(FB) ERESA » BRAINDEAD.

Tessa, elle s’était laissée tomber sur son lit, tiré à quatre épingles. La couette épaisse, les oreillers secoués, pour qu’ils soient plus rebondis que jamais et ses soupirs, d’une longue journée, s’étouffaient, à même les draps. La soie. Les tissus, faisant écho à ceux glissant entre ses phalanges, se nichant sur la peau, couvrant ses pensées de délicates rêveries, quant à l’évolution de sa marque. Celle, convoitée, idolâtrée de longues années, jusqu’à récolter les fonds suffisants, pour lancer, certainement, le projet d’une vie. Et les envies de toujours plus, dans un coin de sa caboche, Tessa, elle n’oubliait rien, désirait œuvrer pour que la mode soit inclusive, que chaque profil soit représenté et libérer celles et ceux qui se sentent à l’étroit, dans ces putains de diktats. Étouffant, suffoquant. Ces magazines, qui ne représentent que des idéaux, qui creusent les cerveaux et les comblent d’illusions. De complexes. Quand d’autres se massacrent pour représenter ces images : des relations toxiques, qu’elle ne tolérait plus, Tessa. Parce que ça la rendait folle de découvrir ces formes et étiquettes qui indiquaient une limite. Parce qu’en se remplissant de convictions, elle ouvrait les yeux sur les discriminations subies, de son ancien cercle relationnel, de sa famille, qui avait tenté, envers et contre tous, de la cacher, cette poupée décousue. Qu’ils rêvaient de façonner à l’image des autres enfants, la faire rentrer dans du trente-six, l’exilant dans ces centres, où la maigreur était mise au premier plan, en piétinant la santé mentale, si essentielle face au monde cruel se dessinant. Ce fut la sonnerie de son téléphone, laissant résonner quelques mélodies stridentes, qui la faisait revenir sur terre. Désagréables, certes, mais qui lui permettaient de sortir de son état de relâchement, complet. Les quelques messages échangés avec Erell suffisaient à la motiver, à faire quelque chose de cette soirée, où ses pensées se montraient viles, mesquines. Ces silences faisaient remonter la crasse des fonds marins, les abysses, que la belle ne voulait plus côtoyer. La misère et l’obscurité d’Exeter, heurtant cette infime part d’innocence, la clarté candide, de la femme, s’imaginant dans les bras, de celui qui l’avait un peu plus brisé. Si bien qu’elle peinait à revenir sur pieds, Tessa, fermant violemment les paupières, jusqu’à percevoir des couleurs, des arcs-en-ciel de douleur, dans l’espoir… Dans l’espoir d’effacer ces nuages, cette foudre, menaçant de fracasser les restants d’espoir. Et d’un geste, l’eau coulait, le robinet actionné, pour rafraîchir son minois tendu, par la férocité du passé. Une tenue chaude enfilée et un sac remplit avec une aide pour se purger l’esprit, elle prenait sa voiture, Tessa, la journée déclinant à ses arrières, tandis qu’elle roulait, continuait sa progression jusqu’à la plage, ce bar qui ne fermait jamais. Se garant devant la bâtisse vacillante, elle déverrouillait son téléphone et reculait son siège, pour s’installer de manière confortable. À l’arrière : les falaises, la mer, se fracassant sur les rochers, comme quoi un orage n’était pas trop loin. Et Tessa, la gueule éclairée par les quelques guirlandes, attendant Erell, une bouteille ouverte à la main, prête à dégainer les tranquillisants.

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