plus un, pas même ceux de Joy Division pour venir un peu la rassurer. Elle reste parfaitement silencieuse sur tout ce qu’elle a senti, tout ce qu’elle a pu imaginer. Océan de mystère ou joie du dissimulé, peu importe dans les faits. Voilà que l’autre se remet en route, la voiture se remet à la bercer. « Vous avez une arme, sur vous ? » Finit-elle par demander, subitement, au bout de quelques kilomètres passés dans le plus grand silence. Elle ne le regarde pas pourtant, la tempe simplement contre le carreau. Elle a quelque chose d’ailleurs. À la lumière se soustrait la froideur du goudron, tout autour d’eux, filant à toute allure, qui donne à ses cheveux presque blancs des teintes de gris. « Père n’engage jamais par hasard, après tout. » Elle n'attend même pas vraiment de réponse. Elle sait. Elle n’est pas idiote. Mais si elle était enlevée, en somme, elle n’est même pas certaine que ça n’éveillerait pas en elle l’excitation insupportable qu’elle peine à cacher, dans le souffle lourd qui colle si mal à ses lèvres rosées.
(c) mars+kawaiinekoj
@Max Gunn upon the edge of no escape feat. Lucrecia 2453064100
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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyVen 5 Mar - 11:30








upon the edge of no escape


 Regardez-les qui se lorgnent, loups affamés, l'attaquant et l'attaqué – quel était désormais le rôle de chacun ? Car la situation semblait s'être renversée avec une simplicité absurde, aussi aisément que d'un claquement de doigts, et toute assurance avait désormais déserté le regard du petit caïd, plus tellement certain que grogner en premier lieu avait été une bonne idée. Car les instincts ont de ces mystères que l'on peine parfois à élucider, ils demeurent sibyllins pour la plupart, vastes énigmes aux directions et aux sources inconnues. Sous leur commandement, les hommes changeaient de visage, tordaient leurs identités pourtant si marquées, si fermées pour devenir autre chose – et le pire était certainement de ne pouvoir toujours déterminer pourquoi. Pour ce qui était de son propre cas, Max aurait sans doute répondu que les instincts les plus insidieux qu'ils possédait avaient été forgés par la nécessité de survivre, à l'époque où seule la violence était en mesure de lui garantir une place dans le monde crasseux des bas-fonds. Il fallait être sans cesse sur le qui-vive, prêt à mordre et à montrer les crocs, substituer la confiance à la facilité des relations de comptoir, ériger la méfiance comme étendard. En faire une gloire. Il le fallait, et le verbe possède ici sa propre importance, car il n'avait jamais tout à fait considéré qu'il avait choisi d'être ce qu'il était. Le choix, s'il existait, résidait dans l'application que chacun mettait à résister à ces instincts tortionnaires, ou à les dissimuler au monde. Et d'une certaine manière, il avait si bien réussi ces dix dernières années qu'il s'était parfois demandé s'il n'était pas parvenu, d'une certaine manière, à les annihiler complètement. Mais l'instant prend soudainement une valeur de preuve ; y'a qu'à voir ce truc qui traine au fond de son regard, brutal et impulsif, trainé de force depuis le macadam d'un passé lointain, à l'heure des combats de rue, des côtes fêlées, des ecchymoses alignées. Il y a de ça une ou deux éternités, il avait été celui qui frappait à la déraison, le bourreau qui se fichait des souffrances infligées, ivre d'une anesthésie auto-administrée, il avait été celui qui parvenait, par cette même énigme des instincts érigés, à ranger le sort de l'autre sous le signe de l'indifférence la plus froide, à circonscrire l'abjection de ses actes dans le cadre de l'instant. Et durant une seconde, une seule, il a compris que la frontière était mince, pour que cet état de semi-inconscience s'empare de nouveau de lui. Il a saisi à quel point la chose serait facile, qu'il n'aurait qu'à le décider.
Les instincts feraient le reste.
Mais comme un rappel brutal à la réalité, voilà qu'une pression sur son bras le presse de laisser l'affaire de côté, le ramène à ses priorités. Lucrecia le prie de s'en désintéresser, et comme un clébard bien dressé, c'est ce qu'il fait. Presque machinalement. Chose plus étonnante, si ténue qu'il le remarque à peine, c'est que l'autre a comme un mouvement de recul lorsqu'il croise le regard de la môme Sterling ; était-il si étourdi qu'il en venait à craindre une blondinette aux grands yeux ? Qu'importe. Elle avait raison, ils avaient fait leur temps ici, et il valait mieux qu'ils profitent de ce moment de flottement pour s'éclipser.

Sur le parking désert, l'air frais semble presque le gifler. Il prend alors conscience de la sensation, jadis familière, de fourmillement au creux de ses phalanges, du bourdonnement interne qui peine à se taire. Il avait toujours éprouvé une certaine difficulté à retrouver son calme après avoir perdu celui-ci, et s'il espérait stupidement que les années auraient changé quelque chose à l'affaire, force était de constater que le temps n'arrangeait pas tout. Et c'est dans le silence le plus total qu'ils regagnent l'habitacle resserré du pick-up, raccrochant les ceintures avec une tranquillité factice. Le véhicule démarre et Max exhale légèrement, mâchoires crispées ; il doit penser à autre chose, occuper son esprit pour y réinstaurer le calme, alors, son regard se fixe à la forme linéaire de la route grisâtre pendant un long moment. Il en aurait presque oublié la présence de la jeune fille à ses côtés, du moins jusqu'à ce que la voix de cette dernière résonne entre eux, solitaire ; et il prend conscience qu'il ne s'est même pas enquis de son état – mental, du moins. Sauf qu'elle semble résolument calme. Le ton est presqu'absent, la question sonne banale. Une telle placidité le surprend, et il jette un coup d'oeil sur sa silhouette à ses côtés, comme pour vérifier la chose de ses yeux. C'est à peine un profil, qu'elle lui présente, un morceau de visage blanc, grignoté par la lumière diffuse des phares. L'égarement, érigé comme gloire. Et il songe pour la première fois que pour être si hermétique à la scène tout juste vécue, la gamine a dû en voir d'autres, certainement plus qu'il n'aurait soupçonné en premier lieu. Plus que la candeur de ses traits laissaient le soupçonner.

Je ne serais pas une nourrice très efficace, si ce n'était pas le cas, Finit-il par répondre à sa question première.

Si le ton a quelque chose de cynique, ce n'est pas tout ; Diable, serait-ce une pointe d'humour, que l'on entend poindre au creux de sa voix ? Avait-il cherché par mégarde à la faire sourire, ou était-ce de lui-même qu'il se moquait, de sa propre condition ? De sa part, difficile de trancher. Toujours est-il qu'il a pris conscience que le fait de reporter son attention sur la compagnie de la jeune Sterling était une façon plutôt efficace de désintéresser son esprit de l'incident au drive-in – allez savoir pourquoi. Alors, c'est presque naturellement que sa voix résonne de nouveau, comme s'il avait fini par s'habituer à leur drôle de conversation morcelée, et entrecoupée de silences.

Je suppose que t'as dû en voir passer des tonnes, des types comme moi, Présume t-il, le regard posté sur le goudron qui défile dans l'obscurité. Et ton père ne nous choisit pas exactement pour la qualité de notre compagnie.

On dirait presque une excuse déguisée, travestie en vérité universelle sur ce qu'il appelle les « types comme lui ». À vrai dire, lui même n'est même pas certain de ce que la formule veut dire ; mais ce qui est certain, c'est que la définition n'impliquait certainement pas d'être le compagnon de route le plus divertissant dont une môme de vingt ans pourrait rêver. Et s'il était honnête avec lui même sur la question, il n'a pas pu s'empêcher de penser aux nombreuses heures d'ennui que la jeune fille avait dû passer à compter les silences en compagnie de ses nounous attitrées – si comme il le pensait, ses prédécesseurs avaient eu ne serait-ce que la moitié de son apathie.
Il n'a pas pu faire autrement que de l'en plaindre.



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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptySam 6 Mar - 0:24

max&lucrecia / mars 2021
confusion in her eyes that says it all, she's lost control, and she's clinging to the nearest passer-by, she's lost control. and she gave away the secrets of her past and said, i've lost control again, and a voice that told her when and where to act, she said, i've lost control again.(@joy division)

Silence, le long de la route goudronnée. Les deux créatures rivalisent de mystère après tout le chaos qui a régné. Elle, elle ne bouge plus. La tempe contre la vitre, elle regarde les autres voitures défiler sans le moindre plissement de bouche, le moindre commentaire à ajouter. En vérité, pas le moindre choc malgré sa caboche juvénile, pas de quoi la traumatiser. Depuis l’enfance elle est soumise à ce risque de l’enlèvement prémédité, de la rançon menaçante qui ferait de n’importe quel de ses ravisseurs l’homme le plus riche jamais donné. Lucya ce n’est pas tant l’or métaphorique, mais bien deux yeux valant autant que des diamants brutes. La petite préférée du père, la petite princesse chérie dehors un peu tard, il y a de quoi un peu trop facilement se faire du blé. Alors, suivie, couverte, contrôlée, surprotégée, la petite cadette a connu plus de garde du corps que de contact paternel. Et les trajets sans fin d’un lieu à un autre, le faire d’être si joyeusement ballottée. Le sourire de façade cache une certaine envie de liberté. Partir sans prévenir, sans dire un mot toujours. Pourrait-elle simplement ouvrir la portière, se jeter contre le goudron ? Si elle le faisait ralentir, qu’elle prétextait n’importe quel haut de coeur. Elle ne le regarde toujours pas alors que les images se bâtissent quelque part au fin fond de sa boite crânienne. Sauter de la voiture en marche. Elle risquerait de se tuer. Abîmer sa robe de gala,  se broyer les membres, éclabousser d’écarlate ses traits d’infante. L’idée la fait un instant frissonner. Max peut-il imaginer une seule seconde les images qu’elle bâtit derrière la pâleur de ses yeux clairs ? Non. Là encore, elle sortirait du protoype, interrogerait sa banalité. Elle ne serait plus la réputation de petite fille si sage, si douce qu’on veut bien lui donner.

Elle croit déceler de l’humour derrière la voix grave du conducteur borné. Lentement, elle tourne les yeux vers lui, l’interrogeant un peu du regard, comme pour au fond le jauger. C’est un sourire qu’elle jure apercevoir sur ses lèvres pincées. Il faut dire que là aussi, il la surprend, l’étonne un peu. Ainsi l’homme est-il capable de rire ? Se pourrait-il vraiment qu’il soit humain ? Lentement, un léger sourire vient à son tour ravir ses lèvres, l’espace d’un instant seulement, quelques secondes à peine. C’est assez pourtant pour que l’espace d’un instant à peine, ils se sont souris l’un et l’autre. Mais elle aussi, reprend son sérieux et détourne les yeux, aussi rapidement que lui. « Quelques uns, en effet. » Confirme-t-elle alors qu’une voiture les dépasse un peu, qu’elle aperçoit à bord un couple en train de parler. Elle se surprend à imiter un peu la pause que prend la brune tout en fumant sa cigarette, la froideur de ses yeux alors qu’elle répond du bout des lèvres à son mari. Elle doit avoir une quarantaine d’années, ses cheveux bruns coupés ras encadrent son profil presque tranché. Elle a une curiosité dans le regard qui ne trompe pas. Sensuelle, sûre d’elle, tout ce que Lucya n’est pas. Mais les mots de Max ramène la gamine imitant les aînés à l’habitacle. Elle inspire un peu. « Je suppose que c’est vos poings qu’il a dû regarder plus que votre CV. » Elle fait, avant de doucement tourner les yeux vers lui. Lentement, elle retrouve son sourire, sa joie de vivre, toute la candeur qui l’avait quitté. Comme si de rien n’était. « J’ai aimé votre musique. Ça changeait un peu. Vous en avez d’autres comme ça ? » Et elle change de sujet, redevient aussi guillerette qu’à l’accoutumée. « Je reconnais le chemin. On ne devrait plus tarder. » Elle fait dans un regard plus doux, plus enjoué à la route, se redressant un peu. « Mais nous avons peut-être le temps de finir l’album. » Elle appuie sur la radio, d’elle-même, se redresse un peu, puis lorsque le son jaillit, se met à hocher la tête lentement de gauche à droite, en rythme. Imperturbable, les nuages noirs semblent avoir déserté. Mais pour combien de temps ? Combien d’instants avant le retour des limbes assassines, du monstre assoiffé qui se cache furieusement dans le corps d’une enfant sanctifiée ?

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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptySam 6 Mar - 12:18








upon the edge of no escape


Il y a quelque chose qui lui échappe, chez elle. C'est une chose qu'il se dit, lorsqu'elle se met ainsi à habiter le silence de l'habitacle avec aisance, sans sembler s'en trouver gênée le moins du monde – au contraire des premiers instants partagés. Le front blond reste là à choir sur la vitre embuée, et on pourrait presque la croire endormie, si le faible battement de ses paupières ne venait pas troubler l'immobilité sépulcrale de son corps frêle. À quoi pouvait-elle donc songer, pour que sa posture ne prenne ces airs de tendre résignation, d'absence discrète ? Les filles de son âge étaient pour lui une espèce parfaitement inconnue ; leur fréquentation remontait à plus d'une vingtaine d'années, et il était honnête de reconnaitre qu'à l'époque, leur façon de penser n'était pas sa préoccupation première. Lui même jeune adulte, il était certainement trop occupé à se concentrer sur ses tourments personnels pour n'émettre ne serait-ce qu'une interrogation sur les représentantes du sexe opposé. Puis à l'heure où les hommes de son âge devenaient pères, et récupéraient ainsi leur accès d'observation, de compréhension des générations à venir, lui évoluait comme en marge de ce monde partagé, au delà des frontières du discernement. Sûrement était-ce précisément ça : vieillir. Cette sensation que l'âge des autres prenait valeur d'altérité, et se sentir presqu'impuissant face à cet atopos. De la même manière, la jeune fille à ses côtés semblait se vêtir de l'allure de ces silhouettes sans visage qui peuplent les rêves, que l'on cherche vainement à rattraper afin de dissoudre le mystère de leur identité, mais qui s'éloignent inévitablement à chaque pas exercé dans leur direction. Par là, comprenez qu'il s'agissait plutôt d'une sensation d'étrangeté de sa part, de curiosité mal assouvie ; l'impression tenace de manquer quelque chose au premier regard, mais que les suivants ne servaient qu'à brouiller un peu plus sa propre vision, à raturer le portrait pourtant si précis que l'esprit aurait aimé dresser. Tenez, regardez comme l'expression change du tout au tout lorsqu'elle semble s'extirper de ses pensées nébuleuses ; ça ne lui prend pas plus d'une seconde pour se revêtir d'un sourire, repulper ses joues de rose, teinte dragée ou azalée. La transition est fabuleuse, si brusque qu'il ne peut s'empêcher d'y songer une nouvelle fois : quelque chose chez elle lui échappe.
Mais après tout, les vagabondages de l'esprit adolescent n'étaient pas de son ressort. Qu'importe, si la gamine avait de ces secrets juvéniles à préserver du monde, la chose était certainement saine. Et il n'avait aucune envie de s'en mêler. Acceptons plutôt de la voir soudainement redevenir guillerette et toute disposée aux bavardages légers, prenons donc un sujet au hasard – la musique, voulez-vous ?

Tous les disques que j'ai eu les moyens de m'acheter à l'époque, oui, Acquiesce t-il évasivement en désignant d'un mouvement de menton les boites en vrac dans le vide-poches du pick-up. Sans vouloir donner dans le cliché, j'pensais que l'écart entre Vivaldi et Joy Division serait un peu brutal.

Dans sa bouche, le nom du compositeur semble presque absurde. Pourtant, il avait fini par en connaître quelques uns, à force d'accompagner Vivian aux récitals de musique classique. Il n'en raffolait pas, et s'endormait systématiquement au milieu des opéras, mais il avait fini par trouver une certaine beauté raffinée aux nappes de Chopin qu'elle aimait faire résonner entre les murs de leur maison, le soir venu. De toute façon, ce n'est même pas comme s'il avait vraiment le choix ; car si Viv et lui s'étaient connus lors d'un concert de Depeche Mode, son cœur appartenait à Schoenberg, comme toute bonne fille de la haute société.
Devant eux, un panneau routier indique l'entrée du périphérique d'Exeter, sous-entendant que le périple touchait à sa fin. S'il avait dû être honnête, Max aurait certainement reconnu que ce dernier avait été moins pénible qu'il ne se l'était imaginé, en dépit du rôle peu gratifiant de nourrice qu'il devait endosser. De toute façon, tant qu'il était payé...
La voix de Ian Curtis résonne de nouveau dans l'habitacle, et sans trop y penser, voilà que ses longs doigts tapotent sur le cuir du volant, alors qu'ils s'engouffrent dans la ville.

« Confusion in her eyes that says it all, she's lost control,
And she's clinging to the nearest passer by, she's lost control... 
»

Les bâtisses luxueuses de St-Thomas s'élèvent autour d'eux, ombres élégantes alignées le long de trottoirs larges, peuplés d'arbres bien taillés. Contrairement à St-Sidwells, il n'y a pas un bruit ici, une fois la nuit tombée – alors que l'autre quartier prenait vie, au contraire, lorsque les paupières des gens de bien se fermaient.

« And she turned around and took me by the hand, and said I've lost control again,
And how I'll never know just why or understand, she said I've lost control again... 
»

Le pick-up s'engouffre dans un coude de route, et dépasse de larges grilles pour rejoindre la cour spacieuse, devant l'énorme manoir des Sterling. Les pneus crissent sur les graviers, puis lorsqu'il coupe le contact, la musique est de nouveau avortée. Tout redevient silence.
Sans un mot de plus, Max s'extirpe du véhicule, le contourne pour accéder à la portière du côté passager, qu'il ouvre d'une pression. Galanterie ? Pas vraiment ; mais Dieu seul sait qui pouvait les observer ici, et combien chaque geste de convenance manqué pouvait lui coûter.

J'espère que ça n'a pas été trop long, Fait-il machinalement en jetant un coup d'œil à la jeune Sterling, accompagnée de son violon.



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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptySam 6 Mar - 20:29

max&lucrecia / mars 2021
confusion in her eyes that says it all, she's lost control, and she's clinging to the nearest passer-by, she's lost control. and she gave away the secrets of her past and said, i've lost control again, and a voice that told her when and where to act, she said, i've lost control again.(@joy division)

Elle fixe vaguement la route avec des idées noires, digne d’un Bonjour Tristesse plus triste encore que l’original. Lucya la Cécile insouciante ayant vécu son enfance en pension, hantée par le fantôme d’un père qui a plus d’attention pour elle que pour sa mère, au fond. Le spectre d’une grandeur immense du paternel toujours fuyant, de l’aura que chacun des enfants Sterling cherche piteusement à capturer. Auréolés de lumière, titans au sang bleu auxquels rien ne semble résister, les voilà qui plient, humblement, piteusement, au moins geste du paternel. Et elle n’échappe pas à la règle, même sans tout à fait s’en rendre compte, cherchant le regard de l’autre même lorsqu’elle songe à s’éteindre. Prendre le risque de détruire la pureté de l’image renvoyée pour secouer la planète entière, faire s’évanouir les préjugés, se condamner à vivre, peu importe les incidences. 
Elle switche, pourtant, refuse de s’autoriser à penser. Elle quitte le désespoir intérieur pour son masque de douceur. Elle est ainsi, Lucya. C’est bien pour cela qu’elle fuit, se cache derrière cet air de madone toujours un peu ignoble, parce que tout n’est qu’artifice chez la blonde si solaire. C’est une figure de la nuit masquée derrière les couleurs de l’aube, un coeur froid enveloppé d’une carcasse si fraiche qu’on ne pourrait le réaliser. Lucya n’aime pas, elle n’a jamais su comment on faisait. Si elle a une passion folle pour la famille, chérit éperdument ceux qui ont l’infortune de partager son sang, elle s’éteint dès lorsqu’il s’agit de s’offrir autrement, d’aimer pour de vrai, ne serait-ce que de considérer l’altérité. Égoïste folle, il n’y a bien qu’elle qu’elle aime vraiment. Tout ce qui compte, c’est son propre plaisir, le vide enfin rempli, le corps élevé. La jouissance, la passion ;  les corps qui l’enserrent, peu importe leur identité. Ironiquement pour la petite princesse trop bien élevée, l’autre n’existe pas. Et chaque étreinte la ramène un peu plus à l’ignominie de sa propre conduite. Chaque étreinte la tue bien plus que le moindre saut hors de la voiture en marche.

« Je vous trouve un peu cruel. Affirme-t-elle tout en attrapant un autre CD, un peu au hasard, attirée par le pervenche d’une des couvertures, choisissant comme par instinct, par pulsion. Je ne suis pas si monomaniaque. Qui sait, peut-être que votre groupe adorait Vivaldi. » Elle fait dans un petit sourire, l’oeil rieur et la bouche parée d’une risette adorable. C’est presque avec soulagement que le son revient, embaumant un peu l’habitacle qui s’était subitement refroidi. Elle n’a pas la moindre idée d’à qui appartient vraiment la voix grésillante, pourtant, elle s’en sent irrésistiblement attirée, sans vraiment pouvoir l’expliquer. 

Peu à peu, les paysages semblent tous se ressembler. Elle reconnaît progressivement la monotonie d’un Saint Thomas trop opulent. Les arbres si bien entretenus, les haies si bien tondues, les vieilles et leur caniche bien coiffé, les jeunes et leur pull sur les épaules, trop bien noué. C’est ici qu’elle a grandit, dans cette somptuosité presque crasse, provocante de beauté. Pas un pas de travers, pas une feuille qui dépasse. Et puis, plus loin, le manoir Sterling, se dressant parmi toutes les demeures alentours. Immense et pourtant si vide, si froid. Les pneus crissent un peu en pénétrant sur le gravier de la cour. Cette dernière est déserte, pas un Sterling pour les accueillir. Ce sont les heures hautes de la journée où les parents sont bien occupés.

Un sentiment aride possède subitement le coeur de la cadette, à mesure que le chauffeur se gare, toujours soigneusement. Pas un mot, ses yeux pourtant détaillent les marches polies pour atteindre la porte d’entrée. Puis, cette dernière qui se hisse, semblant toucher les cieux, menant à l’intérieur tout en invitant à ne pas entrer. Son coeur s’accélère, sans qu’elle puisse se l’expliquer. Vivre, vite. Se raccrocher à l’existence, ne pas sombrer. Il lui semble qu’elle pourrait s’évanouir, ne jamais se relever. Les images défilent dans sa tête : sa chambre, le violon posé, la robe dont elle se débarrassera, sa vie passée à la fenêtre, à attendre on ne sait quoi.

Vivre.

Aimer.

Se débarrasser du vide.

Sombrer.


Lorsque la porte s’ouvre, il lui semble que la lumière l’éblouit. C’est pourtant un de ces jours sans soleil si typiquement anglais. Son regard croise celui du chauffeur si dévoué. Lentement, ses jambes grêles atteignent le gravier. L’autre s’excuse presque, il espère, dit-il. Mais il est déjà trop tard. Elle a déjà vrillé.

Dans une brutalité sans nom, défiant les lois de la gravité, le faon se change en fauve et l’angelot en dragon. Ses poings maigres saisissent le col de Max, l’attirent à elle pour mieux le plaquer contre le pick-up, au point de le faire trembler. Son corps minuscule se colle fermement à celui de son protecteur, une jambe se glisse entre les siennes. Il la dépasse de presque trois têtes, pourtant, victime de la surprise mais aussi - sans pouvoir l’expliquer - de la force immense de la diablesse surréelle, il est soumis à la volonté brutale d’un dictateur né. « C’était trop court, Max. Beaucoup trop court. » Qu’elle lance d’une voix elle-aussi changée. C’est un serpent qui siffle sous la langue carnée. « Prolongeons ce moment : vous et moi, sur la banquette arrière. Père n’en saura rien. » Et pour éviter le moindre quiproquo, elle appuie un peu plus son genou contre l’entrejambe du pauvre employé. Mordante, elle attaque pour éviter de penser. Le despote a des airs d’angelot assassiné.

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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyDim 7 Mar - 0:45








upon the edge of no escape


Soudain, le monde est sans dessus-dessous. Il perd à la fois sens et essence, se déleste brutalement de sa décence. Le blanc devient noir, il pousse des crocs à la brebis qui se transforme en loup prêt à dévorer, à déchiqueter. Mais son regard surtout, son regard a changé ; des opales claires sur lesquelles papillonnaient ses cils trop longs de biche attendrie, il ne reste plus rien, pas même la couleur. Le bleu s'est assombri, la teinte est orageuse, sulfureuse. Cobalt cendré, dans la pénombre tachetée de lueurs tamisées – une nuance traitre et menteuse, arrachée aux tableaux dépeignant massacres et luxures.
Attendez, qu'était-il en train de se passer ?
Elle n'a même pas encore parlé qu'elle lui a déjà subtilisé toute possibilité de comprendre, de réagir ; d'un seul foutu regard. Saleté de cygne noir. Et sans politesse ni égards, elle attrape, elle s'approprie,   elle prend sans s'embarrasser d'excuses, terriblement dictatoriale ; c'est comme si elle faisait de ce corps face à elle la carne sur laquelle se jeter, dans un sordide instinct au goût de mort.
Lucrecia, biche carnivore.
Lucrecia dont la frêle silhouette est soudain si proche que les pensées s'en retrouvent figées, pétrifiées ; car rien dans cet instant n'est logique, rien n'est à sa place. Surtout pas elle devant lui, contre lui, ni même sa voix qui se traine et résonne enfin, dans le silence de la nuit. Attendez, qu'a t-elle dit ? Il ne sait plus, car le ton, l'inflexion même des mots prononcés est plus étrange encore que ceux-ci. Trainante et charnelle, le genre de voix que l'on jurerait trouver irréelle. Surtout chez elle. Peut-être est-il en train d'halluciner la scène, car l'explication est la seule à pouvoir se targuer d'être rationnelle ; mais comme un brutal rappel de la réalité, c'est une jambe frêle qu'il sent plus bas, se glisser entre les siennes.
Il comprend brusquement qu'il n'invente rien, et que tout est bien réel ; ce regard, cette voix. Cette jambe. Pourtant, il est toujours incapable de bouger d'un cil, car le constat est bien trop abrupt. La conscience soudaine de s'être trompé sur toute la ligne, d'avoir cru distinguer un visage là où il n'y avait qu'un masque, la froide stupeur d'en voir la réelle nature : Lucrecia Sterling n'avait rien de la gamine virginale dont elle avait joué le rôle toute la soirée, rien de la tendre môme aux regards égarés. Mais le plus stupéfiant là-dedans, c'était le talent qu'elle avait employé à le berner.
Brutalement, voilà que les mots tout juste murmurés reviennent cogner dans son esprit, comme si celui-ci avait jusqu'à présent été trop sonné pour réellement les analyser. Ils se présentaient dans leur nature leur plus brute, sans place pour l'équivoque, indécente proposition parfumée au scandale ; une voix tout juste chuchotante, au goût de dangereux dédale. Et c'est comme une gifle, un déclic pour le sortir de son atrophie passagère, de sa paralysie temporaire, quelque chose qui le décide enfin à réagir. Car loin de se contenter de son silence de plomb, c'est une fine main qui s'est aventurée plus bas, sur les plis les plus au sud de son pantalon. Décidée à saisir, décidée à séduire. C'est un visage qui s'est approché du sien sans qu'il n'en prenne la mesure, des yeux grand ouverts et poignardés de pénombre, un souffle s'échouant contre le sien, qui exhale avec une douceur meurtrière. Lourd, terriblement lourd.
Elle a fait l'erreur de frôler ses lèvres.

Sa main à lui s'est redressée avec lenteur, et l'espace d'une seconde, on aurait presque pu croire qu'il s'agissait-là d'un geste presque tendre, ou tout du moins d'une invitation, d'une acceptation de la tentation. Mais cette lenteur prend un caractère sinistre lorsque les doigts enserrent le menton et la mâchoire avec fermeté, bloquant stoïquement le visage de la brebis devenu loup. Et s'il ne l'écarte du sien que d'un ou deux centimètres tout au plus, ce n'est en définitive que pour être certain qu'elle ne pourra se détourner de son propre regard. Car la stupéfaction s'est envolée, cette fois ; et dans les débris d'une surprise passée, il ne reste que la rudesse d'acier de celui que l'on avait cherché à attaquer. Sous ses lourdes paupières, il jauge froidement cette paire de prunelles à la proximité indécente, ces deux billes bleues qui refusaient de s'échapper. Peut-être sent-il encore son souffle contre le sien.
Il a un goût de fer.

Ne t'avise plus jamais de m'approcher de cette manière là, Finit par lâcher lentement sa voix, d'un ton certainement trop bas pour être entendu à plus de dix centimètres.

Le ton est trainant, d'une ascendance froide et décharnée. Il ne cherche même pas à étayer la menace ; la pression ferme de ses doigts autour de sa frêle mâchoire est un avertissement suffisant. Et sans doute s'écoule t-il une ou deux secondes supplémentaires où tout semble suspendu, souffles arrachés, menaces murmurées, regards accrochés, écorchés, où tout n'est que nuit, comme une gloire à la morbidité. Mais l'instant d'après, il aura repoussé le visage de la jeune fille d'un mouvement sec, détachant son corps frêle du sien par la brusquerie du geste. Plus rude encore, c'est son regard qui se refuse désormais au sien, qui ignore cruellement la silhouette qu'elle habite, et se détourne de l'ombre du cygne noir pour claquer la portière d'un geste brutal. Difficile d'ignorer l'animosité qui épouse sa posture alors qu'il s'éloigne de quelques pas, sortant rageusement une cigarette de son paquet déjà presque vide pour la coincer entre ses lèvres.

Est-ce qu'il s'agit d'un test particulièrement tordu pour déterminer si j'suis digne de confiance, ou est-ce que l'ennui de ta petite vie de princesse t'a tellement bouffée que t'es prête à tout pour le crever ?

Les mots sont froids et durs, ils roulent sur le palet comme du gravier, des éclats de verre prêts à trouer, déchiqueter sans le moindre regret.
Elle n'était pas la seule à savoir devenir le pire de ce qu'elle était ; la différence était qu'il n'avait caché n'être rien qu'un animal carnassier.




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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyJeu 11 Mar - 1:57

max&lucrecia / mars 2021
confusion in her eyes that says it all, she's lost control, and she's clinging to the nearest passer-by, she's lost control. and she gave away the secrets of her past and said, i've lost control again, and a voice that told her when and where to act, she said, i've lost control again.(@joy division)

La fraise des bois se révèle être un fruit pourri. En son sein se révèle des bêtes rampantes et un coeur décomposé, rongé de tiers en tiers, corrompu et avarié. Plus encore que cela, sous les pattes de velours se cache la poigne, la vraie, la force herculéenne qui plaque le pauvre bougre contre sa calèche, le ridiculise autant qu’elle l’effraie. Elle est pourtant parfaitement sûre d’elle, de ses yeux désormais bleus foncés ne ressort plus qu’une pugnacité folle, presque agressive, mordante. C’est une lionne sous ses allures de biche, c’est le diable qui renaît dans une lapine décapitée. L’image est d’autant plus comique que c’est elle qui le tient désormais, elle qui maîtrise. Les yeux droits dans les siens, sa cuisse minuscule portant plaquer contre l’entrejambe du chauffeur, il a, l’espace d’un instant, presque des airs d’animal blessé pris dans les fards d’une voiture. Qui contrôle désormais ? Qui succombe et qui tremble ? C’est comme si son propre corps ne répondait plus, comme si elle échappait au monde entier pour se réfugier au fin fond d’elle même, se protéger. Heurter, mordre, presque violer. Se venger de souffrances inexplicables et pourtant certaines qu’il faudrait une vie entière pour expliquer. Pourquoi agît-elle ainsi ? Quel psychisme perverti peut bien vivre dans la caboche trop blonde d’une gamine complètement aliénée ? Elle n’était pas certaine de vouloir le savoir, pas certaine de vouloir ne serait-ce qu’y songer. 


C’est finalement la main de Max qui la ramène au temps présent. La chaleur glaciale de sa poigne qui reprend le contrôle, de son regard dur, de ses dents serrées. Il ne la ménage pas, aussi peu qu’elle l’a fait. Elle sent dans son regard tout le poids de sa surprise autant que de son amertume. Que pense-t-il au fond ? Son esprit est-il aussi nébuleux et profond que le sien, enfoncé dans un brouillard sans fin ? Non, même lui ne pourrait pas comprendre en somme. Elle le voit bien au regard qu’il lui lance, à la force qu’il emploie. Elle serre les dents, cède sous la puissance des bras qui la repousse, du corps qui lui échappe. Et pourtant, misérablement, c’est presque avec appétit désormais qu’elle fixe le corps raide du triste sire, de la proie tout juste désignée. Elle est bien incapable de lâcher, incapable de se réveiller. Ses yeux sont noirs désormais, plus sombres que les abysses d’océans sans fond. 



En reprenant le contrôle il ordonne que ça ne se reproduise plus jamais. Elle le fixe toujours, alors qu’une mèche épaisse de ses cheveux blonds lui tombe un peu sur le front, comme si sa destinée  la rattrapait tout à fait, comme si l’enfant, malgré elle, s’emparait toujours d’elle. Elle ne scille pas la gosse pourtant, immobile. Ce n’est pas un refus qu’elle s’entête à essuyer, ce sont les ombres au fond de sa tête, l’électricité dans son bas ventre, qu’elle est encore en train de combattre. Étonnement, elle est essoufflée. Et de ses lèvres carnassière ne s’échappe bientôt qu’un souffle chaud et lourd, trempé. « Ni l’un ni l’autre. » Murmure-t-elle en lui lançant un regard derrière ses deux saphirs tirant sur la vulgarité de l’onyx. « Je cherchais des couilles, il s’avère que sans surprise, je n’en ai pas trouvé. » Qu’elle ajoute la garce, l’infernale trop bien cachée. Elle est terrible, plus mauvaise encore que la gale, toutes les maladies de la terre. Est-ce donc ce qui se cache derrière la tendresse infinie d’une Lucya enfermée ? Elle redresse le menton, fixe le corps qui s’est éloigné, qui l’a frustrée, l’a trahie, l’a abandonnée aux monstres qui la dévorent. Ce n’est pas du monde qu’il faut la protéger, non, c’est d’elle-même et de sa monstruosité. « Prenez le reste de votre après-midi, personne n’a besoin de vos bons sentiments ici. » Lance-t-elle en lui lançant un regard de bas en haut. Ce n’est même plus tant le cliché de la petite princesse devenue garce, mais la louve cruelle aux crocs encore saillants. C’est qu’elle est malade, Lucya, sans l’admettre. C’est que le sang coule de ses crocs. Charmante, adorée, un fruit doré dont le jus roule le long de ses cuisses serrées. Elle hait, mais jamais autant qu’elle ne se hait elle même. 


Elle pivote sur ses jambes alors qu’elle récupère délicatement son violon, ses doigts minuscules et immenses à la fois se refermant sur la petite mallette. Déjà, elle lui tourne le dos, lui refuse même la vue fascinée à ses deux pupilles foncées. Demain tout sera rentré dans l’ordre. Demain, elle sera redevenue tout ce qu’on attend d’elle. C’est d’un pas un peu étrange qu’elle avance vers la porte de la maison. Demain, le soleil se lèvera sur la sorgue immense de son coeur atrophié.

(c) mars+kawaiinekoj
@Max Gunn upon the edge of no escape feat. Lucrecia 2453064100
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MessageSujet: Re: upon the edge of no escape feat. Lucrecia upon the edge of no escape feat. Lucrecia EmptyJeu 11 Mar - 22:37








upon the edge of no escape


Lucrecia provoque, Lucrecia attaque. La biche le mord à pleines dents, troquant quenottes contre crocs vindicatifs. Mais certainement a t-elle oublié que Max a la peau dure, et que ce genre d'invectives envers son quelconque manque de virilité ne faisaient que le frôler. À peine. Il ne daigne d'ailleurs même pas réagir, ni même consentir à lui adresser un regard  ; faut dire qu'il est certainement occupé à regagner le sang-froid qu'elle avait presque réussi à lui confisquer, exhalant les vapeurs d'une cigarette machinalement allumée. Mais ce qui est certain, c'est que la tension hostile qui s'étire entre eux a tout de remarquable. De son côté à elle, parce qu'il avait eu le culot de repousser ses avances  ; du sien, parce qu'elle avait eu l'audace de s'y essayer. Et peut-être aurait-on pu croire que ce rejet brutal avait été motivé par une réflexion morale, induite par leur flagrante différence d'âge  ; la question était réelle, mais la moralité n'avait aucune place là-dedans. À la voir telle qu'elle s'était présentée à lui, rose et juvénile, éclat candide aux nuances pastel, il n'aurait simplement jamais eu l'idée de songer à elle dans des considérations charnelles. Mais si l'idée d'être la cible des tribulations séductrices d'une adolescente était le seul problème, sans doute se serait-il contenté de la repousser avec quelques airs paternalistes bien sentis, peut-être avec un brin de sarcasme – fidèle à lui même. 
Là n'était pas le souci majeur, ni la raison de ce rejet si brutal, de l'hostilité démontrée à son sujet. 
Le problème était la sensation ressentie rien qu'une poignée d'instants  : celle d'être soudainement devenu objet. Et si cette dernière provoquait en lui une révulsion immédiate, presque corporelle, c'était parce qu'elle prenait racine dans dix années passées à la nier, jusqu'à un écœurement définitif que l'on aurait presque pu considérer comme traumatique. Car au jeu du pion servant la reine, il avait suffisamment donné.
Oh il ne doutait pas que Vivian l’eût aimé, un jour. On tombe amoureux des images qu’on projette sur l’autre, et sans doute avait-elle été attirée par son allure décharnée de clébard des bas quartiers, mais sans en être tout à fait consciente, elle aimait surtout l’image de ce qu’il pourrait devenir, grâce à elle.  Et c’était principalement le problème qui subsistait entre eux : il n’était jamais devenu tout ce à quoi elle aspirait. Jamais tout à fait abandonné les colères noires et orageuses, qui resurgissaient parfois comme une maladie chronique, tellement inconvenantes. Jamais complètement abandonné cette foutue manie du cynisme, du sarcasme épineux, et ce mépris de la haute société, malgré les efforts qu’il faisait pour le cacher. Jamais été un père, surtout.
Et faillir à cet endroit était précisément ce qui l’avait rappelé à sa valeur utile, pragmatique. D’homme, il n’était soudainement plus qu’objet, peut être pas au sens le plus méprisant du terme, mais suffisamment pour que l’aspect pratique de toute chose l’emporte sur leur caractère abstrait. Le sexe, en tête de file. Baiser à des jours précis, devenir automate bien réglé, essayer vainement d’y retrouver une once de désir, de passion, un peu par hasard, rien qu’une miette d’hédonisme ; baiser pour obtenir, et plus par désir, baiser parce que la biologie l’ordonnait, parce que c’est comme ça qu’on fait les gosses, même plus pour combler les blancs entre eux, mais parce que c’était le seul moyen.
Une fois, juste après, il se rappelle qu’elle avait pleuré. Comme rattrapée par l’immense futilité de l’acte effectué et le mensonge qu’il véhiculait, elle avait pleuré. C’étaient des pleurs nerveux et saccadés, sans larmes pour le souligner. Comme une mythologie de sa propre douleur, elle érigeait cette souffrance insaisissable au moment de la jouissance, prouvant que cette dernière ne pesait rien dans la balance. Seule comptait l’absence.
Il n’avait pu que contempler ce spectacle de terreur et de désarroi, en proie à l’abandon qu’il avait fait sien il y a déjà bien longtemps. Lui dire quoi que ce soit ne servirait à rien. Il ne comprenait pas et il le savait, il ne comprendrait jamais ce qu’elle ressentait, et à ce titre, ne pourrait jamais être en mesure de compatir tout à fait.
Dans la mythologie de sa douleur, il n’avait pas sa place.
Il se rappelle du moment où ça avait dérapé, où tout avait été trop, où il n’avait plus supporté de ne plus s’appartenir. Il lui avait fallu regagner sa propre liberté avec brutalité, et sûrement que les moyens employés avaient été cruels. Parfois, il regrettait de l’avoir blessée au passage, Vivian. Naïvement, il pensait qu’elle n’en aurait cure, puisqu’ils ne s’aimaient plus depuis longtemps ; mais il existe une douleur spécifique à la perte définitive d’un espoir auquel on s’est accroché si longtemps. Même si le sujet de cet espoir n’était plus qu’un étranger.
De ces années, il avait gardé une ribambelle d’écorchures et de terreurs : en tête de file, celle que la situation se reproduise, qu’il redevienne pion de la reine, dépossédé de lui-même.
Qu’avait-Il donc vu, dans le regard de Lucrecia, qui lui avait fait penser aussi brutalement à Vivian ? Peut-être pas grand chose, mais ça avait suffi à provoquer chez lui cette réaction presque viscérale de rejet.
Il ne supporterait plus d’être objet, vague sujet de curiosité pour les filles de bonne famille, le raté qu’on s’envoie parce qu’on a quelque chose à prouver.
Son regard se pose sur la silhouette fluette de la jeune fille devenue cygne noir, tranchant à souhait, sans place pour les courbettes ou les compromis. Que l’œil pouvait être dur, lorsqu’il se privait ainsi de bienveillance ! Une nappe sourde de plomb et d’acier, sans place pour la moindre redemption. Voilà alors que sa voix résonne pour toute réponse, cruellement monotone, avec cette brutalité propre à ceux qui ne souciaient plus de l’idée qu’on se faisait deux ;

C’est ça. D’ici là, puisqu’on parle de mes couilles, essaye de trouver une autre distraction que de t’y intéresser. J’ai autre chose à foutre que me taper des petites connes dans ton genre.

Il se détourne d’elle sans regard, sans remords. S’installe à l’avant du pickup sans sembler se trouver un instant troublé du changement de ton tout juste éprouvé.
La réalité est sûrement toute autre ; mais ne prenons pas le risque d’en jurer.




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