☾ eye contact.
tics, manies, caractère. ☾
M1RR0R_.mp4 — Perchée sur ses longues jambes, le pas mesuré, silencieuse à en crever.
Toni. Sordide milady. On dit parfois qu'elle a le regard qui scrute et qui creuse, que l'attention qu'elle vous porte est affreuse. Que sous ses boucles noires, sa présence stridente se manifeste toujours par sa manière d'être muette ou pas du tout. Par à-coups. De Toni, on dit aussi que ce qu'elle porte le mieux, ce n'est pas le sourire qu'elle donne toujours avec trop parcimonie, mais ses cernes bleues. Elles dévorent son visage, le hâle jadis doré d'une peau trop longtemps enfermée. Mais elle a une façon de les porter qui vous forcerait presque à les aimer. À vouloir les observer, et puis les garder.
Toni, on ne sait jamais dire si elle est jolie. Mais quoi qu'elle soit, elle l'est à la manière d'un cri.
S0U_L.txt — Un loup solitaire, un foutu chat de gouttière. Une fausse désinvolte aux moues flegmatiques, une perfectionniste hypermaniaque aux airs bordéliques. Vous savez ce qui différencie les hackeurs des simples utilisateurs ? Leur truc à eux, c'est l'obsession de comprendre très exactement l'architecture des programmes et logiciels auxquels ils sont confrontés, c’est de décortiquer, apprendre toujours plus, voir le monde comme un puzzle dont les pièces ne cessaient de s'assembler pour se séparer, une page de code dont il fallait appréhender le fonctionnement total afin de réussir à en appréhender des failles, les bugs. Elle a toujours été douée, pour ça. Peut-être parce qu'elle pense différemment, qu'elle ne parvient pas à comprendre la manière commune de voir les choses ; elle avait dû s'inventer la sienne.
Pour le reste, c'est une idéaliste. Le reste du monde la dirait peut-être anarchiste, mais disons simplement qu'elle est éprise de justice, et qu'elle ne trouve pas que les gouvernements soient d'une grande aide, de ce côté-là. Les seules règles qu'elle supporte, ce sont celles qui n'existent que dans le monde virtuel, celles des codes, des programmes ; et encore, seulement parce qu'elle sait que ces dernières sont le meilleur moyen d'envoyer chier celles de la société.
S0C13TY.exe — Fuit les contacts autant qu’elle les cherche, passe souvent le plus clair de son temps terrée dans sa tanière. Solitaire, elle l’est à sa manière, de façon intermittente, précaire. Toni, elle a l'habitude de dire que la plupart des gens sont très banalement binaires. Une succession de traits de caractère, de caractéristiques qui se tranchent, qui agissent en contrastes. Les commandes claires d'un code parfaitement construit à la naissance, et qui déterminera leurs actions pour le reste de leur existence. Ils sont tour à tour des 0, et des 1, deux chiffres qui formeront des combinaisons auxquelles jamais ils ne pourront échapper, un genre de carcan trop serré duquel il leur est impossible de s'éclipser. À moins d'une erreur système, d'un bug. Il est des situations où elle aime avoir affaire à des gens binaires, parce que c'est simple, facile comme un code dont il suffit de comprendre le mécanisme intrinsèque, d'identifier les 0 et les 1. Ceux-là sont aisés à saisir, mais à la seconde où les bugs sont écartés, il n'y a plus matière à réfléchir. Tout devient trop ennuyant. Lénifiant. Et c'est peut-être la raison pour laquelle elle n'aime pas la plupart les gens. Ils ne l'intéressent pas. Ne prenons pas ça pour une forme d'arrogance de sa part, car croyez bien que la chose n'a strictement rien à voir ; c'est simplement qu'elle est de ceux qui aiment décortiquer, et qui refusent toute forme de simplicité. Le gris de la vie est déjà dans l'asphalte, alors à choisir, elle le préfère dans les regards.
histoire. ☾
1997 — Elle aime lorsque son
abuelo raconte des histoires. Il a la voix grave et reposante propre à ceux dont la pensée est claire et linéaire, parait toujours serein, même lorsqu'il parle de la guerre. On pourrait dire que c'est pas le genre de trucs qu'on doit conter aux gosses, parce que ça parle de violence, de sang, de révolution ; mais
abuelo a une manière de le faire, qui éclipse l'horreur et transforme la douleur en aventure. Il avait été aux premiers rangs de l'insurrection contre la dictature de Somoza, un
guérilleros comme on disait, un vrai. Comme son fils après lui.
Dans la famille de Toni, on porte la révolution dans le sang, presque en héritage. Ils avaient toujours été des insurgés, des insatisfaits, des communistes de malheur – foutus idéalistes.
Abuelo le premier, lorsqu'il trainait avec ses compères dans la forêt nicaraguayenne, pour se planquer de la Guarda somoziste.
L'histoire préférée du Toni, c'était celle du Père Vargas, un prêtre catholique, ami de son grand-père ; au nez et à la barbe des soldats de la Guarda, il planquait les armes des révolutionnaires dans son église miséreuse, jusqu'à ce qu'à la nuit tombée, ceux-ci viennent les chercher. Et Vargas, il justifiait ses actions en disant qu'au fond, les révolutionnaires et les chrétiens avaient le même but : le bonheur de l'homme sur terre, rien de plus.
Parfois, lorsqu'il parlait,
abulelo jouait machinalement avec un vieux briquet en métal usé, les yeux portés vers le plafond. La flamme jaillissait puis s'évanouissait en un rythme constant, accompagnant la mélodie de ses mots mélancoliques. Il lui avait expliqué qu'à l'époque, le gouvernement imposait l'utilisation exclusive des allumettes sorties de ses usines, et qu'en réaction, les guérilleros avaient fait du briquet le symbole de leur insurrection. Pour lui, l'objet avait gardé cette valeur séditieuse, presque dissidente ; et il ne s'en séparait jamais, comme d'un porte bonheur.
Souvent lorsqu'il raconte,
abuelo a les yeux tristes. C'est quelque chose que Toni remarque, et une fois, elle lui demande pourquoi. Mais il sourit, et
ven aquì, qu'il dit. Il serre la môme dans ses bras, ébouriffe sa tignasse brune avec tendresse ; il explique qu'il a perdu beaucoup, pendant ces années-là. Des compagnons, des amis. Des gens qu'il ne connaissait même pas.
Abuelo,
ils vont où les gens, quand ils meurent ? Et
Abuelo montre le ciel d'un index levé. Il explique à Toni que les étoiles sont les yeux de ceux qui étaient là et qui ne le sont plus, qu'ils nous regardent, et puis qu'elle ferait mieux d'aller se coucher, si elle ne veut pas les contrarier.
Elle hoche la tête, Toni : l'explication est jolie, alors elle lui suffit.
1998 — Mitch. Ils l'ont appelé Mitch comme s'il s'agissait de quelqu'un, comme si ce désastre, cette catastrophe aurait pu être l'œuvre d'un homme, d'un homme avec un nom.
Mitch est un ouragan.
C'est des vents balancés à plus de deux-cent-cinquante kilomètres heure, des murs explosés, des bouts de palissades projetés au dessus des toits, des tuiles qui volent, qui se fracassent, du béton emporté, soudainement léger, de la tôle devenue coton dans l'air, des meubles qui filent à toute allure pour se détruire contre les murs des maisons, des morceaux de poutre, des blocs de pierre.
C'est des pluies torrentielles qui forment des rivières au milieu des villages, et puis des lacs, des océans, c'est des coulées de boue meurtrières, des gens coincés dedans, des arbres qui s'arrachent et perdent racine, c'est le ciel et la terre inversés, retournés, c'est la géographie du monde qui s'en trouve renversée.
C'est des pleurs, des cris, des hurlements. Des gosses qui cherchent leurs parents, couverts de larmes et de sang ; des pères qui titubent dans la boue pour trouver leur enfant.
C'est le calme retrouvé, enfin : mais un calme mortuaire, tributaire seulement de l'horreur passée, du déchainement d'une terre outragée. Un silence qui n'en est un seulement parce qu'il n'y a pas de mots pour expliquer ce qui vient de se passer, pour formuler correctement le désespoir glaçant qui consiste à contempler des paysages familiers détruits en entier. Les sons restent coincés au creux des gorges atrophiées, et il existe un moment où celles-ci deviennent muettes et les pleurs silencieux, nerveux. Des épaules qui se secouent, des dos qui se courbent, se recroquevillent sous le poids d'un désarroi impossible à saisir, ou à fuir.
Elle avait marché au milieu du village comme ça, un peu perdue dans ce silence assourdissant, peinant certainement à comprendre ce qui se passait. Pourquoi c'était arrivé. Et peut-être était-elle silencieuse, mais elle ne se rappelle pas avoir eu aussi peur qu'à cet instant, peur de ne jamais retrouver ses parents, peur de la solitude immense qu'elle ressentait, à contempler ces âmes errantes qui cherchaient vainement dans les décombres la moindre âme vivante. Le sol, sous ses pieds nus, était irrégulier, mou, instable, tapissé d'un magma de choses coupantes qu'elle ne pouvait pas distinguer et auquel elle était terrifiée de se blesser. À chaque pas, elle tâtait le terrain, sa progression était lente. Et Toni se sentait vide, délaissée, abandonnée.
Où étaient-ils, maman, papa,
abuelo, Sara ?
Elle n'a même pas remarqué qu'elle pleurait. Elle l'a su lorsqu'elle a entendu le bruit de ses sanglots, de ses hoquets ; et peut-être est-ce là l'un des plus grands désarrois de l'enfance, de prendre conscience de l'horreur du monde sans être en mesure de la comprendre. Car c'était bien la question qui tournait dans son esprit candide de petite fille, tout juste outragé par la violence de la catastrophe :
pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi ? Elle ne se rappelle pas comment elle a réussi à retrouver leur maison. Ou tout du moins, ce qu'il en restait : les fondations avaient été arrachées, les poutres métalliques tordues comme du caramel mou, et le bâtiment s'était écroulé sur lui même, à l'image de la maison des trois petits cochons. La seule chose qui n'avait pas bougé était ironiquement la minuscule cabane de briques, bicoque au toit bas construite pour entreposer les fournitures de jardin. Titubante, épuisée, elle avait dû s'y trainer et s'y pelotonner, avec l'espoir vain qu'on vienne la retrouver.
Puis, Toni lève les yeux – le ciel est en train de redevenir bleu. Elle ne sait plus si elle a peur. Dans sa fragilité d'enfant, le désespoir d'une solitude terrible a remplacé son innocence, son vacarme intérieur. À ce moment elle se tient, déchirée, sans voix pour appeler à l'aide, sans preuve du massacre définitif de sa foi juvénile en la bonté de l'existence, seule face à la haine absurde d'une terre qu'elle avait habitée. Et elle se dit que Dieu n'est pas là. Dieu s'est incarné dans sa seule solitude à l'instant, dans la béance malencontreuse de sa souffrance.
Dans le ciel, les âmes perdues la regardent.
Elles crient, elles crient, elles crient.
Elles crient comme elle à l'absence.
1999 — Les mots ripent dans sa bouche, elle n'arrive pas à les prononcer correctement, à les faire jaillir de sa pensée. La langue anglaise est inconfortable, étrangère – ou plutôt non :
elle l'est. Sa mère, native d'ici, lui avait bien appris quelques phrases quand elle était petite, mais son anglais était resté basique, brouillon, une langue qu'elle n'utilisait que parfois, pour lui faire plaisir. Là, elle n'a pas le choix. Car personne ne comprend l'espagnol à Exeter, alors elle doit apprendre. Et vite.
Ils avaient quitté le Nicaragua à peine deux semaines après l'ouragan, pour recommencer leur vie loin de l'horreur, pour essayer de panser leurs blessures, guérir de leur douleur. Ou plutôt essayer : car la distance n'est pas un remède. À peine un leurre.
Depuis la mort de Sara, et puis d'
abuelo, son père ne parle presque plus. La dernière fois qu'il avait vraiment dit quelque chose, c'était quand Conceptiòn leur avait annoncé, après avoir retrouvé leurs deux corps dans la boue, près de la plage. Elle se rappelle qu'il avait hurlé, et que sa mère l'avait pris dans ses bras pour le serrer, le serrer, le serrer autant qu'elle le pouvait ; à cet instant, on aurait juré qu'elle avait mis en place un programme qui consistait à sauver son mari, puisqu'elle ne pouvait plus rien pour sa fille.
Sara, la sœur de Toni.
2004 — Bric à brac de branchements bordéliques, elle ne se sent jamais aussi bien que dans cette boutique. Son père l'avait reprise y'a de ça trois ans, après le départ à la retraite du propriétaire, un genre de vieux nerd aux lunettes rectangulaires et au sourire franc. Il lui avait vendu une bouchée de pain, ce magasin de matériel informatique, et c'était certainement le premier geste aimable que l'on faisait pour eux depuis cinq ans. Ils n'étaient pas trop aimés dans le coin, faut bien le dire ; parce qu'on regarde toujours un peu de travers ceux qui sont pas d'ici, les parvenus, les fraichement débarqués. Surtout lorsque leurs mots d'anglais sont tâtonnants,
je veux dire, ils pourraient faire un effort, non ? Puis ils ont la réputation d'être des communistes, pas vraiment des grands fans de Tony Blair, et le détail n'arrange pas leurs affaires.
Toni n'a pas trop d'amis, à l'école. Pourtant, on pourrait dire qu'elle s'est bien adaptée, elle parle bien la langue maintenant, arrive presque à faire oublier son accent. Mais pour les autres gosses, c'est marqué sur sa tronche comme un néon clignotant : elle est pas d'ici. Et vous savez ce que font les mômes de la différence ; ils l'exploitent, la saignent, la creusent dans l'espoir fou de faire disparaitre celui ou celle qui en est le sujet. Croyez bien qu'elle en fait les frais.
Alors après les classes, c'est ici qu'elle traine ; entre les écrans à réparer, les disques-durs, les câbles en désordre. Quelque chose là-dedans la fascine, car un ordinateur, c'est rien qu'un gros cube dans lequel on aurait réussi à faire tenir le monde entier. Et puis à l'intérieur, tout est lisible, organisé, rangé. Elle y voit la beauté féroce des règles informatiques, la dictature des codes ordonnés pour en masquer le chaos. Elle y passe des après-midi entières, en compagnie silencieuse de son père. Parfois, il lui montre deux-trois trucs, la laisse tenir les pinces et les tournevis, changer les cartes-mère. Là-bas, elle se sent paisible, apaisée, et à sa place ; certainement que c'est la première fois depuis des années.
2010 — Toni, tu nous expliques ?
Elle est là, à l'autre bout de la table, mine renfrognée et épaules courbées. Dix-huit piges tout juste, la dégaine des
tomboys à l'allure rebelle, le regard qui fixe la nappe sans la voir. Délice d'une nonchalance presque noire. Elle appuie sa joue contre sa paume de main, gratte du bout de l'ongle une tâche de sauce pimentée sans sembler prêter attention au regard de ses parents, posés sur elle. Sans doute sont-ils concernés, un peu en colère, un peu éberlués. Ils n'avaient pas prévu de recevoir un coup de fil de l'agence contre la Cyber-Criminalité, qui soupçonnaient leur implication dans la création d'un ver informatique, un
worm comme ils disaient, dans plusieurs réseaux informatiques de la région. Mais Toni, la seule chose à laquelle elle pense, c'est de savoir où elle a merdé pour qu'ils soient en mesure de la retrouver ; elle n'était pas l'un de ces
lamers qui avaient la bêtise de lancer des attaques directes, elle avait pourtant pris soin de masquer son IP en procédant par rebond, passant par différents serveurs d'entreprises informatiques en Thaïlande et au Japon. Et laissez moi vous dire que le programme qu'elle avait écrit était du genre bien foutu, parce qu'il ne se contentait pas de se propager par l'intermédiaire des mails, comme le voulait la tradition ; le worm en question filait de lui même à travers les réseaux WiFi, s'exécutant automatiquement sur toutes les bécanes infectées sans que l'utilisateur n'y remarque quoi que ce soit. Un putain de virus comme on n'en faisait plus, le genre que n'importe quel hacker aurait aimé créer.
Joder de mierda, où est ce qu'elle avait pu se planter ?
—
Madre de dios, Toni, tu vas répondre ?
Elle lève les yeux, lentement. C'est vrai, elle n'écoutait plus depuis plusieurs instants. Et au fond, elle n'aime pas voir cette déception, cette incompréhension dans le regard de ses parents. Elle aimerait dire qu'elle a fait ça pour eux, pour lui, pour son père ; il disait qu'il n'avait pas assez de clients à la boutique en ce moment, alors elle s'était dit que ça ferait du bien aux affaires, de propager un petit ver dans les réseaux de la région. Quelques bécanes qui plantent mystérieusement, et elle qui arrive avec une solution clé-en-main. Fastoche.
Dommage que ces
malparidos de la cybercrim aient été un peu plus futés qu'elle ne l'avait escompté.
Mais elle n'avouera pas aujourd'hui, pas alors qu'ils n'avaient aucune preuve contre elle, et qu'il lui restait encore une chance de couvrir ses traces. Ils avaient été malins, mais elle l'était plus encore. Alors, la voilà qui hausse les épaules, splendeur de désinvolture. À ses lèvres se niche une moue légère, de celles qu'adoptent les menteuses trop chevronnées pour leurrer leur monde. Et elle a même l'audace de soutenir leur regard. Toni, foutue menteuse aux yeux noirs.
— C'est forcément une erreur.
2020 — La musique résonne autour d'elle comme en écho, et dans la nuit, elle n'est plus qu'un corps qui danse. Les lumières stroboscopiques clignotent, passent du rouge au blanc, au bleu, au vert à toute vitesse, trop vite pour son esprit embrumé. Elle ne sait plus ce qu'elle a absorbé. Seule lui importe la libération, l'extase d'être un instant en état de transe, plus seulement un esprit qui pense. Elle a les paupières closes, la nuque se renverse vers l'arrière, elle hume l'air enfumé. Toute notion de temps s'est éclipsée.
Parfois, elle a besoin de ça, de ces instants où elle se remplit de vide et de brouhaha, où la musique devient salvatrice. Une techno basique ce soir, elle ne fera pas la difficile. Tout ce qu'elle veut, c'est avoir l'esprit saturé, comme un serveur que l'on harcèle de requêtes fantômes et qui finit par buguer, un genre de
Denial of Service auto-dirigé. Une façon d'arrêter le système l'espace d'un moment, d'interrompre les programmes qui tournent dans son esprit sans discontinuer, en arrière-plan. Elle en a besoin comme les bécanes ont besoin d'une maintenance, d'une réinitialisation système pour éviter les plantages ; sinon, sûr et certain qu'elle courrait vers l'erreur système, à force de passer son temps enfermée, à aligner les lignes de codes enchaînées.
Voyez ça comme une façon de se préserver.
Elle s'extirpe de la foule sans la voir, sans chercher à reconnaître les visages. Elle est seule, ce soir. Peut-être pas pour longtemps, ça dépendra de son humeur ; mais pour l'instant, elle n'a besoin que d'un verre. De plus. Pardon, elle a oublié de les compter.
Ses avant-bras s'appuient contre le bar et son menton s'incline vers le bas alors qu'elle exhale, la tête un peu lourde. Putain, elle a envie d'une clope. C'est bien la seule chose qui l'emmerde dans ce genre de lieux fermés, l'impossibilité de s'en griller une lorsque la nicotine venait à manquer.
— Bonsoir, Cipher.
<_.E r r o r 4 0 4_!>Voilà un bon résumé de ce qui se passe dans l'esprit de Toni à cette seconde précise. C'est un arrêt. Une erreur interne. Un bug, parce que ce pseudo n'aurait jamais dû être prononcé à voix haute ; il appartenait au monde virtuel, à cet espace parallèle qu'elle envahissait une fois la nuit tombée. Anonymement, toujours. Et étant donné le mal qu'elle se donnait à toujours couvrir ses traces pour le rester, disons que ça l'emmerdait légèrement de se voir interpellée par ce nom là, comme si tout était parfaitement normal.
Soudain, c'est comme si toutes les substances ingurgitées cessaient de faire effet. Son cerveau se rebranche, le système redémarre à la vitesse de l'éclair, et son propre programme d'auto-défense avec. Elle relève le menton vers l'homme à ses côtés, celui qui lui a parlé ; le regard est brumeux, mime le désintérêt.
— C'est à moi, que tu parles ?
[ A c c e s s d e n i e d ]
Il sourit vaguement, fait signe à la barmaid pour commander un verre. Dans l'esprit de Toni, les visages défilent à toute vitesse, essayant vainement de déterminer si elle l'avait déjà aperçu avant ; mais les traits ne trouvent aucune correspondance dans ses souvenirs. L'homme lui est parfaitement étranger.
Elle avance à l'aveugle, et elle déteste ça.
— L'attaque DdoS sur les serveurs de Detchford Securities le mois dernier, c'était quelque chose, Qu'il balance, le plus naturellement possible. Je voulais rencontrer le cerveau à l'origine de ce programme.
La voilà qui revient, comme une gifle. La paranoïa.
Chez elle, c'est une maladie. Un truc chronique qu'elle réussit parfois à oublier, à mettre de côté, mais dont elle ne guérit jamais tout à fait. Un monstre grandissant qui vit à l'intérieur, et qui la force à considérer tout être comme un potentiel ennemi, un antagoniste qui pourrait lui nuire. Ça fait des années, maintenant, des années qu'elle dort qu'à moitié, qu'elle scrute les visages et les inscrit dans sa mémoire, qu'elle ne dit d'elle que le strict minimum. Toni, elle ne fait confiance à personne, et surtout pas à ceux qui semblent tout connaitre de ses activités.
ù$^$*£##%*¨é !»(-&jgrç !$ Joder de mierda, comment il avait pu savoir, cet enfoiré ?
Nerveux, son regard noir balaye les alentours, et un instant, elle se demande si elle est écoutée. Elle se demande si ce mec est de la cybercrim, s'il porte un micro, si elle doit continuer à nier et.
— Je sais ce que tu penses. Je suis pas un flic.
D'accord, le mec est flippant. Ou alors, c'est son putain de cerveau qui est sur écoute, et on est encore plus mal barrés. Loin d'être rassurée pour autant, elle lui jette alors un regard agacé.
— Qu'est ce que tu veux, alors ?
Lentement, il attrape son verre, et boit une gorgée du liquide ambré qu'il contient. Les doigts nerveux de Toni frappent contre le comptoir, mais son regard lui, reste noir. Immobile.
— Tu as déjà entendu parler du Cénacle, Toni ?
- ton pseudo sur la toile. a écrit:
- A tes méchantes blessures. blue toujours, heureuse propriétaire d'un labrador nain du nom de @Max Gunn, qui avait juré ne pas se dédoubler. Voilà qui est chose faite.
kezako, ton perso. inventé de toutes pièces
- Code:
-
[u]steffy argelich[/u]. ∴ @"Antonina De la Serna"
[u]hacker[/u] ∴ @"Antonina De la Serna"
[b]Quartier d'habitation :[/b] St-Sidwells
[size=10][u]06[/u] [b][i]Antonina De la Serna[/i][/b] ∴ studio[/size]
crédit icons strangehell.