Not Today [Bastouille]

C’est en lâchant un soupir blasé qu’il pousse la porte de ce lieu lui appartenant désormais. L’irlandais ne peut nier la mine dégoutée trônant sur son visage, ne réalisant même pas combien tout a changé désormais, combien il lui est difficile de se rendre compte que les matins ne seront plus à New York, qu’il ne pourra plus aller dans son café préféré se remplir le gosier de gâteaux archi sucrés au charme de mort violente pour le moindre diabétique. Qu’il dit adieu à bon nombre d’acolytes l’ayant toujours suivi dans ses pérégrinations.
Tout devient différent. L’adaptation est violente même.
Puis, franchement, l’Angleterre, à ses yeux, ça pue. Cinaed n’a jamais posé les pieds sur ce territoire d’une part parce qu’il a toujours eu fort à faire sur le sol américain et d’autre part que quitter le continent se résumait toujours à venir se poser en Irlande. De ce fait, il n’a jamais prêté attention à l’Angleterre et la vieille qui se proclamait reine #norespect.
Mais maintenant qu’il n’a plus le choix, maintenant qu’il a eu ce putain de couteau sous la gorge, maintenant qu’il n’a eu d’autre choix que de partir avec Manus et l’effrayant Corbeau de Raven, il est forcé de reconnaître qu’il déteste ce pays, qu’il hait cette ville. Et pire, qu’il se retrouve à être obligé de faire.
De toute façon, le paternel a été sans appel, c’était Exeter ou la mort. Et même s’il crache sur la Grande Faucheuse, Cinaed n’a pas, pour autant, envie de mourir maintenant. Il a bien trop d’objectif dans la vie. Et surtout, il n’a plus qu’une seule idée en tête : montrer au patriarche qu’il a eu tort de l’envoyer ici. Qu’il va tout faire pour montrer qu’il mérite la gloire et le statut d’éternel, qu’il va réaliser de grandes choses ici, même si en l’état, le dégout l’habite, la colère fait trembler les phalanges trop de fois rapiécées. Il est vindicatif au possible, prêt à en découdre, même si pour l’instant, il appréhende d’entrer dans cette maison close, business qu’il n’a jamais connu jusqu’à présent, s’étant toujours représenté comme le leader incontestable de la pastille bleue produite par Raven.  
Aujourd’hui, le voilà qu’il doit gérer le parti de vendre de jolies derrières et ça ne l’enchante guère. Cin’, c’est pas son truc ce genre d’industrie, il a toujours eu pour habitude de se centrer sur la drogue, les armes mais jamais sur le plaisir monnayé de ces chairs noircies par l’obscurité, les regards lubriques. Il a trop souvent été dans le rôle de consommateur alors… A quelle heure, en quel instant, est-il devenu un mac ? #DouxJesus
C’est d’une telle absurdité. Voilà tout ce qu’il pense en posant un pied sur ce sol, regardant les lieux. Il y a du monde et c’est normal, le soir est là. La nuit est haute et libère les vices d’Exeter. Probablement qu’il y a des chambres à l’étage s’il en juge cet escalier en bois qui doit mener vers les vallées des merveilles, véritable planche à billets vénal. Mais en attendant, il inspecte les lieux, scrute la marchandise, ne sait même pas sur quoi il va tomber à vrai dire.
Il y a des filles un peu partout, des anglaises ? Il est plein de question et espère y trouver des réponses à ce qu’on lui a offert comme détails sur l’endroit. Le patriarche a été avare de mots, ne permettant pas à dissocier de savoir si cet endroit est une cage ou une opportunité.
Il n’attend d’ailleurs pas qu’on vienne à lui mais tel Dieu, il pointe un doigt sur la première créature vivante dont il croise le regard. Une brune. Probablement une prostituée. Mignonne mais il est bien trop préoccupé pour en juger de la beauté ou de ce que d’ordinaire, ces filles-là éveillent en lui.
« Toi. T’as l’air de rien foutre. Alors tu vas me faire visiter les lieux. » Bonjour. S’il te plait. Merci. Au revoir. Tant de bases dont il n’a pas bénéficié dans l’enfance et dont il ne s’embarrasse guère. « Cet endroit m’appartient désormais. » Ajoute-t-il d’une voix condescendante tout en observant les murs, le sol. Le lieu en lui-même. Bon sang, ça ne ressemble tellement pas aux Etats-Unis. Et sa maison lui paraît si loin. « Tu bosses ici, n’est-ce pas ? »
Ça lui va bien de toute manière. Elle est comme toutes ces autres, un bout de viande délectable.