la nuit tombe, projette dans le ciel ses milliers de paillettes. le soleil a cédé sa place, la lune s'élève et caresse les âmes de sa douce lueur. à exeter, la vie bat son plein même une fois le voile tombé. ça te change de l'islande, nora. même si la tranquilité de ton ancienne vie te manque souvent, t'avoues que l'énergie folle de la ville te plaît aussi. exeter dort jamais vraiment au fond. et toi, petite aventurière, tu suis son rythme. alors une fois rentrée de ta journée au garage, la peau imprégnée de cambouis, il te faut pas longtemps pour décider que ta soirée se passera pas dans ton lit. t'es habituellement pas du genre à te soucier de ton apparence, t'aimes pas faire de chichis. mais ce soir, t'y prêtes un peu plus attention. une robe noire, courte, mais qui te colle pas à la peau. ton éternelle veste en jeans, abîmée, élimée, mais dont tu voudras jamais te séparer. tes chaussures noires à lacets, remontant jusqu'à tes chevilles. et tes longs cheveux blonds détachés, épousant le contour de ton visage subtilement réhaussé par quelques touches de maquillage discret. t'es parée à oublier cette longue journée nora, à te changer les idées.
et alors tu rentres dans ce bar, en plein milieu de la ville. il y a du monde, mais pas autant que d'habitude. tu peux facilement y respirer, y faire ta place. alors tu te fraies un chemin jusqu'au bar et tu réfléchis un temps à ce que tu vas commander. puis avec un sourire, t'accostes le barman en lançant « un daiquiri s'il te plaît ! » enjoué et t'attends patiemment que ta boisson arrive. tes yeux font rapidement le tour des lieux. aucun visage connu à l'horizon, mais ça t'empêchera pas de passer un bon moment.
La belle tombe en cascade sur Exeter, obscurcissant les rues d'une ombre douce. La lune éclabousse le bitume sous mes boots. J'ai besoin d'un verre. Pour chasser mes démons, leur clouer le bec alors qu'ils m'inondent. Au moins, les repousser le temps d'une trêve salvatrice.
Ce soir, pas de raclure à descendre. Mais une annonce à l'effet d'un coup de poing dans le bide. Elle m'a vraiment fait ça. J'ai été son putain de pantin et j'ai passé deux ans au trou à cause d'elle. Toutes les mêmes, ces putains de sirènes. Ça chante pour t'enjôler, puis ça te noie dans les bas-fonds avec un sourire carnassier. La rage grimpe dans mes veines pour étreindre mon palpitant désaccordé.
Je pousse la porte du bar, et j'avance jusqu'au comptoir sans prêter attention aux gens qui sont déjà présents. — Tequila. Je suis assis dos au monde. La tête entre les mains, les yeux qui se perdent dans le vague. Soirée bancale. Comme la Terre. Les verres s'enchaînent, le flou s'impose, anesthésie mon cœur qui m'indispose.
Et j'te vois. Ton visage imprimé sur mes rétines comme un arrière-goût amer. T'es là, à siroter ton verre. L'air léger. Ta robe, noire, courte. Tes jambes quasi nues. Et ta dégaine éloignée de celle que t'avais quand je t'ai croisée la première fois. J'ai pas oublié non plus tes mots dans ce putain de garage maudit. Le malin rôde, susurre à mon oreille de me lever et de prendre ma revanche. Tentation attirante séduit mon âme noircie.
Un nouveau verre entre les doigts, je quitte mon tabouret pour t'approcher. Loup silencieux traque la biche trop audacieuse. T'as pas de chance, ce soir je suis pas d'humeur. Tu regardes ailleurs, c'est l'occasion. Je te bouscule l'air de rien, renverse l'intégralité de ma boisson sur toi. Jusqu'à la dernière goutte. Sourire de travers balafre mes lèvres. Et je te toise, l'insolence jusqu'au bout des cils.
t'en es déjà à ton deuxième verre, doux breuvage aux milles merveilles. t'as les oreilles qui chauffent un peu, la tête qui tourne délicieusement. les sens en alerte, à l'affut de toujours plus de sensations. perchée sur ta chaise, accoudée au bar, tu discutes avec un homme ou deux qui passent par là, une femme parfois, banalités échangées avec ton âme émoussée. les minutes s'écoulent, tu ris, tu bois, tu vis nora.
et d'un coup, le choc, puis la douche froide. le tissu qui te colle à la peau, qui glace ton épiderme au contact. tu te dis d'abord que c'est un accident, qu'une personne trop émêchée a maladroitement renversé son verre sur toi. alors tu te tournes avec un sourire vers la personne reponsable de cette sensation désagréable sur ton ventre. mais quand tu croises le regard de l'homme qui a déversé le liquide collant, ton sourire s'éteint aussi vite qu'il est apparu. ton air se durcit face à l'insolence dans ses yeux, l'arrogance au coin de ses lèvres. c'est pas un hasard, c'est pas un accident. c'est délibéré, ces yeux clairs t'allais pas les oublier. « c'est une blague ? » tu lâches en te retenant, l'agacement remontant pourtant le long de ta gorge. tu te rappelles très bien de son arrivée au garage, de ses mots suffisants qui laissaient entendre que t'étais pas capable de bien prendre soin de sa moto. mais tu t'es pas laissée faire, tu lui as dit qu'il pouvait aller voir ailleurs s'il était pas content. t'allais pas te laisser marcher sur les pieds. il a fini par te laisser sa moto entre les mains, à contre-coeur, à observer tes moindres faits et gestes pour s'assurer que t'allais pas foutre en l'air quelque chose. dire que tu l'apprécies pas ce gars-là, c'est un euphémisme. et ce qu'il vient de faire arrange clairement pas tes sentiments à son égard. « j'peux t'aider peut-être ? » t'attrapes en parallèle une serviette qui traîne sur le comptoir et t'essaies vainement de pomper un peu du liquide. mais tu sais bien que c'est trop tard, t'es poisseuse, collante et la seule chose dont tu rêves plus que de rabattre son caquet à ce type, c'est une bonne douche chaude.
Le monde continue de tourner dans le bar. Mais ton sourire reste en suspens sur tes lèvres rosées. Comme figé. Comme si tu t'attendais à voir un ange. Sauf que c'est aux ténèbres que tu fais face. T'es presque déçue. T'espérais ptète trouver le prince charmant. Le destin en a décidé autrement.
— Oups. — c'est une blague ?
Ma bouche s'étire, ouvertement moqueuse. C'est pas une blague, non. J'avais pas l'intention de te faire rire. Seulement te provoquer. Poser un doigt insolent sur la limite de ta patience. J'me souviens quand j'suis tombé en rade sur le bord de la route. C'était pas le moment, fallait pas qu'on me mette la main dessus. Alors j'ai tiré ma bécane jusqu'au garage à cent mètres de là. J'ai cru à une bénédiction. Et j'suis tombé sur toi. T'avais pas la gueule de l'emploi. Te laisser toucher ma moto ? Même pas en rêve. Pourtant j'ai dû me faire violence et me fier à tes mains qui s'activaient dans le cambouis. T'as refusé que je m'en occupe moi-même. Ton garage, tes règles. T'étais ma seule option à ce moment-là. Mais je t'ai pas épargnée pour autant. Notre rencontre a été sous haute tension. L'ambiance peut-être plus électrique que dans les quartiers chauds d'Exeter. T'as subi. J'ai été imbuvable avec toi pour te faire payer ton audace.
— j'peux t'aider peut-être ?
T'essaies maladroitement d'essuyer ta robe avec une serviette. Peine perdue. Elle est imbibée d'alcool et ça sent fort. Ça a pas l'air de te plaire. Pourtant tu faisais pas la fine bouche quand t'avais de la crasse jusqu'au nez dans ton garage.
— Absolument pas, tout va très bien pour moi.
Le sarcasme jusqu'au bout des lèvres. Je m'accoude au comptoir et je te toise. T'as l'air différente loin des tâches d'huile, loin de l'atelier. C'est comme deux faces d'une pièce de monnaie. Faites de la même trempe, l'apparence changée seulement en surface.
— J'suis pas sûr qu'il plaise à ton Roméo, ton nouveau parfum.
J'te nargue. Qu'est-ce que tu foutrais dans un bar si t'attendais pas un mec ? T'as pas l'air du genre à fréquenter ces endroits. Toi, t'es du genre à flotter confortablement sur le nuage de ta vie parfaitement lisse, sans vague. T'es la p'tite blonde à qui tout sourit. T'as le soleil en toile de fond, quand la mienne est peinte aux couleurs de la nuit. Depuis ta bulle, t'as sûrement pas conscience de l'existence de mon univers. C'est pas le paradis chez moi. C'est un enfer si sombre que même Lucifer traîne des pieds pour y entrer.
de chaleureux et enjoué, ton visage est devenu pluvieux et dépité, orageux et irrité. t'as perdu ton sourire, nora, et pourtant pas grand-chose parvient généralement à l'effacer. mais la simple vue de ce guignol, de cet ours mal léché, t'a fait perdre l'envie de rigoler. tu le vois te toiser, son air moqueur dont il ne peut se séparer, et t'en as qu'une seule d'envie : lui en foutre une bonne et qu'il débarrasse le plancher. tu lâches pas ses yeux, soutiens son regard, tu lui montres que t'as pas l'intention de le laisser s'en tirer comme ça. mais t'es joueuse toi aussi, tu préfères la guerre avec sarcasme sous haute tension que les batailles froides et pètesecs. alors tu poses ta serviette sur le bord du bar et un sourire retrouve son chemin, un sourire reflétant celui de ton interlocuteur. tu te lèves, fais un pas dans sa direction et approches brièvement tes lèvres de son oreille. « t'inquiète pas pour moi, roméo et juliette sauront me faire oublier ce mauvais moment en un rien de temps. par contre… » tu continues, provocante, tes doigts restés serrés autour de ton verre. « j'suis pas sûre de te voir conclure de ton côté, monsieur le pressé. » tu susurres encore, ta main se penche et déverse le reste de ta boisson sous la ceinture du ténébreux qui a osé te narguer. t'as peut-être l'air douce et gentille, nora, mais faut pas non plus te chercher. c'est bas ce que t'as fait, t'en conviens, mais dans le fond t'en as rien à carrer. la guerre est déclarée et tous les coups sont bons pour gagner. c'est lui qui a lancé la première pierre, alors qu'il vienne pas te faire chier. t'essaies d'ignorer son parfum qui, de par cette proximité soudaine et imprévue, vient te titiller et t'enivrer plus que tu l'aurais souhaité. guerre avec sarcasme sous haute tension, c'est bien ça ? cette haute tension entre vous, tu la sens plus que jamais en tout cas.
Ta lumière s'éteint, remplacée par un faciès morose et blasé. Pour mon plus grand plaisir. Pourtant elles vacillent à peine, tes prunelles azurines. T'as pas envie de plier face à l'acier moqueur. Tu t'accroches, me tiens tête. T'as pas la moindre foutue idée d'où t'es en train de t'embarquer. C'est gracieusement que tu te lèves, légère et vaporeuse dans l'atmosphère lourde du bar. Ton souffle vient chatouiller mon oreille dans une proximité soudaine.
— t'inquiète pas pour moi, roméo et juliette sauront me faire oublier ce mauvais moment en un rien de temps. par contre… — Par contre t'es comme ça toi ? Les deux à la fois ?
Parfaitement immobile, je ricane franchement. Tes mots passent au-dessus de ma tête. Roméo et Juliette ? Toi ? J'serais prêt à vendre mon âme au diable pour parier que tu viens de mentir, mais c'est déjà fait depuis un sacré bout de temps. T'es farouche mais pas dévergondée pour un sou. Toi t'es sage, douce. Du genre à réclamer l'obscurité. Étouffer tes courbes sous les draps et tes soupirs contre l'oreiller. Est-ce que j'viens de t'imaginer en train de t'envoyer en l'air ? Clairement. Chaleur qui grimpe doucement le long de mon corps. Sûrement liqueur et son effet salvateur.
— j'suis pas sûre de te voir conclure de ton côté, monsieur le pressé.
Tu minaudes, ta main s'approche de ma ceinture. Pour y déverser ta boisson. Putain d'audace. Tension monte d'un cran sur le fil de mes nerfs. Ma mâchoire se crispe légèrement, mais je fais naître un rictus au coin de mes lèvres. Le liquide imbibe rapidement mon jean mais l'odeur reste imperceptible comparé à l'amertume de la tequila qui se dégage à chacun de tes mouvements. Autour, le monde en suspens.
— Ça va décevoir tes espérances, mais j'suis pas venu pour baiser.
L'impulsivité maîtrisée avec aisance laisse place à un ton désabusé. Ça tonne en arrière-plan. Comme un grondement, menaçant. Mais le sarcasme adoucit la colère, nuage moqueur. Signe discret au barman. En même temps, j'attrape la serviette que t'as lâchée sur le bar, et d'un geste assuré, j'entreprends d'essuyer mon entrejambe détrempée. Mes iris rivés aux tiens. Détonnante provocation. Murmure suave se glisse jusqu'à tes oreilles. Ravageur.
— Tu veux toujours m'aider ? T'as l'air bien intéressée par cette partie de mon corps.
L'oeillade franche, sans ciller. Et un rapprochement accentué. Une subtile odeur florale se mêle au parfum de la tequila. Bouscule mes sens exacerbés par l'alcool doré. Ma main gauche chope le verre fraîchement apporté. Et lentement, je déverse son contenu au-dessus de ta tête. Le regard qui pétille. Ça dégouline sur ton visage et détrempe tes cheveux.
— Excuse-moi, t'avais l'air d'avoir un peu chaud.
Une satisfaction bancale balafre mon sourire. Insolent malicieux joue salement avec tes nerfs. Fier, j'admire mon œuvre. D'ici, j'aperçois les reliefs au fond de tes yeux.
t'aurais mille fois préféré jamais recroiser la route de ce gars-là, mais le destin est pas de ton avis nora. autant essayer de tourner la rencontre à ton avantage. t'abandonneras pas, c'est pas ton genre ça. alors tes lèvres presque collées à son oreille arborent un sourire satisfait à l'idée de ce qui va bientôt se passer. « l’un, l’autre, les deux à la fois… qui sait c'qui arrivera. » pas que ça le regarde, mais puisqu'il semble pas imaginer ça de toi, ça te fait plaisir de le contredire. l'amour à deux, l'amour à trois, au fond pourquoi pas. pas de sentiments, juste des corps qui se mêlent et s'entremêlent. si ton coeur était à prendre, un seul individu pourrait s'en emparer. mais tant que les ronces le gardent caché, tu vis ta vie à la recherche de nouveaux contacts, de nouvelles sensations. alors qui tu enlaces sous tes draps ne regarde que toi.
liquide sucré, subtilement déversé sous sa ceinture. des mots susurrés, un sourire satisfait pointe son nez alors que ton visage recule légèrement pour planter ton regard dans le sien. t'as pas le temps de voir sa mâchoire se crisper, juste son rictus te toiser. t'oublies un peu ta peau poisseuse à cause de l'alcool, le tissu qui te colle. ton interlocuteur a toute ton attention. un peu trop, même, mais tu te poses pas la question. « quelles espérances ? p'têtre celles de miss fausse prude là-bas, mais certainement pas les miennes. » ton regard lâche pas le sien, ta lèvre mordillée, t'attends de voir qui de vous deux va céder le premier. il le sait pas, mais t'es sacrément bornée nora, tu lâcheras pas. sauf que ton adversaire a de quoi user ta résistance, déjà mise à l'épreuve par l'électricité ambiante. il attrape ta serviette, s'attaque à ton oeuvre pour essayer d'essuyer à son tour le tissu imbibé. ça doit pas être agréable à cet endroit-là, mais il avait qu'à pas te chercher. et la provocation à peine dissimulée sort de ses lèvres, vient te toiser. « alors là, pas du t... » tu commences pour contester, un peu plus piquée par ses paroles, avant de te stopper net.
tu sens le liquide couler le long de ton visage, glisser aussi contre ta nuque. des mèches te collent à la peau, la sensation est plus que désagréable. et tu le vois, là devant toi, le sourire aux lèvres, fier de lui comme t'étais fière de toi. tu pourrais t'arrêter là, être la personne responsable qui tourne les talons et laisse derrière elle cette histoire absurde. tu pourrais. mais t'as pas envie. t'as pas envie de laisser gagner ce rictus. sauf que cette fois, franche impulsivité, tu prends ta revanche si rapidement que tu laisses pas à ton esprit le temps de la préparer avec subtilité. toujours souriante, les yeux plongés dans son regard perçant, t'attrapes le verre presque plein de ton voisin, trop occupé à parler pour remarquer la disparition de sa boisson. à peine tes doigts ont-ils agrippé le verre que tu en jettes le contenu au visage de celui qui t'a tant provoqué. « oops, pardon, t'avais l'air complètement assoifé. » tu répliques, à nouveau satisfaite de ton coup. la proximité de vos corps, l'alcool et vos odeurs se mêlant, brouille temporairement ton esprit, tes yeux lâchant jamais les siens.
sauf que cette fois, votre bagarre passe plus inaperçue et tu sens sur toi, sur vous, de nombreux regards. parmi eux, celui d'un videur qui s'approche d'un air décidé. qui, la main agrippant vos épaules, vous pousse en dehors de l'établissement sans cérémonie. pourtant tu regrettes pas, nora. pas un seul instant. t'as la tête qui tourne délicieusement, l'envie de rire aux éclats. comme si rien de tout ça était réel. pourtant ta robe te colle à la peau, tes cheveux emmêlés comme jamais. et cet homme, qui t'en fait voir de toutes les couleurs, à quelques mètres de toi.
Tu vois que moi. Y'a des tas de gens dans ce foutu bar, mais c'est moi que tu regardes, sans jamais dévier tes prunelles. Je t'ai happée dans mon monde, éclipsant le reste autour. C'est comme quand la nuit tombe, qu'elle rampe, absorbe le moindre recoin lumineux jusqu'à ce que la noirceur l'emporte. T'étais pas ce que j'attendais. Qu'est-ce que j'attendais ? L'ivresse, à l'excès. Celle qui fait danser les lumières même dans le noir complet. Celle qui fait couler mes démons, fait taire mes plaies. C'est pas encore le moment. Trop tôt, mais je sens que l'ambre gagne du terrain. Doucement elle s'impose, prenant le dessus sur le carmin.
— quelles espérances ? p'têtre celles de miss fausse prude là-bas, mais certainement pas les miennes. — Tu parles beaucoup trop.
Ma manière de te dire que je te crois pas. T'es tout sourire alors que tu me sers ta fausse excuse bancale. T'es même pas convaincue par tes propres mots. Rictus narquois habille mes lèvres, rien que pour toi. Je perds le fil, un instant. La faute à l'ébriété qui s'impose un peu plus à chaque seconde. Peut-être. Puis vient le contraste cinglant entre la boisson fraîche que tu me jettes et la chaleur louve de ma peau.
Ça fuse. Fort. Incisif. Toi, tu respires la fierté à des kilomètres. L'alcool me brûle les yeux, j'attrape brutalement le revers de mon t-shirt et tire dessus en me penchant légèrement pour essayer d'essuyer le breuvage qui coule sur mes joues. Colère sourde. Rauque. L'air crépite comme une ligne sous haute tension. L'acier brûle et noircit mon regard. En quelques secondes, c'est plus seulement toi contre moi. Des paires d'yeux se posent sur nous. Notre petit manège n'est plus si discret. Et le videur, qui se prend clairement pour un cowboy, se ramène pour nous foutre dehors. J'réclame mon casque, sur la table. Puis j'me laisse faire, j'ai besoin d'air.
La nuit est tombée, obscurité réconfortante adoucit les contours abrupts du monde. T'es plantée là, légère. Je devine presque l'ombre d'un sourire sur ta bouche. Ça tranche avec le réel. Tu bouges pas, pourtant tu m'aimes pas et t'as eu mille occasions de te barrer depuis un bout de temps. Et quand je t'ai vue dans ce bar, j'avais le choix. Celui de faire comme si t'existais pas. T'éviter. J't'aime pas non plus. Mais j'ai choisi de venir percuter ton univers avec mon insolence.
Est-ce que c'était vraiment un choix ? Est-ce qu'on est vraiment maîtres de ces énergies qui fusent en permanence ? C'est ptète comme une force mystérieuse. Magnétique. Deux pôles opposés qui s'attirent. Et si on n'avait finalement aucune prise sur tout ça ? Et si, même sans croiser la route d'Ada, j'avais fini en taule d'une manière ou d'une autre ? Si j'devais finir seul quoi qu'il arrive ? Amer.
Tequila vivace. L'inspiration profonde, les sens brouillés. Enfin. La brise porte ta fragrance jusqu'à moi. M'enivre davantage encore. Quelle heure ? Peu importe. La lune veille. Toujours. Un peu moins seul sous son doux halo. Des gens passent, silhouettes floues. T'es bousculée. Invisible. Sauf pour moi. Comme si on faisait partie d'une dimension parallèle. Le monde bancal, mégalo. Mes iris tombent sur les tiens. Hasard.
— J'comptais pas rester toute façon.
Je renifle, l'impression que tes effluves me poursuivent. Ma paume ramène mes cheveux en arrière, réajuste mon perfecto. Machinal. Je passe. Mon tour de te bousculer. Exprès. Volte-face. Je marche à reculons. T'adresse un sourire provocateur. Joueur. Défi. Main dans la poche. Pile ou face avec c'putain d'hasard. Pile, je gagne. Face, tu perds. Bienvenue en Enfer.
Sujet: Re: half heaven, half hell. (norhys) Dim 14 Mar - 23:50
« half heaven, half hell. »
dire que tu pensais juste passer une soirée banale. boire quelques verres, payés ou offerts. discuter avec quelques habitués, passer le temps, t'émerveiller ou finir blasée selon les discours. peut-être terminer la nuit en bonne compagnie, que ce soit chez toi ou dans un autre lit. pas une mauvaise soirée en soit, juste une soirée sans intérêt particulier. et au final, t'es pas fâchée que ta soirée soit un peu plus pimentée. agaçante aussi, certes, mais parfois la frontière est fine. y a un petit quelque chose qui t'intéresse un peu dans le fond. il te provoque, mais tu te plais bien à lui rendre la pareille. l'air est électrique, tu sens qu'un rien pourrait tout faire exploser. haute tension qui menace, mais aussi qui attire. qui peu à peu grimpe et envahit l'atmosphère. et atteint son paroxysme quand tu envoies valser à sa figure le verre que t'as dérobé à ton voisin. ridicule. il te traite de ridicule. parce que l'entiereté cette situation n'est pas délicieusement ridicule ? bon, t'avoueras quand même que dans les yeux, c'était pas très cool. mais t'as ce rictus idiot en plein sur la face et t'arrives pas à t'en défaire.
et d'un coup, la bouffée d'air.
t'es gentiment raccompagnée à la porte du bar par une main d'un videur, ton adversaire inattendu poussé par l'autre. et c'est là que tout devient encore plus bizarre. tu pourrais repartir loin de là, laisser cet individu et toute cette histoire derrière toi. mais t'en as pas envie nora, t'as l'envie de rire aux éclats. l'envie de continuer cette bagarre complètement ridicule. alors tu restes là, tu bouges pas. si bien que tu te fais vite bousculer par un ou deux passants qui prêtent pas attention à toi. ça tombe bien, tu fais pas attention à eux. y en a qu'un ici sur lequel t'as rivé tes yeux. un seul digne de ton intérêt. et t'as le sourire qui pointe à nouveau sur les lèvres. t'as pas ouvert la bouche depuis tout à l'heure, tu le fixes comme si vous étiez hors du temps.
et il se met en mouvement.
te bouscule, comme si de rien n'était. t'es déstabilisée l'espace d'une seconde, mais tu te remets vite d'aplomb. tu te retournes, il te fait face. avance à reculons pour mieux de toiser, son rictus indétrônable. vos regards ne se quittent pas et tu sens tes pieds suivre le même chemin qu'il a pris. « t'avises pas de dire que je te suis, c'est ma direction là en fait. » tu lances comme ça, comme si tu faisais pas exprès de marcher sur ses traces. un banc trône sur le bord du trottoir et tu grimpes dessus, avançant sur la tranche en équilibre, funambule aux heures perdues de la nuit. les pieds joints, tu rejoins le sol, douce gravité t'a tirée. tu te sens comme une gamine, nora. la rue est à toi, à vous peut-être, qui sait. t'es prête à jouer avec le feu, si ça veut dire continuer à ressentir le torrent de contradictions en toi. tu sors ton baume pour les lèvres, en applique brièvement. puis t'accélères le pas, tes yeux toujours rivés sur les siens. la douceur de la lune l'enveloppe, contraste avec l'obscurité. et si vous recommenciez à jouer ?
tes lèvres s'approchent de son oreille pour murmurer « action ou vérité ? »
code secret comme pour dire tout simplement que t'as envie de rester. que ce petit jeu qui s'est installé te plaît plus que ce que t'aurais envie d'avouer. tu l'aimes toujours pas, ça va de soit, mais y a petit quelque chose en toi qui veut le provoquer. le titiller. et vu son air, tu mettrais ta main à couper que t'es pas la seule à ressentir ça. t'as remis de la distance entre vous. pourtant, douce brise qui caresse ta peau, soulève tes cheveux. qui amène son parfum en effluves et chamboule à nouveau tes sens. t'as aucune idée d'où la nuit te menera. mais t'as envie de voir nora.
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