Un verre de trop / Amaya

J’ai travaillé plus tard que prévu ce soir, j’ai demandé à ma plus grande fille de garder sa sœur, mais elle avait quelque chose de prévu et c’est une de ses amies qui l’a gardé. Je devais rentrer vers vingt heures tout au plus, une affaire m’a retenu, je devais voir quelqu’un pour un sujet et finalement ça s’est fini plutôt que prévu, alors j’ai décidé d’aller boire un verre. Il était tôt certes, mais j’en avais besoin, ce besoin immense qui nous dévore de l’intérieur, cette petite voix qui nous dit quoi faire et qu’on voudrait ne pas écouter, mais qu’on écoute pourtant. Je rentre dans un bar, je me prends un scotch. Je reste là un moment, sans doute plus que je ne l’imaginais. Je n’ai pas vu le temps passé, j’ai rencontré deux ou trois personnes que je connaissais, on a discuté et je n’ai pas vu l’heure. J’ai continué d’enchainer les verres sans me rendre compte d ce que je buvais, ni que je commençais à être un peu soul. Il y a longtemps que je n’ai pas fait ça, profiter un peu, mais une fois que je commence à boire j’ai énormément de mal à m’arrêter et j’ai envie toujours d’en prendre un peu plus. C’est lorsque je vois l’heure affichée sur la télévision du bar que je me rends compte que je devrais être chez moi auprès de ma fille, même si elle dort, je suis son père. C’est à moi de prendre soin d’elle et on ne peut pas dire que je tienne mon rôle ces derniers temps. Je suis négligent depuis la mort de ma femme, je me morfonds, j’oubli et j’en veux à la terre entière alors que je suis le seul coupable.

Je monte dans un taxi, je n’ai pas pris la voiture, je ne préfère pas. Il me ramène chez moi. Je ne marche pas vraiment droit et je met beaucoup de temp à trouver les clés, beaucoup de temps à trouver la serrure. Je fini par rentrer dans un brouhaha certain, faisant tomber le porte manteau lorsque j’essaie d’accrocher ma veste.

«Oups, pardon. »

Je ne sais même pas pourquoi je parle à un meuble. Je me sens à la fois bien et à la fois un peu honteux. Je ne devrais pas me mettre dans des états pareils, j’ai l’air d’un adolescent en pleine crise, sauf que j’ai quarante cinq ans. Je suis loin d’être un adolescent. J’ai passé l’âge, mais ces derniers mois on été difficile, c’est un moyen comme un autre d’oublier. Je me rends compte que je ne suis pas seul. Il y a une femme chez moi. Dans l’encadrement de la porte qui mène au salon. Pendant un instant j’imagine que c’est ma femme qui est revenue et je me sens un peu perdu. Bouleversé de la voir, parce que je la vois vraiment, illusion, hallucination, appelez ça comme vous le voudrez. Je m’avance vers elle, d’un pas décidé presque hâtif avant de machinalement l’embrasser fougueusement. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, mais au moment ou je me dis que je commencer à dérailler sérieusement je me rends compte que ce n’est pas ma femme qui est là, mais la baby-sitter et je me sens comme un con. Je la regarde avant de bafouiller :

« Je … désolé … Je … vous … Je vous ai prise pour … J’ai cru que vous … »

Je n’arrive pas même pas à trouver mes mots pour expliquer ça, que je suis soul et que j’ai eu une hallucination, que j’ai cru voir ma femme.