breathe again. (adèle)

Adèle, elle avait fait de son mieux, pour que son retour soit silencieux, que l’on ne remarque ni son départ ni sa nouvelle arrivée, dans ce coin, qui lui avait servi d’abri et d’exil, après tant d’années à fuir, sillonner les routes. Un rien dans les poches, sur le dos, le tout dans un sac ou deux, pour que l’on évite de reconnaître celle qui tentait de se changer les idées. Elle en avait aidé, des familles de fermiers, des petits commerçants, en ne demandant qu’un toit et un peu de nourriture, pour survivre jusqu’à la saison prochaine. Exeter était sa première ville salvatrice, lui donnant un nouveau souffle, même si le répit n’avait été que passager. Un souffle et tout le chaos du monde lui tombait dessus, s’effondrait sur ses épaules. Enfoncée jusqu’à la racine des cheveux, ses bras frêles tentant d’onduler pour remonter à la surface : en vain. Crevée, Adèle, elle n’incarnait qu’une charogne, attendant que les dernières rapaces s’en viennent, arracher les morceaux restants de son enveloppe en décomposition. Il y avait eu quelques essences, s’accrochant à la sienne, rendant sa pénitence plus agréable, que seule, au milieu des lames ensanglantées, taillant ses veines jusqu’à la perte de connaissance. De nombreuses tentatives de s’ôter la vie, sans y parvenir. Adèle, elle trimballait un bagage massif et oppressant de souvenirs désastreux, écaillant un peu plus son essence. La tête dans le flou total, alors que ses déplacements se résumaient par thérapie et courses. Courses et thérapie. Ni plus ni moins. C’en était fini des sorties aux cafés pour un brunch matinal ou des pâtisseries, ne se rapprochant jamais de l’excellence de celles françaises, ayant bercé la plus grande partie de son enfance. Et elle en eut envie, de ces viennoiseries grasses, de ces toasts à l’avocat et l’œuf coulant, le jus d’orange frais. Sur un coup de tête, une impulsion alimentaire, elle commandait ses envies dans un petit restaurant, attendant donc la venue proche de son sauveur, le cul enfoncé dans le divan. Grattant les cordes de son autoharpe, quelques mélodies somptueuses, qui ne symbolisaient rien d’autre qu’un passage de temps, évitant ainsi de se torturer l’esprit. Elle bondissait presque, la gamine, entrouvrant la porte, mais ce ne fut guère la frimousse d’un vendeur aux joues écarlate, par l’effort sportif. Nora se tenait là, immobile, perdue entre un océan de colère, rancœur, soulagement, tristesse et joie, que de revoir sa belle amie, l’âme sauvée, au détour d’un appel de désespoir. Elle restait conne, Adèle : v’là que sa grande gueule se fermait, qu’elle respirait à peine, la chimère, sonnée par l’arrivée soudaine de la blonde. Celle qui prenait une place importante dans son cœur. Froid, endormi. Elle se décalait, la laissait rentrer, en collant son dos contre la porte. Pas fière, lorsque l’amie se pointait, en la mettant face à ses erreurs. Si, la brune agissait cruellement envers celle qui emportait son palpitant, dans une valse rosée, pour l’éloigner, la dégoûter, la donne changeait face à la blonde. Qui pleurait… Et pleurait, face à l’incompréhension de son geste. La disparition soudaine à laquelle personne ne s’attendait. Elle ne disait rien, se contentait d’approcher, d’un pas pudique, fébrile. L’entourait de ses bras, l’attirant tout contre son corps. Qu’elle vienne éteindre son chagrin, auprès de l’amie retrouvée.